CAMEROUN :: Chronique de Joel Constant Tchoegnia: Rien ne va :: CAMEROON
© Pour Camer.be : Joel Constant Tchoegnia | 08 Jan 2025 13:01:54 | 885La crise dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest ne s’estompe pas. Loin du théâtre des opérations, l’on peut croire qu’il y a accalmie. Que non. Le traditionnel discours de fin d’année du chef de l’Etat, Paul Biya, à la nation scelle la fin de la guerre. « Il y a quelques années, j'avais indiqué que le septennat en cours devait être décisif, dans la mesure où il permettrait à notre pays de poursuivre résolument sa marche vers l'émergence. J'avais précisé que cet objectif devait être érigé en véritable cause nationale, notamment à travers notre engagement collectif à rétablir la sécurité, à conforter notre croissance économique et à améliorer sensiblement les conditions de vie des Camerounais », indiquait-il dès l’entame de son discours.
Le président de la République ajoutait qu’un regard rétrospectif sur les années qui se sont écoulées depuis lors, permet de constater que des avancées considérables ont été accomplies dans chacun de ces domaines. « La sécurité, condition essentielle du progrès économique et social, a été et reste au centre de nos priorités. Grâce à l'action conjuguée de nos forces de défense et de police, des autorités administratives et des populations, notre pays est resté stable, malgré un environnement international particulièrement troublé ».
Le chef des Armées a reconnu que nombre de localités demeurent confrontées aux attaques lâches des groupes terroristes et à la grande criminalité. « Je puis cependant vous assurer que tout est mis en œuvre pour assurer une paix durable sur toute l'étendue de notre territoire. J'observe par ailleurs que le processus de reconstruction des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest progresse, en dépit des atrocités commises par quelques bandes armées, qui continuent leurs exactions principalement contre la population civile. Je ne le dirai jamais assez. La cause séparatiste que ces groupes d'illuminés prétendaient défendre est vouée à l'échec.
Le Cameroun restera un et indivisible. C'est le vœu de l'écrasante majorité de nos compatriotes. C'est l'essence même du mandat qui m'a été confié. Et je n'y faillirai point ».
Le chef de l’Etat a parlé et les Camerounais aussi bien de l’extérieur et de l’intérieur l’ont suivi. Mais au vu des faits, le discours n’est resté que sur les mots. Et les maux alors ? Quel répondant ? Plutôt, rien ne va. Les exactions sont toujours perpétrées par des séparatistes anglophones.
« Une information actuellement en circulation sur les réseaux sociaux, que nous évoquons sous toutes réserves, fait état de l'enlèvement, le 29 décembre 2024, à Bamenda, du Procureur Général près de la Cour d'Appel du Nord-Ouest, NCHANG Augustin », mentionnait le principal opposant de Paul Biya, Maurice Kamto dans sa sortie le 2 janvier dernier.
Si pour le président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) cette information était avérée, elle viendrait s'ajouter à l'enlèvement suivi, de tortures physiques graves, du Sous-préfet d'IDABATO, dans la Région du Sud-Ouest, Roland EWANE, dans la nuit du 1er au 2 octobre 2024. « Plusieurs mois après l'enlèvement de ce dernier, on reste sans nouvelles de ce serviteur de l'État dont le sort ne semble plus préoccuper au sommet du pouvoir ».
Dans la foulée, des confrères renseignent d’une « attaque surprise contre un poste militaire mixte à Akwaya, dans le département de la Manyu, dans la région du Sud-Ouest, vendredi après-midi, a entraîné la mort de cinq membres des forces de défense camerounaises ». Ils parlent qu’un rapport militaire préliminaire qui indique que « des hommes armés de la tribu Peul ont mené l’attaque ; et qu’aucun groupe séparatiste n’ait revendiqué la responsabilité ». L’on parle des armes de l’armée ont été saisies pendant l’attaque. Les identités des soldats tombés au combat ont été confirmées. Il s’agit de l’adjudant Bekono, du sergent Tedongzi, du caporal-chef Nsom, du soldat Obama André et de l’adjudant Mutah Muutah Stephen. Les séparatistes au demeurant n’ont pas souvent la promptitude de revendiquer leurs attaques. « Leur objectif c’est de désorganiser l’armée et toujours bomber le torse sur le fait qu’ils n’ont pas perdu la main comme semblait le dire le président de la République dans son discours à la nation », analyse un journaliste.
La toile s’est tissée autour de cette actualité et a rejeté dans sa grande majorité le discours du chef de l’Etat qui donne l’impression d’avoir maitrisé la crise. Pour des Camerounais, le gouvernement ne doit pas chercher à travestir la réalité sur le terrain. La guerre continue à endeuiller les familles, aussi bien d’un camp comme de l’autre. Ils ne demandent jamais assez d’organiser un dialogue beaucoup plus inclusif et de revenir sur la table des négociations. Dans un débat télévisé sur une chaine de télévision après le discours, un panéliste suggérait que s’il est de l’intérêt de tous que le Cameroun reste un et indivisible, il n’en demeure pas moins qu’il vaille mieux ne plus brandir le pouvoir de l’Etat, étant donné que pour lui « l’Etat n’a pas toutes ses forces face au camp d’en face qui parvient à plonger les populations dans l’émoi. Et chaque fois qu’il y a un geste de défiance du côté de Yaoundé, la réplique ne tarde pas ». Il rappelle l’enlèvement d’une autorité communale de la région du
Nord-Ouest après l’organisation de la diffusion du film documentaire « Paul Biya, un grand homme d’Etat au destin prodigieux ». D’autres panélistes pensent qu’il faut revenir à la case de départ et lisser tout ce qui a été identifié comme étant la source des frustrations. « La conférence de Foumban était un jeu de dupes. Il n’est pas évident de refaire le temps mais l’on peut corriger ce passé affligeant en étant vrai. J’ai peur que les discours comme celui du chef de l’Etat continue à mettre le feu à la poudre », réagissait-il.
Comme dans un sermon, le chef de l’Etat dit être attaché à l'unité nationale, au progrès et à la paix. Il prend à témoins des actions que le gouvernement mène, sous son impulsion, depuis des années, pour mettre un terme à cette crise sécuritaire, qui affecte le développement de ces régions et endeuille de nombreuses familles. « C'est l'occasion pour moi de rappeler aux membres de ces bandes armées, que la Nation leur tend toujours la main. Je les invite, une fois de plus, à saisir l'offre de paix qui leur a été faite et à déposer les armes. Des centaines de leurs camarades ont déjà rejoint les centres de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, et ont été formés à différents métiers, afin de faciliter leur insertion sociale. Le sort de ceux qui persistent dans la criminalité est peu enviable. Ils continueront d'être traqués sans relâche et répondront inéluctablement de leurs forfaits ». Des opposants pensent que l’Etat devrait en position de force avant de faire ce genre de déclaration. « Ceux qui ont rédigé ce discours sont-ils amnésiques ? N’ont-ils pas bonne souvenance de ce qui a été dit en 2015 au déclenchement de la crise ? Aller dans les centres de désarmement devrait se faire avec l’assurance de maitrise de la crise. J’ai l’impression qu’on met les charrues avant les bœufs. Parce que même ceux qui disent avoir rejoint lesdits centres donnent l’allure d’une mise en scène ».
L’intérêt de tous serait de préserver une paix sincère et durable. Ce sera le seul gage pour assurer l’émergence du pays. Car comme pensent les Camerounais, rien ne peut se faire dans un environnement de guerre.
Depuis le début de la crise en 2015, j’ai réalisé plusieurs chroniques. J’ai tenu à retenir celui-ci dans le livre parce qu’il parait dans un contexte camerounais très tendu avec deux élections majeures : présidentielle et des régions. Pour me questionner s’il est possible d’organiser des élections inclusives, donc avec la participation de tous, alors que deux régions importantes restent enclines à des attaques permanentes. Nous savons tous qu’une élection équitable met en place des dirigeants qui sont aussi bien dans la légalité que dans la légitimité. D’où l’impérieuse nécessité de résorber cette crise qui contribue à la fragmentation d’un Etat dont le mantra est « le Cameroun est un et indivisible »
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