Lutter contre la corruption et l'impunité des actes et comportements de corruption.
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La corruption est l’utilisation consciente d’une fonction, une autorité ou une ressource publique contre un gain personnel, par un agent public qui en a la charge ou le bénéfice, dans un échange de nature quid pro quo, avec un usager du service public qui convoite un bien public et offre ‘quelque chose’ de matériel ou d’immatériel pour l’obtenir.

La corruption est un phénomène social très ancien, qui existait déjà aux Temps bibliques et même avant, qu’ont connu et que connaissent toutes les sociétés à des degrés divers. Contrairement à ce que pense le profane, on ne peut pas ‘’éradiquer’’ la corruption.  La corruption est un phénomène complexe. Les réalistes et les ultralibéraux, ne la condamnent pas, ou du moins, pas jusqu’à ce qu’elle ait atteint un certain degré ‘’ toxique’’ dans la société. (Il est démontré que dans certaine situation elle peut être ‘’ tonique’’ et avoir un impact positif sur l’économie ou même aider certaines franges pauvres de la société dans certaines situations marginales). En revanche, la grande majorité de gens dans la société s’alignent sur l’opinion des moralistes, et vu les effets néfastes de la corruption sur le développement dans les sociétés non-industrialisés ou en crise, condamnent la corruption comme un phénomène à faire absolument disparaitre.

Dans mes publications précédentes, j'avais suggéré des solutions, qui pourraient contribuer à une réduction significative de la corruption au Cameroun et dans d'autres pays connaissant une forme endémique et systémique de corruption (Nguemegne, 2011). Parmi les solutions proposées, il y avait les suivantes :

(1) Une politique anticorruption unifiée et générale ou englobante sous la forme d'une loi anticorruption.

(2) Une volonté politique consciente, engagée et déterminée, notamment de la part du gouvernement et même du chef de l'État, de combattre et d'éliminer la corruption dans le pays qu'il dirige.

(3) La mise à disposition de ressources suffisantes, de structures et de moyens adéquats pour toutes les institutions (politiques, administratives et judiciaires) impliquées dans la lutte contre la corruption et l’implémentation des politiques anticorruptions.

4) L'adoption d'un système politiques démocratique et l’établissement de l’état de droit intrinsèques.

5) L'encouragement véritable à l'implication et à la participation massive des citoyens dans une lutte populaire contre les comportements corruption et l'enracinement de la culture de la corruption (immoralisme et habitudes contraires à l’éthique de service public et au civisme).

6) L’amélioration de l'organisation et du fonctionnement de l'administration publique à tous les niveaux de gouvernement (central comme périphérique).

7) L'observation stricte de l’indépendance du pouvoir judiciaire, par rapport aux autres branches du pouvoirs gouvernemental et l'établissement du contrôle et de la supervision du pouvoir judiciaire sur l'ensemble du système et du processus de lutte contre la corruption.

(8) L’octroie de la liberté aux médias, aux dirigeants ou leaders de la société civile et des forces communautaires (par exemple, les organisations à but non lucratif) et leur accorder la pleine liberté de s’impliquer dans la lutte contre la corruption.

(9) L'amélioration des conditions économiques et sociales générales du pays, avec la recherche consciente d’obtenir impact positif sur la situation ou le statut socio-économique du citoyen ordinaire.

Ces solutions, sont conçues comme étant cumulatives. Mais elles n’ont jamais encore été expérimentées dans aucun pays. Nous ne saurions dire si, par exemple, si leur application pourrait faire passer une nation de pays à forte corruption à pays à faible corruption. Il est donc impossible de mesurer scientifiquement l'impact des solutions proposées. Néanmoins, les expériences de corruption de ces dernières années dans le monde nous incitent à soupçonner que les solutions proposées pourraient être plus efficaces si elles étaient combinées avec d’autres mesures complémentaires, notamment :

(1) Mettre fin à l'impunité des organisations et des individus notoirement corrompus, à l’instar, des institutions qui développent des pratiques de corruption, des organisations qui sont coutumières de recours aux procédures illégales ou frauduleuses, aux fonctionnaires, usagers des services publics et les citoyens qui s’adonnent ouvertement aux actes de corruption ou aux comportements qui heurtent l’éthique de service public.

(2) Combattre et inverser la culture croissante de la corruption au sein de la population, par des politiques d'éducation anticorruption efficaces, qui diffuseraient et éteindraient la culture de l'immoralisme et réorganiseraient le sens du devoir civique, de l'altruisme, de la moralité, de la propreté et de la droiture de la nouvelle et de l'ancienne génération dans la société contemporaine.

(3) Rechercher, retrouver et identifier par le moyen d'enquête scientifiques, toutes les structures sociales et tous les acteurs notoires (par exemple, les intermédiaires et les « facilitateurs », les ‘appactcheurs’, les démarcheurs) impliqués dans les réseaux de transactions de corruption ainsi leurs commanditaires et clients et les traduire en justice.

L'impunité est le ‘’carburant’ qui alimente le fléau de la corruption en Afrique subsaharienne et dans la plupart des pays où la corruption est endémique. Il y a une tendance constante à ce que les fonctionnaires soient notoirement corrompus, qui ne sont jamais poursuivis.

Lorsqu'ils le sont, c'est toujours après qu'ils ont eu suffisamment de temps pour utiliser les fruits de leur enrichissement frauduleux dans des investissements ou qu’ils ont gaspillé le produit de leurs gains illégaux de manière ostentatoire et ruineuse. En général, la plupart d’entre eux ont tendance à des dépenses à la folie. Le faisant ils vont souvent narguer les membres de leurs communautés. Beaucoup se targuent d'avoir des « relations » ou liens privilégiés avec des personnalités des haut- lieux du régime politique du pays. Ce qui signifie que ces corrompus excipent une protection par une sorte de patronage politique du régime au pouvoir. La plupart d'entre eux se vantent également d’avoir le même genre de « connexions » dans le système judiciaire du pays. Ainsi, très souvent, les initiatives anticorruptions sont stoppées par le « mur » de cette immunité informelle, qui protège certains fonctionnaires et personnes corrompues notoirement connus, ainsi que des individus ou des organisations impliqués dans des actes de corruption, contre les représailles des juges les plus audacieux.

En général, les fonctionnaires et les élites politiques corrompus, qui sont impunis se considèrent comme des intouchables. Il n’est plus rare de constater, que garce à la corruption, que certains   fonctionnaires du bas de l’échelle administrative parmi les plus mal payés, deviennent soudainement très riches. Ils le deviennent par des « niches » de prédation créées au sein des institutions de l'État (par exemple, dans les services de collecte des impôts, les services douaniers, les services financiers, les services d'inspection ou de contrôle, etc.). Ils peuvent ainsi accumuler des fortunes colossales et faire souvent de manières ostentatoire toutes les dépenses que leurs revenus salariaux accumulés même sur l'ensemble de toute leur carrière ou leur vie ne pourraient justifier. Ainsi, ils font des achats coûteux pour acquérir des biens remarquables ou payer pour des services coûteux (par exemple, l'achat de véhicules de luxe, de yachts ou de jets privés, la construction d'immeubles résidentiels et commerciaux, l'organisation de voyages d'agrément à l'étranger, la distribution de billets de banque aux membres de la communauté lors de foires communautaires ou d'événements culturels, etc.).

Là encore, il ne fait aucun doute, que le Cameroun s’illustre comme le champion toutes catégories confondues de la corruption. Ce pays mérite ce titre, vu le nombre impressionnant de hauts fonctionnaires prévaricateurs de la richesse publique.

Les montants de la fortune publique détournées les hauts-fonctionnaires défient l’imagination du commun des mortel. Tant elles sont colossales par leur volume. On commence à se demander comment une institution comme Transparency International peut continuer à classer ce pays parmi les pays de moyenne corruption dans ses classements annuels basées sur l’indice de perception de corruption (IPC). Ce pays est manifestement mal classé au regard de développement d’une forme généralisée d’une corruption qui a envahi les institutions, l’économie et la société à tous les niveaux. Même les aveugles auraient la claire perception que dans ce pays, la corruption est un phénomène social en pleine expansion. Elle touche au quotidien la plupart des citoyens, des ménages et des entreprises. Le citoyen ou l’usager du service public, quel qu’il soit, ne peut presque jamais avoir une interaction saine avec un agent public, obtenir un service convoité, sans verser un pourboire ou subir une extorsion. Ainsi, les comportements de corruption ne cessent de croître chaque jour dans la société. Ils ne diminuent pas.

Le fait que la plupart des agents du service publics et bureaucrates corrompus opèrent librement, tout en étant conscients qu'ils ne seront pas sanctionnés ou punis, encourage la corruption à se généraliser dans la société. C’est une façon de dire que le gouvernement tolère ou accepte la corruption et l’immoralisme. Cela envoie le message aux employés publics honnêtes, que l'intégrité et la probité ne valent pas la peine du moindre sacrifice. Aux agents intègres du gouvernement, un tel laissez faire et laissez aller leur fait penser qu'ils sont stupides et qu'ils passent peut-être à côté de ‘quelque chose’ en refusant de s’adonner eux -aussi aux actes de corruption. L'impunité des fonctionnaires corrompus par le gouvernement et le système judiciaire transmet le même message déformé, non seulement aux fonctionnaires, mais aussi aux membres des autres couches de la population, qui sont ou ne sont pas des membres de la fonction publique.

En somme, la corruption et l'impunité favorisent le développement d'une culture de la corruption dans les sociétés où vivent des fonctionnaires corrompus. En général, ils sont soit considérés comme des « intouchables », - que tout le monde craint et qui forcent le respect-, soit vus comme des individus « normaux », - qui adoptent des comportements normaux et acceptables-, ce qui est également une autre hérésie!

BIBLIO :

-Nguemegne, J. P. (2011). Corruption en Human development. Xlibris Collaboration, 219 p.

* Politologue, expert en politiques publiques, administration et gouvernance publique.

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