Les Eglises en Afrique, une histoire très politique
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Les Eglises en Afrique, une histoire très politique :: AFRICA

Parvenu en Afrique dans le sillage des explorateurs européens, le christianisme s’est implanté progressivement par le biais des Églises chrétiennes. Pour les plus critiques, ces Églises appartiennent au triptyque colonial des « 3M » : Marchands, Militaires, Missionnaires. Le religieux serait un agent pour les plus radicaux.

Pour d »autres, les Églises en Afrique ont apporté l’Éducation « des pères blancs », l’alphabétisation des contrées reculées, les soins médicaux et la création de nombreux hôpitaux dont certains existent aujourd’hui encore des établissements hospitaliers de référence en Afrique.

Une certitude, l’Église a joué et joue encore un rôle politique en Afrique et est régulièrement aux prises avec les pouvoirs politiques.

« Nous restons au Gabon »

Entre 1866 et 1876, la France songe sérieusement à échanger ses « comptoirs du golfe de Guinée » (dont le Gabon) contre la Gambie britannique.

C’est un homme d’Eglise catholique qui va s’y opposer et faire changer le pouvoir politique français d’avis. Son nom: Jean Remi Bessieux, fondateur de l’Eglise Catholique du Gabon arrivée dans l’Estuaire du Gabon en 1844 comme missionnaire de la congrégation du Saint-Esprit. Il écrira à ce propos : « Nous resterons au Gabon, seuls s’il le faut pour défendre l’Église catholique et la Patrie Française » avant de préciser à propos du Gabon : « Nous sommes devant une porte qui peut s’ouvrir très vite et mener très loin. Nous restons »

Des séminaristes devenus politiciens

Les Églises ne se sont pas contentées de former la future élite africaine. Plusieurs acteurs politiques majeurs africains ont été en passe de devenir prêtres. C’est le cas de Joseph Kasa Vubu, premier président de la République du Congo qui avait été un élève brillant et discipliné au petit-séminaire de Mbata Kieta avant de poursuivre ses études supérieures au grand-séminaire de Kabwe au Kasaï pour devenir prêtre catholique. Nous restons ».

Jean Bedel Bokassa le futur « empereur »autoproclamé de Centrafrique était très apprécié par les missionnaires des écoles qu’il fréquente et qui veulent en faire un prêtre. Mais aussi de Jean Marie Mbida, le premier Premier ministre du Cameroun. D’autres ayant obtenu la prêtrise deviendront des hommes politiques majeurs

Des pères de l’indépendance

Barthélémy Boganda était un brillant élément au petit séminaire de Brazzaville où il est admis en octobre 1928, avant d’entrer en octobre 1931 au grand séminaire Saint-Laurent de Mvolye à Yaoundé. Il sera ordonné prêtre le 27 mars 1938, devant trois mille fidèles en la cathédrale Notre-Dame. Barthélemy Boganda entrera plus tard en politique et deviendra « père fondateur » de la nation centrafricaine. Éphémère premier Ministre de 1958 à 1959, c’est également sous sa houlette que le territoire français de l’Oubangui-Chari deviendra la « République centrafricaine ». Barthélemy Boganda donne aussi à la Centrafrique son drapeau, sa devise et son hymne et qu’il avait pensé pour l’ensemble des Colonies d’Afrique Équatoriale Française (A.E.F.).

Un autre prêtre finit aussi à la tête de son pays tout en étant le « père de l’indépendance » : l’abbé Fulbert Youlou. Également élève brillant au séminaire de Brazzaville puis au Grand Séminaire de Yaoundé, Fulbert Youlou finit par devenir le père de la nation congolaise le 15 Août 1960. Toutefois, Youlou, coquet, portant des soutanes de chez Dior et amateur de jolies femmes sera renversé par une révolte citoyenne dénommée les « Trois glorieuses » en 1963 Dans l’ensemble, Fulbert Youlou laissera le souvenir d’un homme excentrique et corrompu…

Aux cotés des peuples en lutte

Après les indépendances africaines, les Églises s’engagent aux côtés des peuples dans leurs différentes luttes contre les régimes autoritaires. Ainsi, en Afrique du Sud au temps de l’Apartheid Monseigneur Hurley, l’archevêque de Durban, est le pionnier dans la lutte pour les droits des noirs. Il prône leur accès à l’éducation, aux mouvements syndicaux ouvriers mais aussi contre la politique de la migration du travail et les discriminations raciales. Mgr Hurley, prône aussi l’objection de conscience et la désobéissance civile.

Celui que les sud-africains noirs surnomment très vite en raison de sa perspicacité Mamba eyes,(yeux de serpent) participe à toutes les luttes et à tous combats. Il dénoncera le durcissement du régime de l’Apartheid, mais aussi la sanglante et constante répression envers la population noire. Fermement convaincu que l’Église ne saurait pas se contenter de sa mission spirituelle en situation d’injustice.

Figure de la lutte contre l’Apartheid, il réussira à réunir dans un « mouvement œcuménique et multiracial » de nombreuses figures d’Eglises telles que Mgr Desmond Tutu, Beyers Naudé, le pasteur afrikaner renié par les siens, ou encore le pasteur noir Allan Boesak. Ailleurs, les « hommes d’église » seront aussi des pourfendeurs des régimes autoritaires.

L’Eglise contre Mobutu

Au Zaïre, alors que le régime de Mobutu fait pendre publiquement les opposants, disparaître les corps des étudiants abattus et réduit au silence ceux qui osent critiquer le « Mobutisme », c’est-à-dire « la pensée, les paroles et les actions du président fondateur Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Waza Banga », Monseigneur Malula critique sévèrement la dictature du « Léopard de Kinshasa ».

Interrogé sur son action, il répond : « J’ai toujours essayé de défendre la vérité et la justice (…) répondant à ma mission de défendre les faibles et les pauvres » furieux Mobutu réplique qu’il est « inadmissible, innaceptable » que des « curés se mêlent de politique » avant de terminer cinglant : « Même le Christ était formel : César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Monseigneur Malula sera envoyé en exil au Vatican.

Le Cardinal Biayenda, le Martyr

De l’autre côté du fleuve Congo, le Cardinal Emile Bieyenda aura moins de chance. Très critique vis-à-vis du pouvoir communiste installé à Brazzaville, il est enlevé en marge de l’assassinat du Président communiste Marien Ngouabi à son domicile, près de la cathédrale du Sacré-cœur de Brazzaville, dans l’après-midi du 22 mars 1977 et est tué dans la nuit du 23 mars 1977 par un groupe de soldats. Bien que la cause réelle de cet enlèvement soit encore à ce jour indéterminée, on peut tout de même affirmer que son engagement en faveur des libertés individuelles lui a certainement coûté la vie.

Au Gabon, plusieurs hommes d’Église critiquent le régime d’Omar Bongo qui caresse le rêve de se faire couronner roi du Gabon. Ainsi l’abbé Noël Ngwa Nguema, Monseigneur Okinda mais aussi le Père Paul Mba Abessole sont dans les années 80 très virulents vis-à-vis du régime. Exilé en France, le père, Paul Mba Abessole finira par incarner l’opposition gabonaise en exil avant de se lancer dans une carrière politique

Le temps des Conférences nationales.

Après la chute du mur de Berlin, le vent de l’Est souffle sur l’Afrique et met un terme au règne des partis uniques. C’est le temps des Conférences Nationales, grandes messes au cours desquelles on dresse le bilan – Toujours très négatif – régime à partis uniques. Ces grandes messes sont présidées par des évêques au Benin, au Congo-Brazzaville, au Gabon et au Zaire.

Ne pouvant pas tolérer que cette conférence nationale ose critiquer son régime, Mobutu la fera interrompre sans autre forme de procès. À l’initiative des Églises, il y aura une marche pour demander la reprise de la conférence nationale. Cette marche à laquelle prendra part des membres du clergé baptisé « la marche de l’espoir » ou encore la « marche des chrétiens » sera réprimée dans le sang et fera officiellement 35 victimes, mais bien plus selon divers témoignages.

Un acteur politique toujours présent

Depuis les années 2000, la voix de l’Église se fait toujours entendre dans plusieurs pays africains. On la retrouve très active dans la défense des droits de l’homme en République démocratique du Congo, mais aussi très impliquée dans les processus électoraux depuis la chute de Mobutu. Ainsi, en 2018, la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) dans laquelle les hauts représentants de l’Église sont réunis prend une part active dans l’organisation de l’élection présidentielle de 2018. Avant la proclamation officielle des résultats, elle affirme qu’elle connaît déjà le nom du président élu. Forte de plus de 40.000 observateurs et disposants de copies des procès-verbaux, les résultats qu’elle compile fuient rapidement. La CENCO finit par s’opposer aux résultats officiels en laissant entendre que Félix Tschisekedi n’est pas le candidat choisi par les électeurs.

Plus tard, la CENCO enfonce le clou et publie un rapport dans lequel il est affirmé que Martin Fayulu, officiellement arrivé deuxième est le véritable vainqueur de l’élection présidentielle.

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