Christophe Guilhou  : « L’agenda de la France dépasse largement le simple cas de l’affaire Bolloré »
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CAMEROUN :: Christophe Guilhou : « L’agenda de la France dépasse largement le simple cas de l’affaire Bolloré » :: CAMEROON

Le Président de la République a décidé de suspendre la procédure d’attribution de la concession sur le Terminal à Conteneurs du Port de Douala-Bonabéri. Une décision survenue au moment où le ministre français de l’Europe et des affaires étrangères séjournait au Cameroun. Que répondez-vous à ceux qui y voient une main de la France ?
Nous avons un agenda qui dépasse bien largement le simple cas de l’affaire Bolloré, qui, je le rappelle, est une affaire judiciaire traitée par la justice camerounaise et sur laquelle je ne ferai aucun commentaire. Nous sommes là pour défendre les intérêts des entreprises françaises au Cameroun. Je peux d’ailleurs vous annoncer que j’irai à Paris rencontrer le patronat français pour valoriser la place du Cameroun pour nos entreprises.

Au moins le service de l’Ambassade, notamment ses services économiques, auraient pu se saisir du dossier au moment où l’offre de Bolloré n’a pas été acceptée dans la liste d’entreprises présélectionnées pour prendre part à l’Appel d’offres. L’ambassade est bien restée silencieuse. Le quai d’Orsay est resté silencieux. A ce moment, on ne protégeait plus les intérêts des entreprises françaises au Cameroun ?
La France, l’Ambassade de France défend les intérêts des entreprises françaises au Cameroun. Nous sommes dans une économie ouverte. Un système capitalistique, où la concurrence doit s’exercer tout le temps. Et c’est comme ça que va se faire la croissance. C’est comme ça que se fait le développement. C’est aux camerounais de décider en fonction de vos propres paramètres, de l’entreprise qui devra, ou non reprendre la concession du Port de Douala. Je le dis pour le Port de Douala comme pour tout autre projet d’investissement. C’est à vous de définir cela. Nous n’avons pas à entrer là-dedans. C’est vous qui définissez les critères, c’est vous qui définissez les règles du jeu. La France défend les entreprises françaises de façon générale. Que ce soit les Start up, les petites entreprises ou les grandes entreprises. C’est à vous de définir les règles, de les faire respecter, c’est tout. La France n’a pas à s’ingérer là-dedans.

Vous êtes certes nouvel arrivé à Yaoundé. Mais vous avez pris le pouls. Avez-vous l’impression que Bolloré et les entreprises françaises ont bonne presse au Cameroun ?
Quand je lis une certaine presse, je me dis que certaines entreprises font mauvaise presse. Quand je lis d’autres presses, je me rends compte que ces entreprises contribuent au développement du pays. Vous avez des entreprises françaises qui représentent plusieurs milliers d’emplois. Qui fournissent du travail à plusieurs dizaines de milliers de camerounais. On l’a rappelé à la conférence à laquelle a participé Jean Yves Le Drian, les entreprises françaises au Cameroun, c’est 30% des recettes fiscales du pays. Ce sont des milliers d’emplois tous les jours au service des camerounais. Donc il ne s’agit pas de savoir s’il y a une bonne image ou une mauvaise image. En tout cas, de mon point de vue. Ce que je vois, ce sont des entreprises qui investissent, qui travaillent, qui font bouger l’économie camerounaise fournissent de l’emploi, de la main d’œuvre, pour le développement du pays. Ça ne s’arrête pas uniquement à ces entreprises emblématiques.

Vous avez trente ans de carrière dans la diplomatie française. Pensez-vous qu’un chef d’Etat français, ou un ministre des Affaires étrangères français soit dans son rôle d’interférer auprès de politiques en Afrique ou ailleurs, pour permettre à une entreprise française de remporter un marché ? Serait-ce légitime aux yeux de l’opinion publique en France ?
La diplomatie économique, puisque c’est de cela qu’il s’agit, fait partie du cœur de mes priorités, et des priorités de notre gouvernement à l’étranger. Nous sommes là pour défendre les intérêts des entreprises françaises à l’étranger. On n’est pas dans un monde de bizonours. On est dans un système de grande compétition internationale. La France a une grande partie de son économie qui repose sur les marchés, sur la conquête des marchés à l’international. Nous avons une économie ouverte. Et lorsqu’il s’agit d’aller conquérir ces marchés, on le fait dans un climat de grande concurrence. Il est donc tout à fait logique que le Président de la République, le Premier ministre, le ministre de l’Economie ou des affaires étrangères, les ambassadeurs sur place, allions faire valoir, exprimer, valoriser les offres françaises à l’international. Puisque nos concurrents le font eux-mêmes. En vertu de quel principe refuserions-nous d’aller défendre les offres des entreprises françaises alors que nos concurrents le font pour leurs propres entreprises. Je le dis une fois de plus, c’est à vous de définir vos propres critères, vos propres règles. Et nous nous adapterons à cela. C’est comme ça que marche l’économie capitaliste.

Le Cameroun doit défendre ses intérêts en tenant compte du rapport de force…
Vous êtes un pays souverain. Vous savez ce dont vous avez besoin. Vous connaissez vos disponibilités. Vous savez comment vous voulez vous développer. Et en fonction de cela, vous faites appel ou non à des entreprises françaises. Vous pouvez aussi décider que vous n’avez pas besoin d’entreprises. Que vous allez vous développer en investissant vous-mêmes. Vous pouvez aussi décider que vous êtes autarciques. Personne ne vous critiquera. Vous pouvez décider aussi que vous ne voulez pas d’entreprises françaises.

Pour sortir de là, avez-vous le souvenir d’une intervention de politiques français à un très haut niveau. Que ce soit à Matignon, que ce soit au Quai d’Orsay. Et que au niveau africain, il n’y ait pas de suite favorable. Avez-vous des exemples d’intervention de Matignon qui n’ait pas obtenu de suite en Afrique ?
Ça arrive. Je pense même que ça doit arriver tous les jours. Les entreprises françaises qui sont soutenues par le gouvernement, par les ambassadeurs sur place, avec des arbitrages à l’Élisée ou à Matignon. Je pense que ça doit arriver très fréquemment à travers l’Afrique. Bien entendu, nous sommes dans un système de grande concurrence internationale. Parfois, les offres qui sont faites par les entreprises françaises ne correspondent pas exactement à ce qui est demandé. Parfois aussi, elles sont plus frileuses, et donc vont prendre moins de risque. C’est à ce moment-là, au gouvernement, aux autorités, dans chacun des pays, de considérer si cette offre est utile ou non à un moment donné, à l’économie du pays. Parfois, il y a des contreparties. Avec des formations sur place, des investissements. Avec tout un entourage que l’entreprise voudra ou non réaliser. Par exemple, sur le deuxième pont sur le Wouri, tout le ciment qui a été utilisé pour la construction de ce pont c’est du ciment camerounais.

Du ciment camerounais, qui porte la marque de Cimencam, du groupa Lafarge ?
Oui, c’est du ciment camerounais. Je suis très heureux que Lafarge produise du ciment camerounais, et que ce ciment camerounais serve à la construction d’un pont qui est financé par la France. C’est un excellent exemple. Vous voyez, des entreprises font des offres qui sont acceptées ou pas. Et ça fait partie de très grandes, très longues négociations avec les partenaires locaux. Libres à eux ensuite de les prendre ou pas. Mais ce qui est important, c’est que les mêmes critères soient appliqués sur toutes les offres.

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