Texticules de Hugues Seumo, Diaspora: Vous avez dit que j'ai bouffé la tontine ? A qui le tour ?
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Depuis plusieurs décennies, les pratiques tontinières ont pris de l'ampleur au sein des communautés africaines en Europe. Il n'est plus surprenant de rencontrer ça et là des africains qui alimentent à longueur des journées leurs conversations autour des questions liées aux tontines.

En principe, les groupements tontinières se définissent comme "des associations qui se créent sur la base d'un objectif social commun, d'un clan ou d'un patronyme, à des fins religieuses ou éducatives, commerciales ou professionnelles et dont la vocation initiale est d'assister les membres face à des difficultés de la vie quotidiennes. Ils fonctionnent comme des associations régionales d'assistance aux membres.

Ils sont nombreux au sein de la communauté africaine qui, se regroupent soit à la fin de chaque semaine, ou à la fin de chaque mois pour épargner une partie de leur revenue dans les associations de tontines. 

Ces associations de tontines ayant eu du succès en Afrique fonctionnent en marge des activités bancaires traditionnelle. Les tontines ne sont pas connues par les institutions locales. Seulement, elles fonctionnent comme des structures bancaires privées limitées à un groupe de personnes bien précises. Entre autres attributions, les associations tontinières gèrent les oeuvres sociales (achat divers, assistance maladie, services de funérailles, la construction des œuvres sociales etc. Les tontines fournissent les crédits nécessaires aux membres, offrent des financements aux divers projets

Cette pratique tontinière est inconnue dans les milieux occidentaux. Si le banquier napolitain Lorenzo Tonti (XVIème siècle) passe pour être le créateur de la pratique désignée par le mot français tontine, Pairault (1990), Raillon (2000) et Hatcheu (2003) soutiennent que les pratique ainsi désignées sont d'origine africaine ou asiatique.

Comment fonctionne t-elle ?

Le principe de la tontine est celui d'un échange circulaire et égalitaire d'un bien ou service entre un groupe de personnes qui partagent le plus souvent les mêmes ambitions. (...)

La tontine sert aussi à pouvoir acheter des biens exceptionnels (Vélo, toit en tôle, financement d'une dot, etc.). En effet, dans les sociétés africaines, chaque personne qui gagne de l'argent en provenance d'une tontine est supposé réaliser un projet. Il doit redistribuer ce qu'il gagne sous peine d'être poursuivi par les membres.

Les tontines en Afrique sont les principales sources de crédit-épargne aux particuliers. Ceci est encore plus vrai pour les travailleurs du secteur informel. Le crédit rotatif qu’utilise la tontine facilite grandement la transparence et le suivi du crédit et de l’épargne au sein d’un cercle plutôt réduit. La tontine ici remplace la banque formelle. Elle est la banque des « exclus ». En effet, face aux difficultés d’obtention de crédits dans les banques formelles, plusieurs agents de l’économie informelle (et même formelle de petites tailles) l’utilisent pour leurs besoins de financement en fonds de roulement ou d’investissements.

Les tontines au Cameroun par exemple sont aussi le cadre le plus répandu d’une certaine offre d’assurance sociale sous forme de fonds d’aide ou caisse-secours. Les statuts des tontines contiennent, pour la très grande majorité, des rubriques dénommées « Aides aux membres ». Ces rubriques décrivent comment les aides sont distribuées et financées. Celles-ci surviennent lorsque l’un des membres a été victime ou ait subi un évènement malheureux (décès, maladie), ou encore célébré un évènement heureux (mariage). Les sommes versées sont fixes et ne poursuivent pas toujours un objectif d’indemnisation comme le ferait une assurance formelle(1). Face à la faible couverture du système national de prévoyance sociale (moins de 2 pourcent), la caisse-secours fournit à la majorité de ces pays une certaine couverture de risques qui, bien qu’embryonnaire, serait le socle endogène d’un système de protection sociale plus abouti.

Faiblesses des tontines

Les tontines sont fondées uniquement sur la logique de la confiance comme principal substrat sur lequel se bâtissent ces pratiques. Mais les tontines font beaucoup plus que s'appuyer sur la confiance, elles sont des lieux privilégiés où l'on peut en toute quiétude s'en remettre aux autres. Elles sont un des foyers où la confiance se crée et se fortifie. Cette confiance est fondée sur la connaissance et la fréquentation mutuelle des membres. Mais les défaillances de plus en plus fréquentes des membres dans le contexte de crise, de pauvreté et d'exclusion constituent une source de difficultés en chaîne qui effrite dangereusement l'étoffe de la confiance (2). La détérioration des relations interpersonnelles peuvent avoir des répercutions néfastes sur le fonctionnement du groupe surtout si les protagonistes occupent des positions stratégiques dans l'organigramme de la structure (président et trésorier par exemples). Quelquefois les problèmes nés entre les membres en dehors de l'association peuvent nuire à la solidité et à la cohésion du groupe dans la mesure où les rapports sociaux débouchent presque toujours sur la constitution de réseau clientéliste.

Au sein des nombreux groupes, la fiabilité et l'efficacité de la pratique tontinière dépend du trésorier qui très souvent détient en dévers lui d'importantes sommes d'argent quand bien même l'association serait titulaire d'un compte bancaire. Il arrive très souvent que l'individu qui occupe cette fonction trahit la confiance mise en lui par l'ensemble du groupe et disparaisse avec la caisse ou distrait des sommes importantes au moment de la redistribution des épargnes dans les diverses caisses.(3).

Grosso Modo, les tontines représentent une pratique informelle d'épargne et de crédit. Elles permettent à combler des difficultés rencontrées par des membres et dont les institutions bancaires ne peuvent pas car, les critères d'adhésions ne sont pas stricts. Chacun s'inscrit dans une tontine en fonction de son revenu.

Références bibliographiques

1-NZEMEN (M.) 1988. Theorie et pratique des tontines au Cameroun, Yaoundé , SOPECAM
2-HATCHEU TCHAWE (E.), De l'impératif du droit dans les pratiques tontinières en Afrique
3- Tchuente. 1991. Tontines et banques au Cameroun, le principe de la société des amis, Paris , Karthala

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