LE PRESIDENT PAUL BIYA A LANCE LA CAMPAGNE DE 2025 ; DECRYPTAGE DE SON DISCOURS A LA NATION
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CAMEROUN :: LE PRESIDENT PAUL BIYA A LANCE LA CAMPAGNE DE 2025 ; DECRYPTAGE DE SON DISCOURS A LA NATION :: CAMEROON

Hier encore, le président s’est adressé à la nation. Un rituel bien rodé où chaque mot semble calibré, chaque thème résonne comme une litanie familière. Il commence, comme à l’accoutumée, par dérouler l’étoffe de ses engagements passés, en essayant de rappeler  avec soin le fil des promesses tenues : « Nous avons prévu, nous avons réalisé. » Une formule qui revient inlassablement, tant il serait inconcevable qu’il se présente pour confesser l’échec. Au centre du discours, la sécurité demeure l’alpha et l’oméga de son message. La menace ambazonienne et Boko Haram servent de points d’ancrage pour glorifier les forces de défense et rappeler leur dévouement sans faille.

Le président s’enorgueillit alors de ce qu’il nomme la singularité camerounaise : « Grâce à l’action conjuguée de nos forces de défense et de police, des autorités administratives et des populations, notre pays est resté stable, malgré un environnement international particulièrement troublé. » Ces paroles, savamment dosées, dessinent un contraste flatteur : les troubles qui rongent les nations voisines s’arrêtent aux frontières, grâce à la vigilance et à l’autorité présidentielle. Puis, d’une voix marquée par l’assurance, il réaffirme l’unité nationale : « Le Cameroun restera un et indivisible. C’est le vœu de l’écrasante majorité de nos compatriotes.

C’est l’essence même du mandat qui m’a été confié. Et je n’y faillirai point. » En quelques phrases, il convoque la loyauté de ses électeurs, rappelle son rôle de gardien de la paix, tout en exhortant les porteurs d’armes à déposer celles-ci, un appel sans éclat, presque mécanique. Après tout, la paix ne s’impose pas par des mots, mais par des actes. Cependant, l’ombre persistante de l’insécurité plane encore. En réponse tacite aux critiques qui dénoncent l’état des routes et l’indolence administrative, il lance une réplique tranchante : « Le sort de ceux qui persistent dans la criminalité est peu enviable. Ils continueront d’être traqués sans relâche et répondront inéluctablement de leurs forfaits. » Une pique qui semble viser non seulement les malfrats mais aussi  ceux qui osent remettre en cause l’ordre établi, tout en renforçant l’image d’une gouvernance ferme et inébranlable. La seconde partie du discours glisse doucement vers les préoccupations économiques.

Les marchés financiers, l’inflation maîtrisée, les semences et les récoltes abondantes… Chaque mot s’adresse à une cible bien précise, particulièrement le monde paysan, flatté par l’évocation des prix excellents du cacao. Puis, dans un geste symbolique, il évoque Ouassa-Babouté, suscitant la fierté d’un peuple jadis oublié : « Il en est également du technopole agro-industriel de Ouassa-Babouté par Nkoteng. » Une manière subtile de raviver des loyautés vacillantes, tout en célébrant des infrastructures présentées comme des triomphes.

Enfin, le président se tourne vers les ressources minières, ici il donne les opportunités offertes à ceux qui, étrangers comme nationaux, souhaiteraient les exploiter. « La maîtrise des circuits de commercialisation de nos minerais va accroître le volume des ressources financières nécessaires à la réalisation de nos projets de développement », clame-t-il, comme pour conjurer les détracteurs. Quant aux questions brûlantes de l’électricité et des pénuries dans les grandes villes comme Douala, il tempère : « Dans la ville de Douala, les travaux de réhabilitation et d’extension de la station hydraulique de Japoma sont en cours, tandis que les études techniques du méga projet d’adduction en eau potable de cette cité ont été finalisées. » Une promesse de répit pour les citoyens de cette métropole suffocante.

Une campagne sous le masque du discours présidentiel

Dans ce  discours impeccablement structuré, le président a une fois de plus révélé l’étendue de son habileté oratoire, alternant entre le social, l’économie, et la politique. Ce dernier volet, pièce maîtresse de son intervention, marque une entrée en campagne subtile, mais assumée. Avec une déclaration limpide, il ouvre les hostilités : « L’année 2025 ouvre la voie à une nouvelle saison d’échéances politiques. Le calendrier électoral prévoit l’organisation de l’élection présidentielle et des élections régionales. » Dès ces premiers mots, la mécanique du langage politique s’enclenche. Derrière l’apparente neutralité de son propos, l’homme rusé distille une ironie mordante.

Évoquant les routes non achevées, il pointe du doigt son ministre des Travaux publics, un clin d’œil à des critiques passées lancées par le commissaire Mbarga Nguelé. Puis, dans un retournement habile, il relance la balle : évoquant les cartes d’identité indisponibles, il assène calmement une vérité amère, celle du blocage administratif qui empêche les citoyens de s’inscrire sur les listes électorales. « J’ai ordonné les mesures nécessaires pour faire face à cette situation qui devrait être rapidement réglée », déclare-t-il, comme pour rappeler qu’en dernier recours, c’est toujours lui qui tient les rênes. Avec une précision calculée, il pousse plus loin en exposant les conditions nécessaires pour s’inscrire sur les listes. Le ton est posé, mais l’allusion percutante : à ceux qui se rêvent adversaires, c’est un peu comme lancer une métaphore cinglante à ceux qui veulent aller sur le ring avec lui  : « Donnez-lui la meilleure bouffe et montrez-lui le chemin du ring. » Une manière de signifier que la joute électorale est un combat où il demeure invincible.

Le discours prend une tournure historique  lorsque le président invoque les souvenirs qui peuvent passés inaperçus ici. Comme en 1980, lorsque Ahidjo dit « oui » au congrès de Bafoussam, lui aussi prononce un « oui ». Mais ce « oui » résonne comme un appel du destin, un pacte solennel : le « oui » des victoires passées et futures, le « oui » de la continuité. Fidèle à son style, il convoque des images de rassemblement : « Ensemble » « comme par le passé » « Continuons.  » Une continuité qu’il enveloppe de gratitude : « Je suis particulièrement sensible au soutien massif que vous n’avez cessé de m’apporter toutes ces années. C’est la raison pour laquelle je n’ai jamais ménagé aucun effort pour répondre à vos aspirations. Votre confiance m’honore et me sert de boussole dans l’action que je mène à la tête de notre cher et beau pays. » Par cette phrase, il scelle son intention, non pas de se retirer, mais de persister. Le message est clair : le capitaine demeure à la barre, et sans lui, le navire Cameroun n’a ni direction, ni avenir. c’est pourquoi il évoque le mot « boussole » Cependant, pour bon nombre de citoyens, l’attente d’un renoncement s’est transformée en déception. Le président, par sa métaphore de la boussole, réaffirme son rôle irremplaçable, qui consolide sa posture de capitaine du navire, disons du paquebot, l’homme  qui seule détient la vision nécessaire pour éviter les naufrages.

Une mise en scène savamment maîtrisée

Au-delà des mots, chaque détail de la mise en scène trahit un message subliminal. L’homme fait son discours sans lunettes. Un choix intentionnel, destiné à démontrer que sa vue, cet organe essentiel au pouvoir, reste aiguisée. Ses lunettes, posées à proximité, rappellent subtilement qu’il n’est jamais pris au dépourvu. Son apparence, soignée avec minutie, ajoute à la symbolique. Il arbore une jaquette élégante, comme pour rappeler sa jeunesse d’esprit. Ses mouvements ne passent pas inaperçus : il bouge les pieds, montrant qu’il n’est pas statique ou assis sur une chaise. Chaque geste, chaque regard affable, semble s’adresser à chaque Camerounais. C’est la marque d’une vitalité maîtrisée, une force tranquille prête à mener une fois encore. En somme, ce discours, sous ses atours de bilan et d’allocution présidentielle, s’avère être une entrée en campagne savamment orchestrée.

Le capitaine du navire Cameroun, fidèle à lui-même, se prépare à naviguer à nouveau, sûr de sa direction et de sa victoire. La structure linguistique de ce discours repose sur une construction organisée et rhétorique, mettant en avant une logique argumentative progressive. Elle commence par une rétrospective, rappelant un engagement antérieur pour ancrer la continuité de l’action présidentielle, puis elle met en lumière les résultats obtenus à travers des formules valorisantes comme « des avancées considérables ont été accomplies ».

Le registre est sobre mais marqué  d’autorité, avec des phrases construites pour inspirer confiance, notamment par l’usage de formulations collectives (« grâce à l’action conjuguée ») et inclusives (« notre engagement collectif »). Le discours juxtapose des constats réalistes (« quelques-unes de nos localités demeurent confrontées ») avec des assurances optimistes (« tout est mis en œuvre pour assurer une paix durable »), ce qui créé un équilibre entre la reconnaissance des défis et la valorisation des efforts accomplis. Enfin, il ponctue chaque point d’un message de résilience et de remerciement, comme avec les forces armées, consolidant ainsi l’image d’un leadership vigilant et proactif. Ce discours de Paul Biya repose sur une structure linguistique persuasive et un ton solennel, conçu pour mobiliser et rassurer.

L’année 2025  perçue comme une période d’échéances électorales, et de démocratie à consolider, confère ainsi une gravité à l’événement. La progression du discours je l’ai dit plus haut,  est soigneusement orchestrée, elle mêle reconnaissance des défis, comme les problèmes d’inscrip tion sur les listes électorales, à des assurances sur les mesures prises pour les résoudre. L’usage fréquent de l’inclusion collective, notamment par des expressions comme « ensemble » et « nous », vise à renforcer le sentiment d’unité nationale. Le ton devient plus personnel et engageant lorsqu’il exprime sa gratitude pour le soutien reçu ;  il affirme  que cette confiance constitue sa « boussole ». La répétition des mots « détermination » et « progrès » sert à consolider l’image d’un leadership constant et résilient, tout en s’adressant directement aux Camerounais pour renforcer le lien affectif. Enfin, le discours se clôt sur une note patriotique et optimiste, accentuant l’unité nationale par des slogans fédérateurs, marquant une transition entre réflexion politique et vœux d’espoir. une constance du discours de fin d’année depuis 42 ans.

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