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© AFRIKSURSEINE : Ecrivain;Romancier Calvin DJOUARI
- 29 Mar 2025 10:58:02
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Qui sera le prochain président du Cameroun ? L’hymne national détient la réponse. :: CAMEROON
En classe de sixième, un souvenir marquant demeure gravé dans ma mémoire : celui d’un professeur, Monsieur Mathias Djoumessi, fils de l’ancien ministre Djoumessi Mathias, dont la résidence se trouvait dans la ville de Dschang. Il fut, à ma connaissance, le seul enseignant à nous initier non seulement à la récitation de l’hymne national camerounais, mais aussi à en saisir le souffle profond, à en épouser la mélodie tout en en comprenant le sens. Pour lui, chanter ne se résumait pas à répéter mécaniquement des paroles apprises ; il s’agissait de faire corps avec le chant, de le ressentir, de l’habiter. Depuis lors, jamais je n’ai croisé un autre pédagogue animé d’une telle volonté de nous conduire au cœur de l’hymne, à la source même de son inspiration. C’est pour cette raison que je m’y consacre aujourd’hui, à mon tour, pour les jeunes Camerounais. Mais alors, quelle est la quintessence de ce chant solennel ? Que recèle-t-il au-delà des mots, derrière les élans patriotiques ? Je vais l’expliquer.
L’hymne national a été composé en 1928 par trois élèves camerounais – René Jam Afane, Moïse Nyatte N’koo et Samuel Minkyo Bamba – alors qu’ils étaient pensionnaires à l’École Normale de Foulassi. L’hymne « Ô Cameroun, berceau de nos ancêtres » s’impose dès l’origine comme un chant de foi patriotique, bien avant l’indépendance de 1960. Si René Jam Afane et Samuel Minkyo Bamba sont officiellement reconnus comme les principaux auteurs de l’hymne national camerounais, un autre nom revient parfois dans les témoignages : celui d’un certain Ekwalla Essaka, qui aurait également revendiqué une part dans la composition de l’œuvre. Quant à la version anglaise, elle fut adaptée en 1961 par Bernard Fonlon, à la suite de la réunification du Cameroun francophone et anglophone. L’hymne à cette époque exprime avec une étonnante précocité des aspirations à la liberté, une conscience nationale en germe et un rejet implicite du colonialisme. Initialement chanté comme un hymne de ralliement, ce sont les militants de l’UPC qui en ont assuré la diffusion à grande échelle. Il convient de rappeler, à cet égard, qu’Um Nyobé fut l’élève de Samuel Minkyo Bamba, l’un des principaux auteurs de cet hymne emblématique.
C’est en 1957 que l’hymne a été adopté comme chant officiel, soit trois ans avant l’accession à la souveraineté, ce texte se présente comme une profession de foi civique et poétique. Il exalte l’amour de la patrie, le désir ardent d’unité nationale et la quête de dignité. C’est en même temps à cette époque un manifeste lyrique pour la liberté, un socle moral sur lequel se fonde l’engagement citoyen. Il appelle à servir la nation avec honneur, à la défendre avec courage, et à préserver son unité comme un bien sacré. Dès son premier vers – « Ô Cameroun, berceau de nos ancêtres » – l’hymne s’ouvre sur une apostrophe solennelle. Le pays y est présenté comme un lieu d’origine, un sanctuaire historique, un espace d’enracinement et de mémoire.
Le ton est noble, presque sacré, et le champ lexical de la fierté et de la vigilance domine : « debout », « jaloux de ta liberté », « fier ». La liberté y est perçue non comme un droit acquis, mais comme un trésor à protéger. Le drapeau, quant à lui, devient un symbole lumineux : « comme un soleil », il doit rayonner. Il représente l’unité d’un pays pluriculturel et multilingue, et devient porteur d’espoir et de cohésion. L’expression « jaloux de ta liberté » souligne cette vigilance patriotique. Le mot « jaloux », loin de son sens négatif habituel, évoque ici la fermeté dans la défense de l’indépendance.
La métaphore solaire du vers « Comme un soleil ton drapeau fier doit être » magnifie le drapeau en tant que flambeau de la nation, Porteur de clarté, flamboyant d’ardeur et nourri par la ferveur de la foi. Même lorsque l’hymne évoque « le seul et vrai bonheur », il ne s’agit pas d’un bonheur individuel, mais d’une foi civique, d’un attachement à la patrie vécu comme une forme d’élévation morale. L’unité, encore une fois, en est le cœur battant : une sublimation du lien national dans un Cameroun composé de peuples divers mais appelés à se reconnaître dans un idéal commun.
La deuxième strophe insiste justement sur cette unité géographique et fraternelle. En évoquant les quatre points cardinaux – « du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest » – elle célèbre l’inclusivité de toutes les régions. Le Cameroun est vu comme une mère-patrie dont tous les enfants sont appelés à vivre dans l’amour et la fraternité. L’expression « soient tout amour » exprime un idéal d’harmonie nationale. L’amour évoqué n’est pas sentimental, mais profond et civique, fondé sur la solidarité et le devoir. L’idée du futur président du Cameroun se dissimule peut-être dans cette figure géométrique symbolique. Le premier président était originaire du Nord, le second – l’actuel – vient du Sud, et il est secondé par une personnalité de l’Est, dont le secrétaire général semble assumer ce potentiel avec une présence bien réelle (troisième président) ; il est donc plausible que le quatrième président, celui de l’avenir, émerge de l’Ouest. Il convient d’entendre par « Ouest » une acception large, englobant également les régions anglophones. Il serait difficile de s’éloigner de ce schéma, comme si ce destin avait été tracé par les anciens. C’est écrit, pourrait-on dire, dans le livre invisible des ancêtres. Peut-être est-ce là ce que la prophétie d’Um Nyobé désignait sous l’expression mystérieuse du « ventre mou ». Mais tout cela, bien sûr, n’est encore que le fruit des spéculations d’un écrivain songeur. La postérité, un jour, dira son mot.
Le vers « Te servir, que ce soit leur seul but, pour remplir leur devoir toujours » traduit l’essence même du patriotisme : un engagement actif, constant, désintéressé. Le chœur, partie centrale de l’hymne, est l’expression intime de l’amour patriotique. Il repose sur une répétition affective – « chère », « chérie », « bonheur », « joie », « vie », « amour », « honneur » – qui renforce l’attachement à la terre camerounaise. La patrie y est perçue comme source de vie et de bonheur, un espace affectif profond. L’honneur d’en être citoyen est présenté non comme un privilège, mais comme une responsabilité noble. Quant à la dernière strophe, souvent omise dans les versions modernes, elle mérite qu’on s’y attarde :
Tu étais jadis colonie,
Soumise à la barbarie.
Et d’un peuple enfin uni,
Tu rentres dans la liberté.
Cette strophe, avait été écartée pourtant elle contient une lecture historique audacieuse de notre hymne. Elle évoque la « barbarie », non pas comme une critique frontale du colonisateur – les auteurs étant encore sous l’autorité des enseignants français ne pouvaient se permettre de les critiquer ouvertement -, cette partie fait allusion aux guerres tribales et divisions internes qui précédaient la colonisation. L’idée d’un « peuple enfin uni » résonne alors comme un vœu d’unité nationale transcendante, au-delà des appartenances ethniques. Le problème de la division provoquée par la colonisation est exprimé dans l’expression « tu rentres dans la liberté ». Cette strophe évoque la scission de l’ancien Cameroun allemand en deux entités : le Cameroun occidental et le Cameroun oriental.
Le texte revêt ici une portée métaphysique, tant il s’imprègne d’une symbolique profonde en exprimant, de manière latente, cette fracture historique. Une fracture qui semble avoir inspiré aux auteurs un vœu solennel – presque une prière – pour l’avènement de l’unité nationale, dans une élévation à la fois spirituelle et souveraine. Par là même, ce passage rejette l’idée de guerre (latent dans leur esprit), et inscrire le Cameroun dans le fil de l’Histoire, guidé par la foi en un destin partagé.
Il s’agit d’une véritable déclaration d’indépendance morale, d’une vision prophétique née de l’imaginaire ardent de jeunes normaliens qui rêvaient d’un Cameroun debout, digne et libre. Ce que ces enfants ont conçu à cette époque est tout simplement admirable. Notre hymne national est une mémoire en musique, une vision en vers, un acte fondateur. Il conjugue douleur, espoir, histoire et engagement, avec des mots simples, mais porteurs d’une force presque surnaturelle. Il est le souffle même du patriotisme camerounais, de l’avenir tout court.
N.B C’est Kueta Koko Pierre, mon ancien camarade de classe à l’école primaire du Groupe 5 de Nkongsamba – aujourd’hui établi au Nigeria – qui m’a invité à rédiger ce texte, dans le but d’éclairer de nombreux Camerounais sur la profondeur et la portée de notre hymne national, que certains pourraient ne pas pleinement saisir.
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