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© L'OEIL DU SAHEL : Raoul Guivanda
- 26 Oct 2017 01:52:09
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CAMEROUN :: BOKO HARAM : La Dgre libère Abdallah Adamou :: CAMEROON
L’ex-négociateur camerounais pour la libération des otages détenus par Boko Haram a recouvré la liberté le 23 octobre 2017.
Ce 24 octobre 2017, Abdallah Adamou, joint au téléphone par la rédaction de L’oeil du Sahel, confirme sa libération. Mais impossible d’en savoir plus, l’intéressé ne veut pas en dire plus en coupant la conversation. L’épais brouillard qui entoure la remise en liberté, la veille, de ce négociateur camerounais impliqué dans la libération de nombreux otages occidentaux détenus par Boko Haram n’est pas près de se dissiper. Que ce soit celle de la famille Moulin-Fournier en avril 2014, des trois religieux de Tchéré le 31 mai 2014, des Chinois enlevés à Waza le 10 octobre 2014, du groupe de 17 otages camerounais comprenant entre autres l’épouse de l’actuel vice-Premier ministre Amadou Ali ou encore de l’Allemand Nitsch Eberhard en janvier 2015, le sulfureux homme d’affaires a été de toutes les tractations.
Ou presque. Une seule libération d’otage en effet, notamment celle du père Georges Vandenbeusch enlevé en novembre 2014 à Nguetchewé et libéré le 31 décembre de la même année, n’est pas marquée de son empreinte. Dans les bonnes grâces des autorités, heureuses de renforcer la position du Cameroun sur la scène internationale par «la politique des otages», sa bonne étoile commence à pâlir en 2015. Cette année, sous la pression des services de sécurité de certains pays dont les ressortissants avaient été pris en otage par Boko Haram et libérés grâce au tandem Abdallah-Abba Malla, l’étau commence à se resserrer petit à petit autour de lui, lui qui expose bruyamment des signes extérieurs de richesse qui alimentent les conversations dans les chaumières.
«Il menait la vie grand train et a été d’une grande imprudence. Avec lui, il ne fallait pas trop réfléchir pour comprendre que l’économie de la prise d’otages tournait à plein régime. Après la libération de la famille Moulin-Fournier, il aurait, selon divers services spécialisés, effectué des virements en France qui ont attiré l’attention. En plus, quand vous ajoutez à cela le fait que ce soit lui qui a pris des contacts nécessaires pour la libération de l’otage allemand, Nitsch Eberhard, enlevé au Nigeria en juillet 2014 et remis plus tard aux autorités camerounaises par la secte Boko Haram, il était clair que sa position auprès de la secte était pour le moins privilégiée. Il était donc dans le collimateur de plusieurs services», affirme une source sécuritaire. Dans un premier temps, son passeport lui est retiré. Et en mars 2016, il est arrêté par des éléments de la Direction générale de la Recherche extérieure (Dgre) où il sera détenu jusqu’à sa libération.
INTERROGATIONS
Pourquoi a-t-il été alors remis en liberté ? «Il était difficile de le traduire devant un tribunal sans se risquer à de graves révélations sur des secrets d’Etat. On n’amène pas au tribunal des négociateurs d’otages. Il a été arrêté pour d’autres raisons que celles de la manifestation de la vérité», poursuit une source. Dans ces conditions, il est tout à fait possible que l’arrestation d’Abdallah Adamou ait eu pour objectif, audelà de glaner des informations toujours utiles à une meilleure compréhension du fonctionnement de la secte, de le soustraire temporairement de la circulation.
«Il connaît beaucoup trop de choses. De plus, comment cela aurait été possible d’aller plus loin sans compromettre le député Abba Malla avec qui il formait un tandem lors des négociations supervisées depuis la présidence de la République ? Comment aussi le garder plus longtemps sans le mettre à la disposition d’un juge et sans s’attirer les foudres des organisations des droits de l’homme ? C’était une équation difficile qui ne pouvait conduire qu’à sa libération», affirme Abdourahaman, une connaissance d’Abdallah, assis devant sa boutique à Mora et qui dit attendre impatiemment son retour. A Mora où la nouvelle de la libération d’Abdallah et de ses acolytes meuble les discussions, le moins que l’on puisse dire est que la décision des autorités est sérieusement contestée. Et pour cause : dans la vague des personnes libérées le 23 octobre 2017 à la suite d’Abdallah Adamou, pèsent sur certains de graves soupçons de collusion avec la secte terroriste.
D’abord Logoné Mahamat, bras droit d’Abdallah Adamou. Interpellé à Maroua quelques mois avant l’arrestation de son mentor, cet homme né à Limani dans le Mayo-Sava est, en réalité, l’élément clé entre les négociateurs camerounais Abdallah et Abba Malla et la secte terroriste. «Il connaît de nombreux commandants de Boko Haram pour les avoir côtoyé de près par le passé. S’il est resté dans l’ombre lors des différentes négociations, c’est en partie parce qu’il ne bénéficiait pas de la confiance d’Abba Malla et de ses mentors. Mais c’est lui qui faisait le nécessaire en back office. Il connaît du beau monde chez Boko Haram», relève Alifa, originaire d’Amchidé et installé depuis 2013 à Maroua.
L’autre suspect libéré qui fait grincer les dents n’est personne d’autre qu’Harouna Abakar. «Il avait été arrêté parce que soupçonné d’être impliqué dans le rapt des religieux de Tchéré en avril 2014. La religieuse canadienne, Giberte Bussière, souffrait d’une maladie rare. Un de ses médicaments n’était disponible que dans une seule pharmacie de Maroua et c’est là qu’elle se le procurait. Elle l’était d’ailleurs l’unique cliente. Après son enlèvement, Harouna serait venu à quelques reprises dans la même pharmacie se procurer le même médicament, donnant ainsi une piste aux enquêteurs», révèle une source. D’autres suspects plus ou moins importants ont également été relâchés par la Dgre.
C’est le cas d’Abdoulaye Abba Malla. Utilisé parfois comme chauffeur par Abdallah Adamou, ce fils du député Abba Malla, autre négociateur camerounais dans les prises d’otages, avait été arrêté en novembre 2014 à Mora par des éléments du Bataillon d’intervention rapide (BIR) qui le soupçonnaient d’entretenir des rapports avec la secte terroriste. «Il a été arrêté à Mora. Un jour, il avait été aperçu sur l’axe Mora-Kousseri au volant d’un pick-up neuf. Le véhicule, suivi à la trace, n’est jamais arrivé jusqu’à Waza et lui, entre temps, est rentré à Mora à bord d’une moto. Il n’a pu dire où et à qui il avait laissé la voiture. Lors d’une perquisition au domicile de son père au quartier Waladé à Mora, quelques semaines après son interpellation, il a été découvert un autre pick-up avec la même immatriculation que celui qui avait disparu des radars quelques jours plus tôt.
Il a été évident pour nous qu’Abdoulaye utilisait une même immatriculation pour plusieurs véhicules», explique Mahama, un habitant de Mora. Ousmane, interpellé en décembre 2014 en même temps que le policier Ibrahim Alhadji alias Alhadji Marie, a également été relaxé. Mécanicien à Mora, lui aussi était soupçonné d’entretenir des relations coupables avec Boko Haram. Son compère Ibrahim Alhadji auprès de qui il officiait comme chauffeur, n’a pas recouvré la liberté. Et pour cause, il est mort en détention. Au moment de son interpellation, il souffrait d’insuffisance rénale. Avec cette vague de libérations, transparaît au grand jour la complexité de la lutte contre le terrorisme.
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