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© achouka.mondoblog : Ecclésiaste DEUDJUI
- 30 Apr 2019 11:50:00
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Au Cameroun il n’y a pas le travail, mais il y a le « travaillement » :: CAMEROON
Bientôt c’est le 1er mai et vous allez voir la jeunesse camerounaise en train de célébrer la fête du travail. Et pourtant dans notre pays il n’y a que le « travaillement »…
On « travaille » sur les malades
Ça ne veut pas dire qu’on les embauche hein, attention ! Mais ça veut dire qu’on les éloigne de l’hôpital. Ça veut dire qu’on n’a plus du tout confiance en la médecine occidentale, et qu’on va emmener nos patients chez les faux pasteurs, les marabouts, les prêtres, les guérisseurs traditionalistes, etc.
Je sais de quoi je parle. Puisque j’ai une voisine en face de mon portail qui « travaille » sur les épileptiques. On raconte aussi qu’elle peut réhabiliter les handicapés et les sourds-muets ; qu’elle peut redonner la vue aux aveugles, et qu’elle peut aussi te permettre de te débarrasser définitivement de toute ta malchance…
Au fait, le « travail » sur les malades veut simplement dire que tu es un charlatan et que tes techniques de guérison sont totalement inintelligibles ! Mais nous on s’en fiche, puisque mes compatriotes vont simplement te vénérer et ils vont raconter partout que tu es un spécialiste du « travaillement ».
On « travaille » sur les artistes
Ça ne veut pas dire qu’on leur remettra leurs droits d’auteur hein, attention ! Rien à voir ! Surtout que la plupart de nos artistes sont des chômeurs endurcis en réalité, et que certains parmi eux s’étaient carrément autoproclamés musiciens… Tsuip !
Mais on « travaille » sur les artistes. Ça veut dire que si tu es un humoriste de rue ou bien de bars, il y a certains soûlards qui vont te verser des piécettes dans ta casquette si tu réussis à les faire sourire. Si tu es un dessinateur ou bien un peintre, eh bien tu n’auras rien ! Si tu es un poète comme mon ami Pierre La Paix Ndamè on pourra peut-être te recruter à la Maison de la Culture. Si tu es un cinéaste ou bien un réalisateur qui vend ses propres CD-DVD au marché central en compagnie de ses acteurs histrions, eh bien ton long-métrage ne vaudra que le prix de la bière ! Et si par bonheur tu es un griot, un rappeur de sous-quartier ou encore un hurluberlu comme le pseudo-chanteur Nyangono du Sud, tu auras peut-être quelque chance d’être invité à un éventuel mariage ou alors à un enterrement.
Mais au fait, le « travail » sur un artiste c’est lorsqu’il monte sur le podium pour effectuer sa prestation, et que des inconnus lui balancent de l’argent comme pour se démontrer à eux-mêmes qu’ils sont réellement de vrais mélomanes…
On met les gens au travail
De quel travail je vous parle au juste ? Parce que depuis que je courtise certaines Camerounaises, il y en a qui ne font que me tourner comme le couscous et c’est cette manœuvre-là qu’on appelle aussi ici « mettre quelqu’un au travail. »
Il ne s’agit pas d’un emploi en réalité. Il s’agit de quelqu’un qui te fait réfléchir ou bien qui te donne de faux espoirs. Il s’agit d’une épreuve que l’on te soumet pour t’embrouiller. Il s’agit de la vengeance d’une araignée ou bien d’une panthère. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une manipulation perverse, entre quelqu’un qui veut te faire stresser avant de te promettre une récompense, ou alors quelqu’un qui veut te faire galérer durablement avant de ne pas te doter de la moindre compensation…
On ne nous donne pas le vrai travail
Et donc, on ne nous donne pas du tout de vrai travail ici au Cameroun. On ne nous paye pas bien. On ne nous paye pas régulièrement. On ne nous assure pas. On ne nous rassure pas. On ne nous augmente pas. On ne nous promeut pas. On ne nous distingue pas. On ne nous donne pas le vrai travail, tout simplement…
Au Cameroun il y a surtout le recrutement par népotisme. Il y a encore beaucoup d’entreprises qui sont restées tribalistes. Il y a les licenciements abusifs qui ne sont presque jamais réparés. Il y a de nombreux Camerounais qui sont rémunérés au simple SMIG (environ 50 euros), et il y a surtout de nombreux employés qui ne sont pas reconnus par la CNPS et qui ne vont jamais bénéficier de notre succédané de sécurité sociale…
Et donc, on ne nous donne pas le vrai travail. Le chômage est devenu majoritaire. Les jeunes ne choisissent plus leur profession de leur propre gré. Les plus courageux se lancent dans l’entrepreneuriat ou la création d’entreprise, et même si ça ne marche pas ça flattera au moins leur égo surdimensionné. Les Camerounais sont de véritables bosseurs mais ils n’ont pas de vrai métier puisqu’ils sont des bendskineurs, des sauveteurs, des call-boxeuses, des serveuses, des ménagères, des vendeuses de piment, des laveurs de voitures, des pasteurs, des démarcheurs, des jongleurs, des blanchisseurs, des photocopieurs.
Ils n’ont pas de vrai métier puisque certains sont même devenus des blogueurs.
Au Cameroun il n’y a pas de travail hein, mais il y a toujours le « travaillement »
Bientôt ce sera le 1er mai et vous allez voir la jeunesse camerounaise en train de célébrer la fête du travail. Et pourtant dans notre pays il n’y a que le secteur informel…
Au Cameroun il n’y a pas le travail car de nombreux jeunes sont des contractuels, des temporaires, des personnels intérimaires voire des prestataires individuels.
Au Cameroun il n’y a pas le travail puisque l’âge de la retraite dépend de la personnalité de celui qui occupe le poste fictif.
Au Cameroun il n’y a pas réellement de l’emploi à vrai dire, puisque la majorité de mes concitoyens sont exclusivement des débrouillards.
Mais le 1er mai vous les verrez en train de défiler avec un t-shirt luisant sur les épaules, et vous les rencontrerez dans la soirée avec de nombreuses bouteilles de bière. Certains salariés seront en train de féliciter leur employeur (surtout les fonctionnaires), mais la plupart des gens que vous croiserez seront très certainement des opportunistes et des chômeurs.
Et pourtant dans ce pays-ci il n’y avait pas seulement le travaillement auparavant…
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