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© Correspondance : Charles Ngah Nforgang (CP)
- 05 May 2017 16:51:32
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Cameroun,Retro - Mbanga-Pongo: La deuxième mort des passagers du Boeing 737-800 :: CAMEROON
Les épaves du Boeing 737-800 de la Kenya Airways, les os des victimes du crash et d’autres souvenirs disparaissent progressivement du site de la catastrophe.
La forêt de mangrove a cédé la place à un lotissement très sollicité. Les ferrailleurs n’ont pas encore trouvé l’astuce pour récupérer les quelques compartiments de l’avion, lourds à transporter. Mais pour combien de temps leur résisteront-ils ? Un drôle de décor qui s’est substitué au monument promis par le gouvernement en souvenir des victimes, mais jamais réalisé.
Il n’y aura bientôt plus dans la mangrove de Mbanga-Pongo, la moindre trace de la chute du Boeing 737-800 de la Kenya Airways survenue en une nuit du 4 au 5 mai 2007 avec 105 passagers et 9 membres de l’équipage à bord. Autrefois difficile d’accès, la forêt de mangrove où s’était écrasé l’avion a disparu laissant place à une savane. Le sol bien qu’encore meuble l’est beaucoup moins qu’il y a huit ans. Il faut néanmoins toujours se servir d'une canne pour le jauger et retrouver le bonendroit où poser les pieds.
Plus de trace ici de chaussures, de vêtements, de sacs qu’on retrouvait éparpillés en ces lieux au lendemain du crash. Quelques os ont été entassés à environ cinq mètres du grand cratère causé par la chute de l’avion et dans lequel une bonne partie de l’engin avait été ensevelie. Ledit cratère s’est transformé en un dangereux lac dont nul ne peut prévoir la profondeur. Des feuilles mortes et une rare végétation de mangrove recouvrent sa superficie comme un piège posé sur le chemin de potentielles proies. Gare à quiconque s’aventurerait sur ce danger que rien n’indique à première vue.
Tout près, un réacteur du Boeing 737-800 s’offre à la vue. L’éclat du métal laisse penser qu’il pourrait encore servir. Il est comme protégé deux mètres plus loin par un compartiment de l’avion s’achevant sur une gente sur laquelle une des roues de l’avion se serait autrefois greffé. Et puis rien. Pas d’autre élément indiquant qu’en ce lieu 114 personnes de nationalités et de statuts différents y ont laissé leur vie. Aucun monument, aucune stèle en mémoire des victimes. Aucune pancarte non plus, ou toute autre matérialisation humaine de ce site devenu tristement célèbre. Une balade à plus de 200 mètres carrés autour du cratère, épicentre de la chute du Boeing 737-800 de la Kenya Airways permet juste d’apprécier des jalons et des bornes de terrain.
1500 Fcfa le mètre carré de terrain
« On peut dire que le crash de cet avion ici nous a fait du bien, mais que nous aussi, nous sommes en train de lui faire du bien », ironise Alain T., un jeune vendeur de terrain, rencontré non loin du site et occupé à convaincre des clientes à acheter un lopin de terre. Il se vante d’être celui-là qui a chassé la forêt de mangrove à l’aide de machettes, en compagnie d’autres jeunes recrutés pour la cause. « Aujourd’hui, les gens peuvent facilement accéder au site du crash et bientôt toute la zone sera habitée et ses habitants ne manqueront pas de raconter l’histoire de ce crash », soutient-il.
En effet, la chute de l'avion a donné bien des idées à la communauté Bonanloka, qui se revendique propriétaire du village Mbanga-Pongo. La descente dans ce village de nombreuses autorités et le profilage de la route qui y menait a poussé de nombreux Camerounais en quête d’un lopin de terre à en solliciter un ici. Les terres situées sur l’axe principal où avait eu lieu la cérémonie d’hommage aux victimes ayant été totalement cédées, leurs propriétaires se sont attaqués à la bretelle longue de plusieurs kilomètres et d’une superficie de plusieurs hectares qui abrite le site du crash du Boeing 737 800.
Des jeunes gens ont alors été recrutés pour tuer la mangrove à l’aide de machettes et engager un début de viabilisation du site. Des engins ont même été sollicités pour créer une grande rigole afin de drainer les eaux et solidifier les sols marécageux de la zone. Les clients se bousculent depuis lors pour acquérir des lopins de terre au prix de 1500 Fcfa le mètre carré. Les vendeurs de la zone du crash annoncent avoir néanmoins tenu compte des promesses faites par le gouvernement camerounais pendant la cérémonie d’hommage aux victimes de cet accident.
Ils soutiennent alors avoir circonscrit et exclu de la vente une superficie de 200 mètres carrés à partir du lac de cratère. « Nous avons prévu cette superficie pour un éventuel monument que le gouvernement voudrait construire en ce lieu en mémoire des victimes», soutient André T., qui se présente comme l’homme de main du chef de la Communauté Bonanloka.
La démission du gouvernement et la fin des souvenirs
Accéder sur le site du crash est désormais relativement aisé, mais pas à la portée du premier venu. La route en latérite qui part du carrefour de l’ancienne station Tradex à Boko pour Mbanga-Pongo est un parcours de combattant. Seuls de solides motos ou encore des véhicules tout terrain, s’y aventurent. Après avoir bravé de nombreuses mares d’eau sur la route dont certains ont une profondeur d’un mètre, le trajet s’arrête pour les engins au lieu-dit Marché Populaire de Mbanga-Pongo.
Il faut alors continuer le trajet à pied ou encore braver sur environ 500 mètres du sable mouvant dans lequel s’enfoncent systématiquement les motos. Les voitures n’osent prendre le risque. Finie cette étape, il faut encore marcher sur environ trois kilomètres pour atteindre le site du crash. Bien plus, il faut se faire accompagner par un guide, car aucune matérialisation, ni une quelconque indication n’est inscrite sur le trajet et encore moins sur le site même. « Lors de la cérémonie d’hommage aux victimes de ce crash, le gouvernement avait promis construire sur le site du crash, un monument en hommage aux victimes. Une mission venant de Yaoundé avait même fait un tour ici, suivie plus tard par une descente de l’ancien préfet Okalia Bilai, aujourd’hui gouverneur de la région du Sud-ouest. Jusqu’aujourd’hui, rien n’a été fait », regrette Melinga Abat, Chef du quartier Mbanga-Pongo. Cet auxiliaire de l’administration fait par ailleurs remarquer que depuis plus de cinq ans, aucune autorité n’a visité Mbanga-Pongo.
Des personnes ayant perdu des proches dans cet accident entreprennent pourtant chaque fois de visiter le site du crash pour commémorer la perte de l’être cher. Les plus téméraires arrêtent leur parcours au niveau du marché populaire de Mbanga-Pongo où elles déposent souvent des gerbes de fleurs. « Il y a trois mois une famille blanche constituée de trois personnes est arrivée jusqu’ici et a déposé plusieurs gerbes de fleurs sur ce palmier qui se trouve pourtant à plus d’un kilomètre du site du crash », se rappelle Rafiatou, un témoin de la scène. Elle ajoute que cette famille ne pouvait pas aller plus loin à cause de l’état de la route et du risque de s’aventurer sur ce lieu qui demeure malgré tout lugubre. Pour elle, l’Etat aurait dû aménager la route et construire un monument bien entretenu en ce lieu qu’il serait devenu un vrai site touristique.
Le chef de Mbanga-Pongo garde malgré tout l’espoir de voir ce rêve se réaliser. « Peut-être que je ne serai plus de ce monde, mais cela va permettre à d’autres générations de se souvenir de cet accident qui a fait mourir plusieurs personnes tout près de nous », souhaite-t-il.
Top ou tard, le réacteur du Boeing et le compartiment portant une des roues de l’avion encore visibles sur le site du crash aujourd’hui disparaitront à coup sûr, comme d’autres pièces. Les « chasseurs » de la ferraille qui s’y aventurent déjà auront trouvé la solution pour les scier et les emporter. Emportant aussi les derniers souvenirs physiques du Boeing 737-800.
NB: Papier publié pour la première fois sur camer.be le 05 mai 2015. Les faits étant toujour d'actualité
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