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© AFRIKSURSEINE : Ecrivain;Romancier Calvin DJOUARI
- 11 Mar 2025 17:25:10
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CAMEROUN :: Le retour médiatique de Louisson Essomba : élégance, éloquence et stratégie :: CAMEROON
Louisson Essomba a fait un retour remarqué sur les plateaux de télévision hier. L’enseignant a affiché une élégance tant physique que verbale, et surtout une finesse remarquable dans la construction de ses idées. Ceux en quête de culture politique pouvaient en être fiers. Suivre cette personnalité brillante fut un véritable plaisir, tant pour l’oreille que pour l’esprit. L’homme a expliqué son absence prolongée par des raisons stratégiques. Selon lui, une surexposition médiatique aurait pu nuire à son image, car, dit-il, « lorsqu’on est trop vu, on finit par ne plus être désiré ». Son retour fut ainsi accueilli avec enthousiasme, comme en témoigne un des invités : « Lorsque le professeur entre dans une salle à l’université, c’est pratiquement l’extase ». Cette ferveur me rappelle celle suscitée par Joseph-Gabriel Lep à notre époque dans les années 90.
Dès le début de son intervention, Louisson Essomba a affirmé avoir gagné en liberté et en indépendance grâce à son retrait volontaire. « J’ai préservé une chose essentielle : ma dignité », a-t-il déclaré. À la question de savoir pourquoi il s’était retiré des médias, il a répondu qu’il se sentait comme dans une « mare de crocodiles ». Son omniprésence médiatique semblait alors nuire à l’État. L’émission fut riche en anecdotes. Il a notamment raconté qu’après une prestation télévisuelle remarquée, il avait été invité par le Premier ministre de l’époque, Yang Philémon, impressionné par son éloquence. Cette rencontre revêtait une signification particulière, car sa thèse de doctorat portait précisément sur « le domaine et le pouvoir réglementaire du Premier ministre au Cameroun ». Ses interventions médiatiques, notamment en 2016, lui ont même valu une invitation au défilé officiel et au palais présidentiel.
La responsable chargée de lui remettre son invitation lui confia que cette reconnaissance découlait directement de ses prestations télévisuelles. « Au sein du gouvernement, certains veulent entendre le son de la vérité. Il y a des personnes qui apprécient les analyses objectives et les critiques constructives à l’égard de l’État », a-t-il souligné. Cette reconnaissance s’est étendue jusqu’au directeur du cabinet civil de la présidence, qui souhaitait l’associer à un cercle de jeunes universitaires pour réfléchir sur des sujets liés à l’État, la démographie et la vie politique du Cameroun. Toutefois, son parcours n’a pas été exempt d’échecs et d’injustices. Fidèle à ses racines, il a cité un proverbe Mbamois : « Quelle que soit la vitesse de la poule, le coq maintient sa décision ».
Cette phrase illustre sa détermination et sa résilience. Comme certains intellectuels camerounais de renom, Essomba a reçu plusieurs propositions pour s’expatrier, notamment au Canada. Mais il a toujours répondu fermement : « Le président de la République a décidé de rester au pays ». Il a également rendu hommage à Victor Emmanuel Bokali, qu’il considère comme un acteur clé de sa carrière. Pour lui, la démocratie repose sur un équilibre entre la gouvernance de la majorité et la prise en compte des droits de la minorité. Étayant son propos par des références philosophiques, il a cité Spinoza et Madeleine Granwitch, qui distingue deux types d’intellectuels : les intellectuels organiques et les intellectuels progressistes. Il a aussi insisté sur le rôle des universitaires : « La liberté d’expression est un élément fondamental de la démocratie », tout en rappelant qu’il existe aussi une « liberté de se taire ». Il a rendu hommage à Roger Gabriel Lep, son ancien enseignant, et rappelé une anecdote où un étudiant par humour dans les amphis qualifiait ce dernier de « faible », ce à quoi Roger Gabriel Lep répondit qu’au Cameroun, on ne pouvait le comparer qu’au professeur Maurice Kamto.
Interpellé sur la disparition des intellectuels, Essomba a redéfini cette notion en s’appuyant sur Jean-Baptiste Boto Moore : « Un intellectuel, c’est quelqu’un qui détient la lumière sacrée de la connaissance, qui a reçu une éducation moderne et qui transforme la société grâce à ses idées et réalisations, contribuant ainsi au progrès social ». Il a conclu en rappelant que le pouvoir détient « le pouvoir, l’avoir et le vouloir rester », mais qu’il lui manque souvent « le savoir ». D’après lui, un État doit garantir que ses intellectuels ne soient pas en situation de précarité. Pour étayer cette argument, il a cité un certain Léon D.
Selon Louisson Essomba, l’intellectuel doit se détacher de son confort pour défendre les causes sociales. Essomba lui-même s’est investi dans les problématiques des quartiers où il réside. Pour lui, un véritable intellectuel se distingue par son objectivité et son humilité. Dans cette optique, il a évoqué ceux qui, à ses yeux, « sont sortis du bon côté de l’histoire ». Il a ensuite fait une confession touchante : il n’était pas prédestiné à atteindre un tel niveau et, s’il devait se réincarner, ses parents « mourraient à nouveau, mais cette fois de joie ». Interrogé sur une éventuelle nomination à une haute fonction, il a répondu que « tout bon citoyen peut être appelé à servir l’État », sans pour autant renier sa rigueur scientifique. « La boussole de l’enseignant, c’est la compétence », a-t-il insisté. Enfin, la discussion s’est orientée vers la classification des intellectuels progressistes, qui ne se limite pas au Cameroun. La question a été relancée par Jean Banyolog, qui considère que cette distinction entre intellectuel organique et progressiste n’est qu’une vue de l’esprit.
Pour illustrer son propos, Essomba a rappelé l’épisode des élections de 2004, où Maurice Kamto avait invoqué la Cour suprême pour invalider les réclamations de l’opposition. Ce fut un moment exaltant de l’émission, particulièrement lorsque le nom de Mouelle Kombi a été évoqué. Essomba a décrit ce dernier comme un « génie », ajoutant qu’il enseignait « sans document ». Moi j’ajouterai même que peu de Camerounais savent que le professeur Mouelle Kombi a joué un rôle déterminant dans la communication autour de l’affaire Bakassi. En conclusion, il a souligné que les intellectuels africains demeurent trop dépendants des nominations et des avantages financiers. « Le drame de l’intellectuel africain, c’est qu’il n’est pas autonome », a-t-il conclu avec lucidité. Si j’ai des réserves à émettre, c’est d’abord sur le fait qu’un intellectuel, invité sur un plateau d’une telle qualité et bénéficiant d’une audience aussi large, cite à plusieurs reprises des penseurs étrangers pour définir des notions aussi fondamentales. Pourquoi ne pas mettre en avant des références locales, tout aussi pertinentes, afin d’enrichir la réflexion avec une perspective plus enracinée ?
Ensuite, il est étonnant de voir que Maurice Kamto est systématiquement présenté comme une figure marquante du droit camerounais. Je ne partage pas cette vision. Selon moi, Maurice Kamto a simplement su tirer parti de son exposition médiatique. Il a aimé les médias, et ceux-ci le lui ont bien rendu. Toutefois, sa notoriété ne saurait automatiquement le hisser au rang des plus grands juristes du pays. Comparé à des figures comme Stanislas Meloné ou Augustin Kontchou, véritable érudit en son temps, il n’atteint pas le même niveau de maîtrise et d’expertise. D’autres noms brillants méritent également d’être cités, tels que Biboum Youm, Emmanuel Mpondi ou encore Messanga. Par ailleurs, il est réducteur de limiter l’étude du droit aux seuls professeurs d’université, en omettant les praticiens : avocats, procureurs et magistrats, qui sont, eux aussi, des hommes de science par leur confrontation directe aux réalités du terrain.
Restreindre la réflexion juridique à la seule figure de Maurice Kamto, c’est finalement appauvrir le débat. J’ai également noté que, la définition de l’intellectuel comme étant « quelqu’un qui a le fait sacré de la lumière » et « celui qui a reçu une éducation moderne » apparaît à la fois vague et restrictive. D’une part, l’expression « fait sacré de la lumière » demeure floue et subjective : fait-elle référence à une illumination spirituelle, à une forme particulière de savoir ou à un engagement intellectuel spécifique ? D’autre part, réduire l’intellectuel à la simple acquisition d’une éducation moderne est insuffisant. L’éducation, bien qu’essentielle, ne suffit pas à définir un intellectuel, car nombre de personnes éduquées ne jouent pas nécessairement un rôle actif dans la réflexion ni dans la transformation de la société.
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