Electricité : dure, dure…la veille des fêtes
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Le déséquilibre qui se creuse entre l’offre et la demande du fait d’un « étiage précoce » et de l’arrêt des centrales à gaz de Kribi et de Douala, combiné aux problèmes de transport et de distribution, provoque une recrudescence des délestages dans le réseau interconnecté Sud. Alors que la saison sèche s'annonce particulièrement rude cette année, à en croire les prévisions de l'Observatoire national sur les changements climatiques, le ministère de l’Eau et de l’Energie et tous les acteurs du secteur envisagent la mise en place d’un plan de rationnement.

« La lumière ces jours-ci à Douala, c’est comme les guirlandes ! A un moment, toi-même tu éteins pour protéger tes appareils ». Des messages comme celui-ci, publié sur page Facebook par Anicet Duprix Mani, un internaute, hier dans l’après-midi, pullulent sur les réseaux sociaux.

Les auteurs dénoncent la recrudescence des coupures d’électricité observée ces derniers jours. Les plaintes fusent de partout, de la part de clients installés dans les sept régions desservies par le Réseau interconnecté Sud (Ris), à savoir le Centre, l’Est, le Littoral, le Nord-Ouest, l’Ouest, le Sud et le Sud-Ouest.

Cette situation est le fait, apprend-on, d’une conjugaison de facteurs qui causent un déséquilibre entre l’offre et la demande, aussi bien en ce qui concerne le segment de la production que celui du transport. Au niveau de la production, des sources bien informées indiquent, s’agissant du barrage hydroélectrique de Memve’ele (région du Sud), géré par Electricity Development Corporation (EDC), que l’étiage a commencé plus tôt qu’attendu sur le fleuve Ntem sur lequel est construit cet ouvrage.

Du coup, la centrale est sur une tendance baissière de la production. Selon les heures, elle produirait entre 70 et 150 Mw seulement, contre 200 en temps de crues.

Une source au sein de cette entreprise de patrimoine en charge de la construction et la gestion des barrages dément cette information et affirme que Memve’ele n’a pour l’heure aucun production. Le barrage hydroélectrique de Songloulou qui fait partie, avec Edéa, des deux ouvrages de production restés dans l’escarcelle d’Eneo, a été privé ces derniers jours d’une partie de ses groupes, en raison de travaux.

L’information émane d’une source proche du dossier, qui ajoute qu’en conséquence, il est arrivé ces derniers temps que cette centrale hydroélectrique ne soit en capacité de produire que 300 Mw, contre 384 en temps normal. « Ces travaux ont longtemps été retardés pour permettre à Songloulou d’enrayer l’impact de plusieurs indisponibilités dans le système », apprend-on. Une source au sein d’Eneo a signalé hier soir que les choses s’étaient normalisées en début de soirée au niveau de cet ouvrage, affirmant que la production était à nouveau à son optimum, à savoir 384 Mw après les travaux. Sauf qu’à Yaoundé, plusieurs quartiers qui ont été privés d’énergie pendant une bonne partie de la journée ont à nouveau été plongés dans le noir en début de soirée.

Mesures d’atténuation

Toujours au niveau de la production, le producteur indépendant français Globeleq qui a arrêté les centrales à gaz de Kribi (216 Mw) et de Douala Logbaba (50 Mw) depuis plusieurs mois pour non-paiement de ses factures par le distributeur Eneo, a aggravé la situation. « L’augmentation de la demande enregistrée ces derniers jours, combinée aux problèmes signalés plus haut, rendent impérative l’activation de Globeleq », estime une autorisée. Signe d’un problème systémique, dans le segment du transport, qui incombe depuis 2015 à la Société nationale de transport de l’électricité (Sonatrel), créée pour les besoins de la cause, l’on signale de graves dysfonctionnements liés, notamment, à la saturation de plusieurs nœuds qui rendent difficile l’évacuation de l’énergie.  

Notre source explique en outre que les difficultés du réseau de transport entraînent aussi une certaine instabilité et des risques d’affaissement du système.

Conséquence, alors que le gouvernement annonce pour janvier 2025 l’atteinte du maximum du barrage hydroélectrique de Nachtigal dès janvier 2025, à savoir 420 Mw, cette électricité ne pourra pas être évacuée vers les ménages et les industries, faute d’une infrastructure adaptée.

Quelques mesures d’atténuation ont été édictées lors des réunions entres les différents acteurs du secteur qui se tiennent sous l’égide du ministre de l’Eau et de l’Energie (Minee), Gaston Eloundou Essomba. Outre les réglages en cours sur le réseau de transport et dans plusieurs centrales dont Nachtigal (420 Mw) afin de limiter l’instabilité, mercredi, le Minee a instruit la sollicitation maximale des centrales thermiques d’Eneo pour limiter le déficit, selon nos informations. Il faudra, toutefois, « éviter de casser ces centrales qui n’ont pas comme toutes les thermiques, vocation à fonctionner 24 sur 24 », et « étant conçues pour être en appoint ». Il a également été convenu à l’issue de cette dernière réunion, de mettre en place un plan de rationnement tenant compte des déficits. Enfin, toutes les entreprises du secteur sont astreintes d’agir « sur les moindres dysfonctionnements dans les délais raisonnables ».

Températures élevées

Si rien n’est fait, la situation en cours devrait sérieusement perturber les fêtes de fin d’années, en ce début de saison sèche qui s’annonce particulièrement rude.  

L'Observatoire national sur les changements climatiques (Onacc), dans ses dernières prévisions, met l'accent sur un phénomène accru d'évapotranspiration qui entraîne une augmentation de la perte d'eau par les sols et la végétation due à des températures élevées et à une faible humidité. Cette situation devrait engendrer un risque élevé de diminution des ressources en eau, touchant plusieurs infrastructures hydrauliques stratégiques telles que le barrage de Maga et la retenue de Mokolo pour ce qui est de l’Extrême-Nord, les barrages de Mbakaou dans l’Adamaoua, Mekin et Memve'ele dans la région du Sud, et Lom-Pamgar, à l’Est.

Le Cameroun pourrait donc vivre, jusqu’à fin mars 2025, son pire étiage de ces dernières années. La perspective de l’augmentation de la demande ménagère à court et moyen termes fait même craindre une prolongation de cette crise énergétique. Eneo annonce en effet, pour l’année prochaine, un investissement de près de 4 milliards Fcfa dans la réalisation de nouveaux branchements électriques dans les principales villes du réseau interconnecté Sud que sont Yaoundé, Douala et Bafoussam.

Départ d’Actis

En clair, en dépit du que le Fonds d’investissement britannique Actis, maison-mère d’Eneo, négocie depuis plusieurs mois les conditions de son départ du Cameroun, le programme d’investissement de l’énergéticien se poursuit. Les tractations y relatives sont visiblement rendues difficiles par l’état de santé financière de l’entreprise. Le gouvernement évalue la dette due au trésor public par l’adjudicataire du service public de l’électricité autour de 489 milliards Fcfa.

Eneo, de son côté, précise que cette ardoise lourde représente plutôt ses impayés vis-à-vis des autres entreprises du secteur, à l’instar de EDC, de la Sonatrel ou encore de Globeleq. Des opérations en cours permettront en tout cas d’éclaircir les choses. En effet, en prélude au départ de cet investisseur, le gouvernement a décidé de réaliser un inventaire physique des actifs de distribution, précisément dans les régions du Centre et du Littoral. Cet audit précisera, pour chaque installation de distribution, ses principales caractéristiques techniques, son état général et sa valeur comptable estimée. Il s’agit pour les autorités camerounaises d’évaluer le cahier de charges d’Eneo, qui précise les obligations de délégation de service public auxquelles il doit satisfaire.

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