Liberté d'expression menacée au Cameroun :Kamto et Bedzigui contestent l'arrêté du préfet du Mfoundi
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Liberté d'expression menacée au Cameroun :Kamto et Bedzigui contestent l'arrêté du préfet du Mfoundi :: CAMEROON

Une controverse juridique secoue actuellement le Cameroun, mettant en lumière les tensions entre l'autorité administrative et les défenseurs des libertés publiques. Au cœur de cette polémique, un arrêté préfectoral du Mfoundi qui menace d'expulsion toute personne osant critiquer les institutions de l'État ou le chef de l'État. Face à cette décision jugée liberticide, deux figures de l'opposition camerounaise, Maurice Kamto et Célestin Bedzigui, ont décidé de contre-attaquer par voie légale.

Maurice Kamto, président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), et Célestin Bedzigui, à la tête du Parti de l'alliance libérale (PAL), ont chacun introduit un recours gracieux préalable auprès du préfet Emmanuel Djikdent. Leur objectif est clair : obtenir le retrait de cet acte administratif qu'ils considèrent comme "illégal" et attentatoire aux libertés fondamentales.

Le recours de Kamto, lui-même juriste de formation, s'appuie sur plusieurs arguments juridiques solides. Il dénonce notamment un "excès de pouvoir manifeste" de la part du préfet, arguant que celui-ci n'a pas la compétence matérielle pour édicter une interdiction de séjour sur une portion du territoire camerounais. Kamto souligne que l'arrêté ne se fonde sur aucun texte constitutionnel ou infra-constitutionnel, ce qui constitue une violation flagrante du principe de légalité.

L'opposant invoque l'article 26 de la Constitution camerounaise, qui stipule que seul le Parlement est habilité à légiférer sur "la sauvegarde de la liberté et de la sécurité individuelle" ainsi que sur "le régime des libertés publiques". En s'arrogeant ce pouvoir, le préfet aurait donc outrepassé ses prérogatives, empiétant sur le domaine réservé au législateur.

Par ailleurs, Kamto fait valoir que l'arrêté préfectoral contrevient aux instruments internationaux ratifiés par le Cameroun, notamment la Déclaration universelle des Droits de l'Homme. Il rappelle que l'article 13 de cette déclaration garantit la liberté de circulation et de résidence à l'intérieur d'un État, tandis que l'article 19 consacre la liberté d'opinion et d'expression.

Le président du MRC étaye également son argumentation en citant un précédent jurisprudentiel : l'arrêt de la Cour fédérale de justice du 27 janvier 1970, qui avait annulé un arrêté similaire pris par le préfet du département du Ntem.

De son côté, Célestin Bedzigui qualifie la décision préfectorale de "gravissime" et "illégale". Le président du PAL met en garde contre les conséquences potentiellement désastreuses de cet arrêté, qu'il juge "provocateur". Il craint qu'une telle mesure ne puisse conduire à un "soulèvement du peuple" si elle n'est pas rapidement rapportée.

Cette affaire soulève des questions cruciales sur l'équilibre des pouvoirs au Cameroun et le respect des libertés fondamentales. Elle intervient dans un contexte de tensions politiques accrues, où les critiques envers le gouvernement sont de plus en plus perçues comme des menaces à l'ordre établi.

La réaction du préfet du Mfoundi à ces recours gracieux sera scrutée de près, non seulement par les acteurs politiques et la société civile camerounaise, mais aussi par la communauté internationale. L'issue de cette confrontation juridique pourrait avoir des implications significatives pour l'avenir de la liberté d'expression et le respect de l'État de droit au Cameroun.

En attendant, cette affaire a déjà suscité une vague d'indignation au sein de l'opinion publique et du Conseil de l'Ordre des avocats. Elle met en lumière les défis persistants auxquels font face les défenseurs des droits humains et les opposants politiques dans le pays.

La balle est désormais dans le camp de l'administration. Saura-t-elle faire preuve de sagesse en retirant cet arrêté controversé, ou persistera-t-elle dans une voie qui risque d'exacerber les tensions politiques déjà palpables ? La réponse à cette question pourrait bien définir la trajectoire démocratique du Cameroun dans les mois à venir.

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