Les coûts financiers élevés de la corruption.
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La petite corruption, encore appelée corruption blanche, qui est la corruption banale à laquelle sont confrontés les usagers au quotidien dans les services publics, a des conséquences financières importantes. Le montant total des pots-de-vin versés chaque année dans le monde a été déterminé par le FMI. D’après cette institution, ce coût représente près de 2% du PIB (1) mondial. Elle a cependant des effets néfastes inférieurs à ceux des détournements de fonds publics, qui relèvent plutôt de la grande corruption. Ceux-ci représenteraient quelques 2 600 milliards de dollars, soit plus de 5% du PIB mondial (2).

            Dans les pays où la corruption rampante est endémique et, notamment en Indonésie, si on se limite à la haute corruption, TI a évalué le montant des sommes détournées à un montant de 15 à 35 milliards de dollars. La grande corruption aurait catastrophiquement ravagé les finances publiques de plusieurs nations.  Ainsi, comme l’a affirmé Kaufmann, Ferdinand Marcos aux Philippines, Mobutu Sesse Seko au Zaïre, et Sani Abacha au Nigeria ont chacun détourné environ 5 milliards de dollars des fonds publics de leur pays respectif (3).  En Colombie, la petite corruption s’est transformée en un « mal endémique qui s’est incrusté dans la société », selon les mots de Juan Carlos Henao (4). C’est ainsi que, les chiffres démontrent que la Colombie a perdu au moins 4% de PIB à cause de la corruption entre 1991 et 2011; soit environ trois milliards de dollars au cours actuels (5).

            En Afrique subsaharienne également, l’impact financier néfaste de la petite corruption est très lourd. D’après les experts de l’Union Africaine, « les ressources gaspillées du fait de la corruption en Afrique atteignent 25% du PIB total du continent (6) ». Cela représente un manque à gagner de ressources financières publiques qui était évalué dès 2002 à 150 milliards de dollars par an. Pour la Banque Africaine de Développement (BAD) le fléau de la corruption conduit à la perte de près 50% de recettes fiscales annuelles et engendre une augmentation des prix d’environ 25% (7). De plus, d’après, le Rapport de TI sur la corruption dans le secteur privé publié le 2 septembre 2009, « les pots-de-vin versés aux politiciens et aux fonctionnaires sont estimés à 40 milliards de dollars par an dans les seuls pays en développement (8) ». Ainsi, la corruption endémique entraine une hausse du coût des projets d’au moins 10% (9) ».

            Donc, la petite corruption, heurte de plein fouet, les finances publiques des États pris individuellement. Retenons ici, quelques cas emblématiques : il a été découvert que, « l’ampleur et la portée de la corruption au Nigéria est énorme. Rien qu'entre juin 2015 et mai 2016, les fonctionnaires ou officiels nigérians ont collecté environ 82,3 millions de dollars de pots-de-vin pour un total de 4,6 milliards de dollars, selon une étude récente, basée sur une enquête nationale(10)». D’année en année, les ravages de la corruption ne font que s’accroitre, en 2017, dans ce même pays, une enquête d’une institution du gouvernement a trouvé qu’«au total, les fonctionnaires du pays ont collecté 110 millions de dollars de bakchichs(11).

            Au Mali, « après l’audit des comptes de divers services et entreprises publics du [pays, on avait] dénoncé un manque à gagner pour l’État de 98 milliards de FCFA (150 millions d’Euros), dont 40% imputables à des fraudes (12) » et, bien entendu, à la corruption généralisée.

            Emmanuel Luzolo Bambi, un conseiller du président congolais Joseph Kabila, a affirmé le 21 juin 2018 que, la RDC perd 15 milliards de dollars par an, en raison de la corruption qui mine ce pays (13).

 

           Au Cameroun, un des pays à haute corruption du monde, la Commission Nationale Anti-Corruption du Cameroun (CONAC) a signalé d'importantes pertes financières ayant affectées les finances publiques, du fait la corruption généralisée qui a envahi le pays. Selon leur rapport annuel de 2023, l’État aurait subi un préjudice financier de plus de 114 milliards de francs CFA ( environ 228 millions de $US) du fait des actes de corruption et délits assimilés(14).

            En outre, d’après un rapport du gouvernement du Canada, la corruption affecte outrageusement également les ressources financières publiques de la Chine. Ainsi, en 2011, la People’s Bank of China « a signalé qu’entre 16 000 et 18 000 fonctionnaires avaient détourné et fait passer à l’étranger près de 800 milliards de Yuans (125 milliards de dollars canadiens, du milieu des années 1990 à 2008(15). De plus, le rapport annuel de 2011 du procureur général de la Chine, présenté au National People’s Congres, affirmait que l’État a saisi de l’argent et des biens obtenus illégalement dont la valeur atteignait 7,4 milliards de Yuans (1,2 milliard de dollars canadiens) (16). Ce constat doit envoyer un message clair sur la culture de corruption qui règne en Chine. Cette dernière est aisément transposable ailleurs. Les comportements des autorités et acteurs économiques Chinois en Afrique sont assez décevants du point de vue des pratiques non-orthodoxes parfois contraires à l’éthique du service public dans les affaires. Ces comportements teintés d’immoralisme sont observés de la part d’une communauté chinoise étrangère boulimique, qui veut tout pour elle, le plus rapidement possible et au cout le plus bas. Elle n’hésite pas à fouler aux pieds en passant les droits de l’homme et ceux des africains autochtones. Sur ce plan en particulier, les Africains vont bientôt regretter la colonisation occidentale, s’ils ne le font déjà pas. Les occidentaux, au moins dans les décennies récentes de leur présence, tout en visant des objectifs similaires, se sont montrés plus policés et plus discrets dans leurs méthodes d’exploitation.

            Enfin, parfois, des ressources naturelles qui sont importantes pour les finances nationales, du fait de la petite corruption, sont soutirées et vendues à leur propre compte par certains citoyens. Ainsi au Nigeria on a noté que, « 60 millions de barils de pétrole évalués à près de 13,7 milliards de dollars ont été volés sous le regard impuissant, du géant du pétrole national, la Nigerian National Petroleum Corporation (17)». À ces pertes calculables s’ajoutent les pertes non-fiscales.

   En conclusion, la corruption affecte négativement les ressources financières publiques. Elle représente un frein au développement économique et humain des nations, surtout lorsqu’elle devient rampante, systémique et endémique comme en Afrique subsaharienne.

 

*Politologue, spécialiste de politiques publiques et d’administration publique, expert en gouvernance publique

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Notes Bibliographiques

(1) Valeur totale de la production ou de la richesse annuelle de tous les pays du monde réunie.   

(2) Gazzane, 2017

(3)Kaufmann, D. (2002). Corruption and Governance Around the World: Causes, Consequences, and Reform. Washington, DC: World Bank.

(4) Ancien magistrat et Recteur de l’Université Externado.

(5) Agence France Press et Le Point, 24/08/2018.

(6) Akéré Muna, Avocat Camerounais, militant anti-corruption, Vice-président de TI et Président de TI Cameroun, cité par Jeune Afrique. (2009, 28 septembre). Afrique : les nouveaux visages de la corruption. Retrieved from https://www.jeuneafrique.com/200912/politique/afrique-les-nouveaux-visages-de-la-corruption.

(7) Jeune Afrique, 2009, ibid.

(8)ibid.

(9)ibid.

(10) United Nations Office on Drugs and Crimes (UNIDOC): « Corruption in Nigeria – Bribery: Public experience and Response», July 2017, in Page (2018). 

(11) S.n. (2017). « Nigéria corruption : 110 millions de dollars de pots de vin par an » (18 août), BBC, Tiré de https://www.bbc.com/afrique/region-40971207 (Consulté le 21 mars 2020)

(12) Jeune Afrique. (2009, 28 septembre, op.cit.

(13) Agence France Presse et La Presse.ca. 2018.

(14) Commission Nationale Anti-Corruption (CONAC). (2023). Rapport annuel 2023. Yaoundé : CONAC.

(15) BBC 17 juin 2011, The Times, 17 juin 2011 cités par Canada/IRBC, 2012.

(16) RFA, 15 juin 2011; Agence de presse Xinhua, 11 mars 2011, cité par ibid.

(17) Asgill, S. (2012). «The Nigerian Extractive Industry Transparency Initiative (NEITI): Tool for conflict resolution in the Niger Delta or Arena of contested politics. » (18 December), in https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/21681392.2012.10597798

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