De l’irresponsabilité parlementaire au Cameroun
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De l’irresponsabilité parlementaire au Cameroun :: CAMEROON

On se croyait partis pour un papier corrosif sur le parlement camerounais. Il n’en est rien. Comme devant un kiosque à journaux, on s’est fait avoir par le titre. En fait, on y va tout doux, gentiment. On essaie plutôt d’apprendre de façon ludique, de comprendre la chose (ne pas confondre ici avec machin) ; comprendre en s’amusant des petites nuances de la langue française.

Tenez par exemple : « Irresponsabilité ». Personne avec son bon sens ne voudrait voir son nom accolé à ce vocable et moins encore à l’adjectif tout aussi irresponsable qui en découle. Pourtant, voici une expression très officielle dans laquelle le mot « irresponsabilité » nous apparait altier comme un cheval blanc : « Irresponsabilité parlementaire » (prononcer avec le ton et la gestuelle cérémonielle du majordome qui annonce l’arrivée tant attendue d’un invité de marque).

Mais qu’est-ce donc, que cette curieuse expression, pour nous autres profanes qui croyions devoir tenir à jamais le mot « irresponsabilité » et tous ses dérivés bien à l’écart du mélioratif ? Un auguste spécialiste de la chose (chose mis ici pour la science dont il est question) nous apprend, dans son livre intitulé Le droit parlementaire au Cameroun, que l’irresponsabilité parlementaire est « un privilège [donc] qui couvre le parlementaire à raison de certains actes qu’il est amené à prendre dans le cadre de son mandat. Ainsi, aucun membre du parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans le cadre de l’exercice de ses fonctions. » Le saviez-vous ?... Ou seriez-vous aussi un de ces spécialistes de la chose ?

Il y en a d’autres, de ces petites expressions à l’acception curieuse dans le jargon des parlementaires, dont l’ouvrage suscité nous régale, à la manière des petites leçons académiciennes d’Yvan Amar : « cavaliers législatifs », « navette parlementaire », « droit de dernier mot », et même « l’entonnoir ». L’entonnoir, oui, que l’on croyait ne pouvoir servir qu’à transvaser de l’huile ; le mot, si ce n’est l’objet, peut au palais des verres revêtir un usage plus noble (il paraît que le terme consacré là-bas c’est « honorable »).

L’auteur de l’ouvrage

Au fait, on a oublié de nommer notre auguste spécialiste de la chose. Même si les lecteurs avertis ont certainement, avec le titre de l’ouvrage, pu deviner sans mal

qu’il s’agit du Dr. Pierre Flambeau NGAYAP, sénateur de la région du Littoral au Cameroun, cependant, la précision lui est chère, représentant de toute la nation. Il nous l’apprend dans son livre, Le droit parlementaire au Cameroun : « Bien que la Constitution ne dispose pas explicitement, comme pour le député, que le sénateur représente lui aussi l’ensemble de la nation, la doctrine le considère comme tel, puisque le sénateur, comme le député, est choisi « dans » une circonscription et non « par » une circonscription. Il exprime ou détermine la volonté de l’ensemble de la collectivité et non celle des seuls électeurs qui l’ont élu ou de la circonscription qui l’a élu ou de celui qui l’a nommé. »

Après sa matérialisation en 2013, la question courante parmi nous autres camerounais simples d’esprit, c’était « le Sénat, à quoi bon ? » Aujourd’hui, la compréhension ayant un peu plus évolué, la question la mieux indiquée serait : « Le Sénat, et par synecdoque l’Assemblée nationale, comment ça marche ? » Le droit parlementaire au Cameroun, du sénateur Pierre Flambeau NGAYAP, arrive donc à point nommé pour nous éclairer davantage. Et même nous rassurer, nous, le peuple souverain : c’est une question de vie ou de mort ; pardon, c’est sorti par effraction, voici ce qui était prévu : c’est une question de confiance ou de mort politique.

La question de confiance

Veuillez bien vouloir agréer ici la transition un peu trop évidente, voire trop facile, pour aborder la notion de « la question de confiance » – on n’a pas toujours été des profiteurs, mais l’aubaine est trop belle. « La question de confiance », encore une de ces expressions qui vous feront sourire dans l’ouvrage du sénateur NGAYAP, malgré la gravité du sens qui va avec ; la question de confiance c’est lorsque « le Premier ministre demande aux députés d’approuver, par un vote, le programme qu’il leur présente ou la déclaration politique qu’il leur délivre. » Attention, c’est un jeu dangereux, une espèce de roulette russe où ce n’est pas vous qui tenez le revolver : si le nombre de députés ayant émis un vote défavorable atteint 91 (sur les 180 au total), le Premier ministre est tenu de remettre au président de la République la démission de son gouvernement. Tac, fin. On comprend pourquoi, dans le meilleur des cas, le Premier ministre chef du gouvernent préfère souvent laisser croire qu’il a oublié de poser cette fameuse question. Encore que, entre membres du gouvernement et du parlement, on n’est jamais trop prudent. Question de confiance.

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