Le journaliste Alain Ndanga écrit au roi des Bangangté
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Sa majesté, loin d’une ode, je suis tout de même heureux de vous écrire. De vous écrire parce que nous sommes englués dans un contexte aussi tendu marqué d’événements regrettables. Ces événements qui s’enchainent et qui deviennent non plus conjoncturelles mais structurelles, méritent que nous nous y penchions. Il ne s’agit pas seulement de vous écrire, mais de vous écrire avec bon espoir de voir les choses changer pour enfin permettre au peuple Bangangté d’être uni, et poursuivre sereinement son développement.

Vous avez déjà certainement entendu dire, « mieux vaut être seul que mal accompagné ». Maintenant que cette maxime vous parle, parlez à vous-même. Dites-le en frappant du point sur la table. Dites dans votre cœur qu’il vaut mieux être seul que mal accompagné.

Dès que vous l’avez dit, virez-les. Il faut virer ces personnes qui, comme des oiseaux de mauvais présages, rôdent autour de vous. Ou encore comme des rats de savane grignotent jusqu’aux racines des arbustes pour se nourrir. Ces personnes dont la honte a disparu de leur vocabulaire ; parce qu’elles ont mangé la tête du chien. Ces personnes inspirées dans le mal qui vous humilient, et au-delà, humilient tout le peuple bangangté. Il faut les virer sans état d’âme. Si vous aviez encore des doutes sur leur incompétence ou sur la manifestation de leur trahison, le dernier événement déroulé à Tchoudim le confirme à suffire. Ils disent que vous les avez mandatés de vous représenter à l'épreuve de la consultation des notabilités de ce village qui vient de bénéficier d'un arrêté de création de la chefferie de 3e degré. L'objectif affiché étant de créer du grabuge et tenter de rapporter l’arrêté préfectoral. Non seulement ça n’a pas marché, ils vous ont fait essuyer une autre déculottée. Ça fait mal. Ça nous couvre de honte. Ont-ils pu vous rendre fidèlement compte de ce qui s’y est passé ? Je ne crois pas. Leur même moue de va-t’en guerre vous conduit au dénigrement et vous fait perdre votre autorité. Je vous fais revivre ce qui s’est passé à Tchoudim.

Un jour historique pour le village Tchoudim. Comme annoncé dans un communiqué radio-presse signé le 16 décembre 2024 du sous-préfet de l’arrondissement de Bangangté, André Christian Olomo, les forces vives et populations de Tchoudim se sont retrouvées le 18 décembre dernier au foyer de Tchoudim. Il a été question de consulter les notabilités coutumières compétentes en vue de la désignation du chef traditionnel de 3e degré de Tchoudim. Tchoudim ce village stratégique situé sur la Nationale N04 (Yaoundé-Bafoussam), dans l’arrondissement de Bangangté, département du Ndé, région de l’Ouest. Je souligne le groupe de mots « consultation des notabilités coutumières » et précise qu’il s’agissait pour cette consultation, exclusivement des populations de Tchoudim.

Pour mener les travaux, le sous-préfet a appliqué le décret du président de la République du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles. La désignation suivant l’application stricte du décret devrait tourner autour des articles 8 à 11. L’article 8 concernant les candidatures ; les articles 9 et 10 de la constatation de la vacance à la chefferie ; sauf que pour le cas échéant, l’autorité administrative (juge d’opportunité), est dans l’esprit de la création d’une nouvelle chefferie traditionnelle de 3e degré (celle de Tchoudim) ; l’article 11 indique que la désignation incombe aux notabilités coutumières. Majesté il était important de vous faire ce rappel des dispositions républicaines. Surtout que ceux qui vous ont représenté à cette consultation n’y comprenaient rien du tout.

Le sous-préfet a tout de même pris le soin de mettre toute l’assistance au même niveau de compréhension dudit décret. Tout était clair. L’autorité administrative a quand même donné l’occasion aux participants de poser des questions pour davantage apporter des précisions aux préoccupations soulevées. La parole a été donnée à un certain Me Gelis Djapom, qui s’est présenté comme votre conseil et notable dans votre cour. Pourtant avec le décret en main, même les paysans qui avaient compris les explications du sous-préfet se sont moqués de sa question. Couvert de honte, il a cru être au prétoire en appelant le sous-préfet soit « votre honneur ou encore excellence ». Il doit être le premier à être viré majesté. Quant à Tchouami Guy Merlin, candidat challenger de Menkam Djabia, il faut lui accorder les circonstances atténuantes. Car on voyait clairement qu’il avait été mal conseillé de se présenter à cette consultation comme potentiel chef du village Tchoudim, sans en avoir la légitimité. 

Il faut virer ceux qui vous ont donné l’idée de concevoir des pancartes et de les remettre aux « délinquants toupouri » pour une manifestation publique non autorisée. Des sources présentes sur place renseignent que ces pancartes sont sorties d’un véhicule CA appartenant au ministère de l’Habitat et du Développement urbain (Minhdu), dont l’une de vos filles est ministre. Les forces de maintien de l’ordre ont maîtrisé ce mouvement qui n’a duré que quelques poignées de minutes. D’après les services de renseignement, l’idée était de semer la pagaille et d’empêcher la suite de la consultation ; mais qui a continué dans le respect de la légalité.

Revenant au processus de désignation, huit candidats ont été déclarés. Après concertation, six ont démissionné. Il n’est resté que Ndambeun Noumen Emmanuel (Menkam Djabia) et Tchouami Guy Merlin. Il fallait donc activer l’article 11 ; où les notabilités coutumières devraient véritablement jouer leur partition. Je vous fais l’économie des choses risibles dont vos représentants à ce moment fatidique ont servi au sous-préfet et aux populations. Finalement, Mekam Djabia, ayant structuré sa cour en notables des sept et des neuf, a été désigné chef traditionnel de 3e degré de Tchoudim. Sous l’œil admiratif du maire de la commune de Bangangté, Eric Niat et deux autres pères fondateurs de Bangangté (Menkam Djalang et Menkam Njasue). L’euphorie s’est alors emparée des lieux, avec près de 1000 personnes qui exultaient.

Tout en vous faisant allégeance, je vous fais connaître les premières déclarations de Menkam Djabia après sa brillante désignation. « Je suis le chef de tous. Tchoudim est resté longtemps dans l’obscurité. Le défi qui est le nôtre est de sortir notre village des sentiers battus. Et j’aurai besoin de toutes les petites mains pour développer notre village dans un esprit républicain, du respect des institutions de la République et ceux qui les incarnent. Nous devons travailler dans la cohésion, dans la paix et dans l’acceptation de tous », non sans indiquer qu’avec l’aide du maire de la commune de Bangangté, il y aura des services sociaux et éducatifs dans son rayon de commandement. Il a surtout mis l’accent sur le respect qui doit être dû au chef supérieur que vous êtes.  

Malgré la transparence qui a prévalu pendant la consultation, j’ai ouïe dire que vos proches présents à cette épreuve parlent de scandale. Il faut les virer. Parmi eux, un journaliste d’un autre genre qui a trouvé refuge au Minhdu. Voilà des gens qui vous poussent à des crises inutiles, juste pour contenter leur égo.

Majesté, est-ce que vous vous rendez compte de ce que le peuple bangangté va à vau-l’eau ? Prenez la dernière édition du Comenga pour comprendre que ceux qui vous entourent divisent davantage les Bangangté. Cette édition a été placée sous le signe de la réconciliation. Dites-moi majesté. De quelle réconciliation s’agissait-il? Alors qu’en pleine célébration de cet événement annuel, vos proches ont déterré la hache de guerre pour d’attaquer à l’un des grands soutiens du Comenga. Il s’agit là de vouloir quelque chose et faire son contraire. Pourquoi des gens vous poussent à détester les forces traditionnelles de Bangangté ? Je prendrai un autre cas grave : le chef traditionnel de 3e degré du quartier 4, S.M. Kemtcham Jean Paul, l'une de vos bras forts et qui a toujours répondu présent à vos appels. Depuis 2019 qu’il a brillamment été élu chef traditionnel, il n’a pas eu son décret. Nous allons engager la 7e année après cette élection. Des sources proches du dossier disent que l'une de vos filles (haut placé) en constitue à tort ou à raison l’unique obstacle. "Le Minat, Atanga Nji fait ce qu'elle lui demande de faire", s'en targue l'un de vos proches. Majesté, qu’avez-vous fait du cas précis de Kemtcham Jean Paul ? Je crois que c'est en pareille situation que vous devrez bomber le torse et faire valoir votre  autorité.

J'ai l'impression que ces événements qui s'enchaînent ne vous donnent pas de leçons. En tant que Bangangté, j’ai eu honte après la tentative de passer un imposteur à la chefferie Balengou. L’échec a été cuisant. Vos mauvais conseillers vous placent encore au cœur de situation à Babou où deux princes se disputent le trône. Le cas Tchoudim devrait vous faire changer radicalement d’attitude. Je suis en colère quand j’entends les gens vous traiter d’ « incorrigible », ou de dire que vous êtes « manipulé par une femme ».

Majesté, le 7 décembre dernier, vous étiez à la cérémonie de clôture de la 548e édition du Nguon. Nous avons été tous impressionnés par le modèle de gouvernance qui structure la vie dans cette chefferie ; et qui consiste à mettre le chef au prétoire pour le juger. Supposons que vous étiez à cette place. Nous imaginons la violence du verdict qui pourra être rendu à votre égard. « Le trône du roi des Bangangté rythme avec méchanceté, accaparement des terres, frustration des élites, peur qu’un jour la succession retourne à la lignée de votre frère auquel vous avez succédé », a déclaré l'un de vos dignitaires qui depuis des années dit observer la scène. D'ailleurs, il dit que plusieurs fils et filles bangangté pensent ainsi sans pouvoir faire de déclaration. 

Majesté,  je crois que vous avez encore l’occasion d’inverser la situation et écrire un nouveau livre du peuple bangangté. Ecrivez-le en ayant viré tous ceux qui vous ont conduit dans l’abîme. Si vous ne le faites pas, l’histoire s’écrira d'elle-même, comme elle est en train de s’écrire.

Sortez des choses contre-nature où ils vous ont mis. Écoutez plus. Réagissez moins. « Un roi c’est l’objectivité, la mesure, la grandeur d’esprit et la recherche du bien-être de tous, la défense des plus faibles. Un roi ne doit pas monter les fils contre le fils ; il ne doit pas prendre des décisions hâtives ; il ne doit pas être manipulé », suggère l’un de vos dignitaires sous cape.

Majesté, je suggère que vous retiriez le titre de notabilité à l’une de vos filles, Un titre ronflant et laid que chaque fois c’est prononcé, renvoie à l’image du diable qui agite sa queue pour verser la malédiction sur ceux qui sont à cet endroit. Je crois que c'est ça qui a cristallisé la folie dans le groupement bangangté. Souvenez-vous que nous sommes dans une institution cheffale. Des grimaces de chimpanzés, des titres de notabilité sans fondement, la division entre les fils et filles et bien d’autres dérives, irritent les ancêtres. Il va falloir purifier le peuple bangangté en demandant des excuses publiques. Faites-le si possible. Cela n’enlèvera rien sur vous, bien au contraire, ça permettra d’installer une harmonie durable entre les Bangangté. Allons sur de nouvelles bases. Embarrassez ceux qui vous mettent en déroute. Faites-les douter.

Quand ils auront réussi à diviser les Bangangté, vous serez l’unique responsable du déshonneur. Qu’est-ce qu’on retiendra de vous ? Le chef qui a divisé les Bangangté ? Ceux qui vous poussent dans le fossé diront demain qu’ils n’y étaient pour rien.

Joyeuses fêtes à vous Sa Majesté. Que la nouvelle année soit celle d’un nouveau départ, celle de la rupture avec vos proches, sources de nos malheurs.

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