QU’EST-CE QUE LE « HEMLE » DANS LE MONDE DU FOOTBALL CAMEROUNAIS ? Par l'écrivain Calvin Djouari
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FRANCE :: QU’EST-CE QUE LE « HEMLE » DANS LE MONDE DU FOOTBALL CAMEROUNAIS ? Par l'écrivain Calvin Djouari

C’est un  terme relativement récent ;   il  peut être synonyme de plusieurs qualités. En réalité, il s’agit d’une vertu qui permet à un camerounais, notamment sportif d’entreprendre des défis ardus en surmontant la peur, en faisant face au danger, à la souffrance et à la fatigue. Ce néologisme évoque souvent des actes héroïques qui sollicitent ses réserves physiques, son  audace, sa bravoure, son  cran, son intrépidité et sa  grandeur d’âme, parfois au-delà de l’imaginable. L’origine de ce terme remonte aux années 60, et il a été popularisé par l’Oryx Club de Douala, un club de rêve qui a remporté la première victoire camerounaise en terre étrangère à Accra.

Parmi les membres de la délégation, on trouvait un certain Efon Priso, le frère aîné du regretté Soppo Priso. En effet, à l’époque, l’idée de préparateur psychologique n’était pas courante, et les équipes des années 60 à 70 avaient une croyance profonde en la magie noire. Ainsi, il était presque obligatoire d’avoir un « sorcier » dans la délégation, utilisant son art oratoire pour convaincre que la détermination était la clé de la victoire. Papa Priso, également un intellectuel, a su donner une dimension héroïque à l’esprit JEMEA grâce à ses paroles dopés. Le JEMEA est devenu un slogan de ralliement au canton Bell à Douala.

Il s’agissait d’une ressource morale capable de susciter une foi inébranlable et une volonté communicative lors des épreuves difficiles. Selon le journaliste Paul Ngounou, ceux qui ont assisté à leurs matchs affirment que le JEMEA était une source authentique de détermination au sein de l’équipe de l’Oryx. Papa Priso accompagnait ses discours de mots appropriés, conférant ainsi à ce néologisme une valeur héroïque. Pour lui, le match n’était jamais terminé tant que l’arbitre n’avait pas sifflé la fin du match. Il chargeait Mbappé Leppé de rappeler cette conviction à ses coéquipiers à chaque instant du match sur le  terrain et  à la mi-temps. L’esprit JEMEA est donc bien plus qu’un simple mot, c’est une philosophie qui incarne la détermination, la bravoure et la foi en soi-même, et qui continue d’inspirer les générations des lions ou lionceaux  à surmonter les obstacles avec courage et ténacité.

Emporté dans des situations difficiles le camerounais doit chercher le courage au fond de lui et se lancer dans la rage de vaincre dans  une volonté inébranlable, le joueur se révèle capable de transcender ses limites pour progresser et atteindre le summum de sa performance. Dans cette quête, il fait fi des nombreux obstacles qui pourraient entraver son évolution et l’empêcher d’accéder aux sommets de la réussite. L’expression « HEMLE » trouve ses racines au Dynamo de Douala, lors de la première finale contre le PWD Bamenda. À l’époque, l’équipe était dirigée par Ni John Nfrudi, et elle avait la réputation de prédire le score avant chaque match.

Toutefois, le Dynamo, également connu sous le nom de « Dynamo a Gué raison, » décida de relever ce défi et de briser le mythe entourant le PWD. Ils étaient portés par une équipe de stars, comprenant des joueurs tels que Ndi Sunday, Mukubé, et le Docteur Ekwé. Cette mentalité de dépassement de soi se répandit ensuite dans d’autres clubs, à commencer par le Caïman de Douala, avec son célèbre slogan « Caïman il est 6 heures, » signifiant que lorsque le soleil disparaissait, le Caïman devait accélérer pour égaliser ou marquer le but de la victoire.C’est le Canon de Yaoundé qui perfectionna cette culture de manière scientifique. Sur le terrain, les joueurs n’échangeaient pas de paroles, ne se blâmaient pas, ne se querellaient pas et ne contestaient pas les décisions de l’arbitre. Une concentration totale régnait, avec une anticipation des actions à 100%.

Dans ce contexte, des actes de courage surnaturels étaient accomplis. D’autres clubs, tels que le Tonnerre Kalara et Dihep Ndi Kam, adoptèrent cette mentalité. Dihep Ndi Kam est considéré comme le véritable héros du JEMEA, car il fut le premier à briser le mythe qui voulait que la Coupe du Cameroun soit remportée exclusivement par des clubs de Yaoundé ou de Douala. De nombreux joueurs de ce club rejoignirent l’équipe nationale, propageant ainsi l’esprit forgé au sein de ces  clubs que je viens de citer. Pour ne pas s’approprier le JEMEA propre à l’Oryx, ils commencèrent à parler du HEMLE, un terme qui semblait être imposé par les joueurs Bassa, souvent nombreux au sein de l’équipe nationale.

Avec l’avancement du bilinguisme, un autre terme a été adopté pour rassembler toutes les communautés, d’où l’apparition du « Mint Set » et du « Fiting Spirite. » En fin de compte, tous ces termes sont indissociables de la notion de dépassement de soi et de la volonté farouche de gagner. Dans ces circonstances, le corps humain se trouve soumis à un effort physique qui exige une volonté supérieure à ce que le corps peut endurer, poussant ainsi à surmonter l’épreuve. Toutefois, il convient de souligner que dans ce contexte, l’effort réside principalement dans le domaine mental, se manifestant comme un acte exclusivement psychologique et moral, le joueur est prêt à s’épuiser sur le terrain plutôt que de quitter le jeu sans la victoire tant recherchée. Il est clair, d’après ce qui précède, que le courage est intrinsèquement lié à la volonté de triompher.

Au-delà de ce que j’ai décrit, le Cameroun abrite d’autres cultures  que je ne peux pas totalement explorer ici, de peur de dévoiler nos forces à l’adversaire. Cependant, au Cameroun, cette philosophie est omniprésente, propre à chaque Camerounais, quel que soit son domaine d’activité ou son lieu de naissance. Dès lors qu’il a un parent  camerounais, cette culture s’installe naturellement en lui. Elle lui confère la même impulsion nécessaire pour surmonter tout type d’épreuve. Les autres nations peuvent avoir du mal à comprendre ce que j’explique ici, bien que ces notions soient communes à l’ensemble de l’humanité.

Il faut être spécifiquement Camerounais pour véritablement la saisir. Cette culture constitue le socle de notre force intérieure et de notre capacité à faire face aux difficultés de la vie. Parmi ces défis à relever, nos émotions, en particulier la peur, occupent une place centrale. Le Camerounais affectionne les défis et n’a pas peur de les affronter, ce qui explique sa capacité à jouer contre des équipes comme l’Argentine ou le Brésil sans fléchir, et à les vaincre à plusieurs reprises. Sur le champ de bataille, par exemple, le soldat camerounais se bat pour sa patrie, sacrifiant sa propre vie dans un acte de dévouement. C’est une morale fondée sur le sens du devoir envers sa nation. La culture du HEMLE nous enseigne également à accepter la défaite avec dignité, reconnaissant que même la force a ses limites. C’est cela qui confère beauté au sport et à la vie elle-même.

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