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© Correspondance : Enoh Meyomesse
- 27 Apr 2020 12:04:00
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CAMEROUN :: L’HISTOIRE DE MON ONCLE MENDOMO ANCIEN COMBATTANT :: CAMEROON
En 1940, mon oncle Mendomo Ondja’a Hans, est parti vendre un sac de cacao à Ebolowa chez Kritikos, un commerçant grec qui détenait un magasin dans la ville et de nombreux camions dans lesquels il transportait le cacao acheté aux « indigènes ». Au moment de la pesée du sac, le « clak », indigène employé à cet effet, a placé son genou sous celui-ci, et son poids a considérablement diminué. Mon oncle a voulu protester. Rien à faire, son sac ne pesait plus que la moitié du poids qu’il en escomptait. Il s’est fait payer à contrecœur. Il avait besoin d’argent. Pour calmer son dépit, il a décidé d’aller d’abord boire un verre de « kpwata » dans un bistrot indigène, avant de faire des emplettes et retourner au village.
En ce lieu, une terrible bagarre s’est déclenchée, et la milice coloniale a arrêté tout le monde, y compris lui. Il a passé la nuit en cellule au commissariat de police. Le lendemain matin, lui et les autres gardés à vue les plus costauds ont été incorporés de force dans les Forces Française Libres, FFL, l’armée qu’est venue lever au Cameroun et au Tchad le colonel Leclerc. Lors de son enrôlement, l’adjudant français qui s’en occupait, a refusé son nom Mendomo, et son prénom Hans. « Mendomo ! quel nom de barbare ! allez, tu t’appelles Madamu, terminé ! Hans, quel prénom barbare qui pue l’Allemagne ! allez, tu t’appelles Jean, terminé ! » Mon oncle s’est retrouvé avec un nouveau nom Madamu, et un nouveau prénom, Hans.
Le contingent des recrues a rejoint Fort-Lamy (Ndjamena), puis l’Afrique du nord, et a combattu contre le général allemand Rommel.
En 1944, mon oncle tout comme beaucoup d’autres combattants, a été démobilisé et renvoyé au Cameroun. Mais, il n’était plus le même homme. La peur de l’homme blanc s’était évanouie en lui. De retour dans mon village, il était devenu une tête dure qui bagarrait presque tout le temps à Ebolowa avec les Blancs, il ne supportait plus de les voir brimer les Noirs, ses congénères.
A l’exemple de mon oncle Mendomo Ondja’a Hans devenu Madamu Jean sur décision inique et arbitraire d’un soldat français, les anciens combattants rentrés en Afrique étaient devenus un casse-tête pour l’administration coloniale. Elle ne savait quoi en faire. Ils étaient devenus agressifs envers les Blancs. Ils semaient la révolte partout où ils se trouvaient. Ils sont ainsi à l’origine de l’assouplissement du régime colonial, dès 1946, notamment l’abolition des travaux forcés, à travers la loi Houphouët-Boigny, et l’acquisition de la citoyenneté française la même année. Ce qui nous a permis de créer des syndicats et des partis politiques. La suite, on la connaît : 14 ans plus tard, en 1960, les indépendances ont été proclamées…
J’ai rassemblé un grand nombre d’histoires que nous racontait l’oncle Mendomo, et en ai fait ce roman. Celui-ci m’a dans le même temps donné l’occasion de décrire la vie au Cameroun à la fin des années 1940, et au début de celles 1950. La domination des Français ; l’exploitation des indigènes par les commerçants grecs ; le regard des « indigènes » sur ces Blancs confondus qui les opprimaient d’gale manière. Je me suis de ce fait efforcé de faire revivre un Cameroun qui a depuis longtemps disparu, mais qui a façonné considérablement celui d’aujourd’hui…
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