Guinée-équatoriale, une succession fratricide
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La lutte successorale entre les deux fils du patriarche Teodore Obiang Nguema Mbasogo est entrée dans une phase qui risque d’être bien peu fraternelle.

La succession en effet oppose le fils aîné du Président, » Teodorin » (51 ans), à son demi-frère Gabriel Mbega Lima (45 ans). La crise économique, liée à l’effondrement des recettes des exportations des hydrocarbures et accentuée par la pandémie du covid-19, pourrait accélérer ce conflit dynastique au sein du clan présidentiel.

Teodorin, en pôle position

Le président Téodore Obiang Nguema Mbasogo (78 ans), au pouvoir depuis 1979, a été réélu pour 7 ans en avril 2016. L’échéance de 2023 paraît bien lointaine pour le plus ancien chef de l’État du continent africain, d’autant que certains de ses proches font preuve d’une certaine impatience.

Au-delà de l’âge et de ses vicissitudes, il y a les nuages qui s’accumulent sur le plan économique et financier, à la suite de la crise affectant les hydrocarbures et des conséquences de la pandémie du covid-19.

Le fils aîné, Teodoro Nguema Obiang Mangue, alias » Teodorin », ou » Teddy, » pour les jet-setters, Vice-président et héritier putatif est dans les starting-blocks. Sa mère et première Dame, Constancia Mangue est, depuis longtemps, à la manoeuvre pour aider à cette succession dynastique. A l’ instar de Chantal Biya ou de Sylvia Bongo Ondimba, Constancia Mangue est d’autant plus influente que son époux est affaibli par l’âge et les soucis de santé.

Les handicaps de Gabriel

Plus discret et davantage politique, sans pour autant être moins corrompu et cupide que son demi-frère Teodorin, Gabriel Mbega Lima n’a pas dit son dernier mot. Toutefois, ses chances d’accéder au pouvoir s’amenuisent, la conjoncture ne l’aide pas et ses soutiens s’éloignent du pouvoir présidentiel. Les Essanguis de Mongomo, ethnie du président, n’hésitent pas à faire remarquer que sa mère, Celestina Lima, est originaire de Sao-Tome-et-Principe, aussi refusent-ils de reconnaître Gabriel Mbega Lima comme un des leurs.

Formé aux Etats-Unis d’Amérique, dans une université du Texas, Gabriel Mbega Lima a gravi, depuis 1997, tous les échelons du Département des Mines et des Hydrocarbures. Il est l’inamovible ministre du pétrole et du gaz. Il a bénéficié du boom de l’ exploitation des gisements off shore de Zafiro pour nouer des relations à l’international. Ces gisements, exploités depuis une vingtaine d’années commencent à prendre de l’âge d’où la nécessité d’attribuer, après appels d’offres, de nouveaux gisements prometteurs. En dépit de ses liens personnels avec les Majors, les nouveaux Blocs tardent à trouver de sérieux acquéreurs. Le manque à gagner est devenu plus que préoccupant.

La Guinée équatoriale se rapproche dangereusement du défaut de paiement auprès de ses créanciers. Evidemment la chute des prix du baril et de la demande affectent les ressources budgétaires constituées par 95 % par ces recettes d’hydrocarbures. De là, à faire porter le chapeau à Gabriel pour la crise économique et financière….

Une crise financière durable

La production pétrolière devient inférieure à 120 000 barils/jour, soit en réduction de 30 % par rapport à 2018. Le PIB, estimé en 2019, à 10, 8 milliards d’euros, a été divisé par trois depuis 2014. La richesse par habitant qui culminait à 17 000 euros en 2012 à été divisée par deux.

L’ émirat pétrolier de 28 000 km2 et de 1,5 million d’habitants est donc durement touché par l’effondrement de ses recettes d’exportation.

La récession se poursuit en s’aggravant. Après – 6,1 % en 2019, les prévisions du FMI se projettent à – 8,1 % pour 2020 . Le déficit budgétaire devient plus que préoccupant. Tous les clignotants sont donc au rouge. Faute d’avoir engagé une diversification de son économie vers l’agrobusiness, les ressources halieutiques, les industries extractives et la logistique internationale, le pays est devenu l’otage du pétrole et du gaz. La lutte successorale vient au plus mauvais moment, pour le clan de Mongomo.

Le coup de sang du Chef de l’Etat

Le président Teodoro Obiang Mbasogo a été ébranlé par les mauvais résultats transmis par les autorités financières régionales et internationales. Le 14 août 2020, il décida de faire démissionner le gouvernement de Francisco Pascual Obama Asue, premier ministre depuis avril 2016. A cette occasion, le chef de l’Etat fit part de son courroux en mettant en cause » les ministres qui n’ avaient pas rempli leur fonction et n’avaient pas obtenu les résultats escomptés », notamment dans le cadre du » Plan horizon 2020″. Ministre des Mines et des Hydrocarbures, Gabriel Mbega Lima pouvait se sentir visé, aussi essaya-t-il de se dédouaner en mettant en cause le premier ministre.

On pouvait donc s’attendre à un limogeage de Francisco Pascual Obama Asue. Il n’en fut rien. Le premier ministre a été reconduit dans ses fonctions dans le nouveau gouvernement annoncé le 20 août 2020. Le Vice-président Teodorin a pesé de tout son poids pour cette reconduction, car il compte beaucoup sur Francisco Pascual Obama Asue, qui évidemment ne se rapprochera pas davantage de Gabriel qui conserve son poste ministeriel, mais en seizième position dans un gouvernement qui comporte vingt-quatre ministres. Teodorin peut aussi compter sur les piliers du régime que sont les ministres Nicolas Obama Nchama, à la sécurité nationale, et Victoriano Bibang Nsue Okomo, son oncle, à la Défense. Par ailleurs, une reprise en mains du réseau diplomatique s’est traduite par un vaste mouvement de diplomates au sein des chancelleries les plus importantes.

Un pays sous assistance

La Guinée équatoriale a rejoint la cohorte des États sous assistance du FMI, en dépit de ses ressources nationales qui ont été dilapidés par la prédation endémique. Les relations avec le FMI sont bonnes, comme en témoignent les résultats du « Staff Monitored Program ». Dans le cadre de la Facilité étendue de crédit, le FMI a approuvé, en décembre 2019, un prêt de 282 millions de us dollars sur trois ans. De même la BAfD a financé deux projets de diversification de l’économie.

Même si la dette extérieure reste soutenable et n’est pas comparable avec celle des autres Etats de la région, on peut néanmoins s’inquiéter de l’avenir politico-économique de ce pays. La lutte pour la succession de Teodoro Oblang Nguema Mbasogo pourrait bien ne pas se circonscrire au clan de Mongomo, accentuant une paranoïa qui n’a jamais quitté Malabo, depuis le renversement du dictateur Macias Nguema par son neveu, en 1979 , l’actuel chef de l’Etat.

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