Ce n’était pas seulement une équipe de football, mais un symbole vivant. Comme un homme cherchant à briser ses chaînes, cette formation jouait pour la reconnaissance et le respect du football africain. Elle se déployait vigoureusement non seulement pour le Cameroun, mais pour toute l’Afrique subsaharienne. Elle avait la lourde tâche de laver l’affront que le Zaïre avait subi en 1974 et de prouver que les Africains pouvaient rivaliser au sommet du football mondial. Le match Cameroun-Argentine, en particulier, transcenda le simple cadre du sport pour entrer dans la légende. Ce fut plus qu’un duel entre deux équipes : ce fut un rendez-vous avec le destin.
Une veille fébrile, une nation en émoi
À partir du 1er juin 1990, le Cameroun tout entier entra en effervescence. Plus aucun Camerounais ne dormait sereinement ; les conversations tournaient autour de ce match tant attendu. Dans un contexte où les premiers frissons de la démocratie agitaient les rues et les désinformations politiques se multipliaient, le football offrit un moment de trêve. La veille du match, des groupes d’animation se formaient spontanément dans les quartiers, tandis que des bars improvisés voyaient le jour. Les familles investissaient dans de nouvelles télévisions, prêtes à accueillir voisins et amis. La veille du match c’est-à-dire le 7 juin, la CRTV diffusa un match précédent entre l’Argentine et la Belgique, pour montrer à quoi les Lions allaient être confrontés. Malgré l’angoisse, une certitude semblait habiter les Camerounais : la victoire était possible. Le simple nom de Roger Milla suffisait à nourrir l’espoir. Sa détermination et son charisme avaient insufflé une confiance inébranlable à l’équipe et au peuple camerounais et avec son retour contesté par certains, il fit du football un art romantique.
Le jour j.
Le 8 juin 1990, l’hymne national retentit dans le stade de San Siro, en Italie. D’abord l’hymne italien, puis celui de l’Argentine, et enfin celui du Cameroun. Chez nous, à Douala, la tension était palpable. Nous étions 69 personnes entassées dans une maison prévue pour 30, les longs bancs ne suffisaient plus à contenir l’effervescence. Contrairement à 1982, les Lions de 1990 affichaient une prestance impressionnante. Bien rasés, minces, et sereins, leur apparition à la télévision déclencha une explosion de joie dans les maisons. Des cris, des prières, et même des pratiques mystiques accompagnaient chaque seconde de ce moment unique. Des sorciers locaux furent même interviewés pour prédire l’issue du match. Nous sommes allés consulter maître Zimbo, cartomancien de renom, qui nous prédit que le Cameroun gagnerait 1-0 grâce à un but d’Oman Biyik et que le but sera inscrit à la seconde mi-temps. Et cela se produisit exactement ainsi, comme si le destin avait suivi à la lettre les prophéties de cet homme. Paix à son âme. Maitre Zimbo.
Un duel épique
Sous les yeux du président Paul Biya, accompagné de son secrétaire particulier, le professeur Titus Edzoa, et de Laurent Esso, alors directeur de cabinet, les Lions entrèrent dans l’histoire. Le capitaine Stephen Tataw échangea les fanions avec Diego Maradona dans un geste amical.
Au-delà du sport, une victoire pour l’Afrique
Ce match ne fut pas seulement une victoire pour le Cameroun, mais pour tout un continent. Les Lions jouaient pour l’Afrique entière, pour le tiers-monde, pour tous ceux qui aspiraient à la reconnaissance et à la grandeur. Ce jour-là, le Cameroun rappela au monde que les rêves les plus audacieux peuvent devenir réalité, que l’héroïsme transcende les limites, et que le football, au-delà des règles et des terrains, est une véritable métaphore de la vie.
Un Éclat de Gloire : Cameroun-Argentine, la Naissance d’une Légende
Le match s’ouvre dans une atmosphère glaciale. Les Argentins, portés par leur rang de champions en titre, entament la rencontre avec une assurance qui aurait pu leur permettre de marquer dès les premières minutes. Les Lions Indomptables, quant à eux, semblent hésitants, jouant principalement en défense et renvoyant systématiquement le ballon au gardien Thomas Nkono. Le Cameroun n’a pas encore trouvé son organisation, et le stade tout entier retient son souffle. Pourtant, dans cette tension palpable, un chant timide commence à s’élever des gradins : « Cameroun ! Cameroun ! ». La ferveur naît doucement. C’est alors que Louis-Paul M’Fédé, dans un éclair de génie, effectue une percée mémorable. En dribblant trois joueurs argentins d’un geste précis et fluide, il redonne confiance à son équipe et, par extension, à tout un peuple, massé devant les téléviseurs dans les maisons camerounaises. Les Lions commencent à rugir.
Un Combat de Titans : Maradona et les Muraille Camerounaises
Diego Maradona, maître du ballon, est l’homme à abattre. Sous la surveillance rigoureuse et parfois brutale de Massing Benjamin et Emile Mbouh, il subit des contacts rugueux à chaque possession. À chaque fois qu’il touche le ballon, un « Eh eh ! » collectif retentit dans les foyers camerounais, mêlant admiration et inquiétude. Au cœur de cette bataille stratégique, Emmanuel Kundé brille par sa sérénité et son expérience. Pilier de l’équipe, il organise le jeu avec une élégance rare. Du côté argentin, Batista et Caniggia tentent de troubler l’équilibre des Lions, ce dernier se montrant particulièrement dangereux. Mais les Camerounais tiennent bon, appliquant à la lettre les consignes de leur entraîneur.
La Mi-Temps de l’Espoir
À la pause, le score reste vierge. Pourtant, un vent de confiance souffle déjà sur le Cameroun. Avec une possession de balle légèrement supérieure, les Lions semblent avoir pris l’ascendant psychologique. Dans les maisons et les bars, les Camerounais célèbrent comme si la victoire était acquise. Les rues, d’ordinaire animées, se taisent, transformées en déserts silencieux, comme si le pays tout entier vivait au rythme de ce match historique.
Le Tournant du Match
À la 60e minute, le match bascule. Kana Biyik, dans une tentative de contenir Caniggia, commet une faute qui lui vaut un carton rouge. Le Cameroun est réduit à dix joueurs, et la tension devient presque insoutenable. Dans un mouvement tactique audacieux, M’Fédé est remplacé par Thomas Libiih, chargé de resserrer la défense face à un Maradona toujours menaçant. Puis, le miracle survient. Sur un coup franc exécuté avec maestria par Kundé, Makanaky dévie légèrement le ballon. Oman Biyik s’élève alors, comme porté par une force surnaturelle, et d’une tête magistrale, inscrit le but qui changera à jamais le cours de l’histoire. Le Cameroun est en liesse. Dans les foyers, les cris de joie résonnent comme un hymne national improvisé. Maradona lui-même, impressionné, décrira ce saut comme « surnaturel ».
L’Éclat et la Consécration
Peu de temps après, Roger Milla entre sur le terrain. Bien qu’il n’ait pas marqué ce jour-là, ses deux remontées spectaculaires auraient pu sceller une victoire encore plus éclatante, si Emile Mbouh lui avait passé le ballon. Cet instant manqué reste une anecdote qui, des années plus tard, nourrira les réflexions sur l’harmonie au sein de l’équipe. L’Argentine, battue, subit les conséquences de cet affront. Son ministre des Sports est convoqué et limogé, preuve de l’impact retentissant de cette défaite. Les Lions, quant à eux, continuent leur parcours héroïque, jusqu’à ce qu’ils soient stoppés par l’Angleterre dans un autre match entré dans la légende.
Un Match pour l’Éternité
Le Cameroun-Argentine de 1990 ne fut pas qu’un simple match de football. Ce fut un événement historique, une victoire symbolique pour un continent, un moment où le Cameroun se dressa fièrement sur la scène mondiale. Après cette rencontre, le nom du Cameroun fut inscrit dans les annales du sport, aux côtés des exploits les plus mémorables. Ce match fut une ode à la résilience, au courage et à la fierté nationale, un rappel que les rêves les plus audacieux peuvent se réaliser, même face aux géants. Le match Cameroun-Argentine est l’événement historique le plus éloquent entré dans les annales de l’histoire du Cameroun. Après cela il y a le combat de Ngannou contre Tyson Fury.