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Une semaine après le Grand Dialogue, la ville de Sangmélima a été le théâtre de plusieurs affrontements entre les autochtones et les allogènes. Et comme dirait quelqu’un, les conséquences de ces exactions ont été dévastatrices !

Que s’est-il passé au juste ?

D’après des sources concordantes, il y a un jeune homme de 27 ans qui s’appelait Benjamin Junior Assam Belinga, et qui a été retrouvé mort dans la matinée du 9 octobre à Sangmélima. C’était un moto-taximan originaire de cette ville, et visiblement il aurait été assassiné par son beau-frère Wilfried Mefoua qui, semble-t-il, lui aurait précédemment promis la mort…

Soit. Sauf que Mefoua Wilfried n’aurait pas agi out seul, et parmi ses complices il y aurait eu des personnages originaires de la tribu bamoun. Et lorsque ce groupe a été interpellé par la Gendarmerie en compagnie des objets personnels de la victime, les populations ont demandé qu’on leur livre ces gens afin qu’elles puissent ainsi leur appliquer la sévérité de la justice populaire (c’est-à-dire les occire). Et devant le refus du commandant de brigade, les jeunes de Sangmélima ont donc décidé de s’en prendre à toutes les boutiques et toutes les maisons des allogènes de cette contrée, et particulièrement ceux qui sont originaires des villes de Foumban et Foumbot…

Quel est le bilan des violences ?

D’après les vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux (merci Pierre La Paix Ndamè) et d’après certains témoignages, les dégâts ont été immenses ! On a vu une foule de jeunes badauds qui étaient armés de gourdins et de matraques improvisés, et qui déambulaient dans le centre-ville de Sangmélima. Et c’est ainsi qu’ils ont identifié puis dévalisé de nombreuses boutiques, appartenant essentiellement à des allogènes. Ils ont pillé des magasins d’électronique. Ils ont cassé des présentoirs. Ils ont vandalisé puis démoli des échoppes et des étals, et ils se sont copieusement servis dans les comptoirs. Mais les évaluations matérielles de ces débordements ne sont pas vraiment quantifiables, puisque dans notre pays-ci on ne calcule rien. On peut seulement vous dire supposer que 60 % des commerces endommagés appartenaient à des Bamilékés, 25 % à des Bamouns, 10 % à des Nordistes et 5 % à des autochtones (ce sont les dommages collatéraux).

On peut aussi ajouter qu’il y a des « étrangers » qui ont été délogés de leur maison puis copieusement molestés et bastonnés, pour rien-rien comme ça ! On peut ajouter que certaines voitures ont été subtilisées puis sabotées également. On peut terminer en disant qu’il y a eu une bonne dizaine de blessés parmi les personnes ciblées et tabassées, dont la moitié se trouve encore dans un état critique. Et que la maman de Benjamin Assam a rapidement été annoncée décédée, mais certaines sources m’ont rassuré que ce n’était qu’un simple évanouissement…

Quelles solutions ont été apportées ?

Dès le lendemain 10 octobre, le préfet du Dja-et-Lobo (c’est le département de Sangmélima) a pris la parole pour dire que : « Les violences que nous avons connues hier n’ont rien à voir avec une quelconque rivalité inter-ethnique. Notre ville conserve son hospitalité légendaire et valorisera toujours le vivre-ensemble, une notion qui est tant prônée par notre chef de l’État. »

C’était à peu près ça.

Puis il a convoqué une réunion pour le vendredi 11 octobre, et dans laquelle étaient attendues toutes les élites de ce département auquel est effectivement originaire le chef de l’État, ne l’oublions pas, puisque le village natal de Paul Biya s’appelle Mvo’oméka et est situé à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Sangmélima.

Donc je disais que le préfet a convoqué le gouverneur de la région et le maire, il a convoqué les grands commerçants et les hommes d’affaires du coin, il a convoqué le ministre de l’enseignement supérieur qui s’appelle Jacques Fame Ndongo et qui est originaire du Sud, et enfin il a demandé un renforcement de ses capacités policières et militaires.

Ce qu’il a obtenu, puisque Sangmélima est actuellement quadrillée par les forces de l’ordre afin d’éviter une situation de guérilla…

Quel est le rapport avec le Cameroun ?

Eh bien c’est simple, c’est le tribalisme ! Parce que cette gangrène qui se faufile sur les réseaux sociaux et qui n’a besoin que d’une étincelle pour détoner, elle nous a un peu présenté à quoi elle ressemblera lorsqu’elle arrivera. Puisque la dernière élection présidentielle nous a fait s’opposer les Bamilékés et les Boulous, et qu’on a eu l’impression qu’ils étaient même arrivés au bord de l’affrontement.

Quel rapport avec le Cameroun ? Parce que si l’assassinat d’un bendskineur est capable de dériver en règlements de comptes et en saccages, ça signifie certainement que le mal est beaucoup plus profond qu’il n’y paraît. Et que les accusations tribales qui peuvent dégénérer en guerre civile sont souvent alimentées pas la frustration, par le chômage, par la jalousie, par les coupures d’électricité, par les promesses non tenues par les élites locales, par la manipulation politique, par le laisser-aller de la Justice, par le manque d’éducation, par l’alcoolisme, par la sexualité exacerbée, par le désœuvrement et surtout par la pauvreté.

Autant d’ingrédients dont on ne peut pas s’imaginer que le Cameroun en est démuni…

Le soulèvement de Sangmélima

Donc une semaine seulement après le Grand Dialogue, la ville de Sangmélima a été le théâtre de plusieurs affrontements entre les autochtones et les allogènes. Et comme dirait Nyangono du Sud, les conséquences de ces exactions ont été très-très dévastatrices !

Sangmélima ! Ce qui s’est passé dans le Dja-et-Lobo, doit nous servir de piqûre de rappel afin de nous souvenir que le vivre-ensemble ne se décrète pas, mais au contraire qu’il s’agit d’une méticuleuse construction.

Sangmélima ! Le Cameroun possède plus de deux cents tribus et langues vernaculaires. Les Camerounais sont chez eux presque partout. Le tribalisme n’existe pas entre nous mais il y a des manipulateurs qui souhaitent l’utiliser à des fins machiavéliques.

Les violences de Sangmélima m’ont sincèrement fait de la peine, parce que c’est là-bas que j’ai vécu en avril 2014 lorsque je m’étais retrouvé sans domicile fixe ici à Douala.

Mais au-delà de cette municipalité, c’est tout le Cameroun qui me fait peur ! C’est la haine de l’étranger qui commence à se faire alimenter à cause de la gourmandise politique, et à cause aussi de notre indigence. Et quand je vois comment les jeunes de mon pays sont descendus dans les rues avec des machettes et des gourdins, pour saccager les boutiques de leurs propres compatriotes, je me dis que nous sommes finalement malheureusement arrivés au bord du précipice.

Et qu’il suffirait d’une étincelle pour nous y laisser tomber.

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