L’ECRIVAIN CALVIN DJOUARI REND HOMMAGE A MAMITON
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Il m’a fallu plusieurs jours pour réaliser pleinement que cette grande dame, cette figure emblématique de la comédie camerounaise, nous avait quittés. La nouvelle de son décès m’a profondément bouleversé, choc dont je ne me suis toujours pas remis, tant elle faisait partie des personnes que je rêvais de rencontrer lors de mon prochain voyage au Cameroun. Cette comédienne d’une envergure exceptionnelle, par la justesse de ses gestes, la douceur de son ton et l’élégance naturelle de sa stature, ne forçait pas  l’art. Elle incarnait la comédie avec une aisance rare, une actrice née, dont l’essence même respirait le théâtre et le cinéma. Elle était comédienne née.

Nos vies sont tissées de gestes, et l’artiste les capte, les imite, pour en dévoiler les nuances et les faiblesses humaines. Mamiton, quant à elle, ne jouait pas la comédie : elle était la comédie. À travers ses rôles, souvent celui de la mère, de la sœur ou de la compagne, elle incarnait avec une véracité déconcertante l’âme des femmes africaines. Si je m’exprime ainsi, c’est parce que le cinéma est le premier art mondial. La puissance de l’image transcende les différences de langage, et la force des images doit être  convaincante. Depuis quelques années, l’Afrique s’est approprié cet art et nous révèle chaque jour davantage de talents. Chacun ou chacune réalise son rêve d’acteur.

Les Nigérians et les Ivoiriens semblent être en avance sur ce point, mais le cinéma camerounais  se démarque depuis un certain temps, bien qu’il progresse sans toujours savoir ce qu’implique réellement être acteur ou actrice, peut-être en raison du manque d’écoles de cinéma ou de théâtre. Mamiton comblait cette lacune par toute son originalité. Elle avait un talent brut, et elle  a su combler le manque criant d’écoles de théâtre ou de cinéma, en incarnant à elle seule l’essence de l’actrice. Je l’admirais dans le silence, convaincu qu’un jour, nos chemins se croiseraient et que je pourrais enfin lui exprimer toute l’admiration que je nourrissais pour elle. Ses derniers films la montraient encore en pleine possession de son art, vibrante et pleine de vie, et je ne doutais pas qu’une rencontre  se ferait.

Mais la fatalité, cruelle et imprévisible, m’a privé de cette opportunité de la saluer de vive voix. Toutefois, l’artiste, bien que disparue, ne meurt jamais véritablement. Elle laisse derrière elle  une trace  indélébile, un héritage qui transcende la mort, car son talent continue de vivre à travers ses œuvres et continuera de nourrir  l’imaginaire collectif. Sa force de l’improvisation était palpable. Dans l’univers du cinéma, l’imaginaire doit s’ancrer dans le réel, c’est pourquoi je crois profondément à la puissance de l’improvisation. Mamiton maîtrisait cet art avec une virtuosité rare.

Elle incarnait le réalisme avec une telle profondeur que peu de comédiens camerounais peuvent se targuer d’avoir atteint ce niveau. Aux côtés de figures légendaires comme Jean Michel Kankan, Ndaniel Ndo,  DV K Moctoi, Massa Moyo ou encore l’imitateur Antonio et Edoudoua,  Mamiton représentait le sommet du talent comique et dramatique au Cameroun. Son départ laisse un vide immense, non seulement dans le secteur de la culture, mais aussi dans les cœurs de nombreuses familles africaines qui voyaient en elle bien plus qu’une actrice. C’est avec une profonde révérence que je salue sa mémoire, car elle demeure, à jamais, un patrimoine national, une flamme qui continuera de briller au-delà du temps.

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