AFRIQUE :: Les injures de Macron décortiquées :: AFRICA
© AFRIKSURSEINE : Calvin DJOUARI | 17 Jan 2025 09:23:17 | 1249« Je crois qu’on a oublié de nous dire merci, mais ce n’est pas grave, cela viendra avec le temps. L’ingratitude, je le sais bien, est une maladie non transmissible à l’homme. » Ces mots, emprunts d’une ironie mordante, ont été prononcés par le président Macron lors de son discours du 6 janvier. Il a poursuivi en déclarant que les gouvernants africains n’avaient pas eu le courage, face à leur opinion publique, d’assumer pleinement le rôle de la France dans leur histoire récente. « Aucun d’entre eux, a-t-il ajouté, ne serait aujourd’hui à la tête d’un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée dans cette région. »
Ces propos, d’une condescendance éclatante, ont sans doute échappé à beaucoup d’Africains qui, pour la plupart, n’ont pas saisi toute la portée de cette rhétorique marquée d’arrogance. Il m’a semblé nécessaire de revenir sur cet extrait, véritable concentré de suffisance, pour en éclairer le sens et la subtilité venimeuse. Cette partie du discours du président Emmanuel Macron concernant l’Afrique s’inscrit dans un registre qui mêle rhétorique politique et tonalité personnelle. Ce qui faut retenir, c’est l’un des discours les plus condescendants à l’encontre de l’Afrique après celui de Nicolas Sarkozy prononcé à l’université Cheick Anta Diop de Dakar.
Je vais décortiquer cet extrait sur le plan stylistique et linguistique. Commençant par la tonalité et la posture rhétorique utilisées. L’extrait s’ouvre sur un ton faussement désinvolte : « Je crois qu’on a oublié de nous dire merci, mais ce n’est pas grave ». Cette structure met en avant une rhétorique de reproche masqué par une apparente indulgence. Le président se positionne en figure magnanime mais frustrée, qui créé un contraste entre le devoir accompli (l’intervention française) et l’absence de reconnaissance attendue. Ce procédé met en scène une supériorité implicite, car il fait remarquer le rôle bienfaiteur de la France. Puis survient l’usage de l’ironie et de l’humour acide introduit par la formule « l’ingratitude je suis bien placé pour le savoir, c’est une maladie non transmissible à l’homme » illustre une ironie mordante.
En associant un concept abstrait (l’ingratitude) à une métaphore biologique (maladie non transmissible), Macron opte pour une tournure à double tranchant : elle dédramatise tout en accentuant le reproche. Cette ironie sert ici à ridiculiser, dans une forme feutrée, les dirigeants africains qu’il vise. Il blâme et pour blâmer il fait une construction argumentative et logique d’accusation par la phrase, « aucun d’entre eux ne serait aujourd’hui avec un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée .» L’injure ici est manifeste car il démontre que les pays africains dépendent de la France pas seulement aujourd’hui mais depuis longtemps. Ce qui entre en contradiction avec des groupes armées qui peuvent déstabiliser un état organisé. D’où leur vient des armes ? Qui les fabrique ?
Cette assertion, formulée par le président Macron est comme une injure d’un père à l’égard de son fils ; une rhétorique paternaliste. Une autre contradiction est ainsi établi et prouve une causalité directe entre l’action de la France et l’existence même de la souveraineté africaine, effaçant ainsi l’autonomie historique et politique des pays concernés. L’extrait en dit long et résume tout. Pour bien marquer cette mépris universel, il globalise la critique en généralisant. L’emploi de « aucun d’entre eux » est plus que réductible à leur rencontre, parce qu’il réduit les gouvernements africains à un bloc homogène. C’est une stratégie langagière qui minimise l’Afrique en projetant sur eux (les présidents) cette image négative collective. Dans la partie qui concerne l’Afrique, il y a l’omniprésence du pronom personnel « je » qui montre qu’il est le centre de tout. Macron s’impose ici comme une figure omnisciente, détentrice de vérités indiscutables. Cette posture renforce une hiérarchie implicite entre l’orateur (la France) et ses interlocuteurs (les gouvernants africains).
Tout est dit avant d’utiliser l’euphémisme de façon passagère il juxtapose des phrases courtes et percutantes « mais ce n’est pas grave, ça viendra avec le temps » à des formulations plus longues et argumentatives « aucun d’entre eux ne serait aujourd’hui avec un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée ». Ce contraste rythme le discours, ce qui alterne entre légèreté apparente et gravité sous-jacente. Et contre toute attente il entre dans le registre familier et proximité simulée comme on le fait en famille en Afrique, avec l’usage de cette tournure familière « ce n’est pas grave » et « ça viendra avec le temps », vise à établir une proximité avec l’auditoire tout en dédramatisant le propos. Ce choix stylistique peut être perçu comme une tentative de se rendre accessible, bien qu’il renforce une tonalité condescendante.
Quel est le symbolisme de son « merci ». c’est très fort ce mot. Nous sommes ici réduit à ce qui a été dit dans l’histoire, « une terre vacante à qui on est venu civilisé des sauvages », le merci ici est symbole explicite de la gratitude attendue après nous être sorti de la sauvagerie, c’est le mot « clé ». l’Afrique devient un profiteur de la civilisation et manque de « Courage » pour reconnaitre son passé : le merci s’accorde à lui-même et s’attribue une supériorité bienveillante, car ce terme valorise l’action de la France et minimise la contribution locale. Il y a une grande portée politique qui s’inscrit dans l’avenir politique de l’Afrique et il faut faire très attention.
Car ce discours illustre une double dynamique typique de la rhétorique néocoloniale. Le recours à l’ironie et à une logique de dénigrement collectif s’inscrit dans une stratégie d’auto-justification, où la critique des partenaires africains légitime a posteriori les interventions militaires françaises. La France ne tourne jamais le dos. Elle ne renonce pas, mais se réinvente, se repositionne, empruntant d’autres voies, parfois économiques, parfois discrètes, ceci échappe à une formulation claire de ma part faute de preuves tangibles. Cependant, l’heure n’est plus à l’attente. L’Afrique, comme l’a si justement proclamé le président Traoré du Burkina Faso, doit s’organiser, se réinventer elle-même. Mais cela ne pourra advenir que dans l’unité, au moins à l’échelle régionale.
Une voix commune doit s’élever, forte et claire, car sans cette harmonie, les représailles inévitables viendront briser les élans fragiles. Ce combat exige la mobilisation de toutes les consciences, de toutes les énergies. L’Afrique ne peut se permettre de laisser quiconque en marge de cette quête. Et malheur à ceux qui se permettent de l’insulter. L’Afrique est ce qu’elle est : culturellement pauvre, en retard mais sa marche est majestueuse, complexe, indomptée. Ceux qui l’humilient s’effaceront des mémoires, engloutis par l’indifférence de l’histoire. c’est ce qui est arrivé à Sarkozy et Trump, car l’Afrique est une force intemporelle : elle sera le dernier continent à disparaître, et le premier à renaître. Croyez-moi, elle est le berceau des âmes et la promesse des avenirs.
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