Catastrophe ferroviaire au Cameroun : Bolloré visé par deux plaintes en France
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Catastrophe ferroviaire au Cameroun : Bolloré visé par deux plaintes en France

Des victimes de l'accident qui avait fait 79 morts et 550 blessés attaquent en justice pour "homicides volontaires" le groupe Bolloré, actionnaire majoritaire du chemin de fer camerounais. Un rapport d'expert met en cause l'exploitant.

Une nouvelle pierre dans le jardin de Vincent Bolloré. D'après nos informations, le groupe Bolloré est visé par des plaintes, notamment pour "homicides volontaires", déposées en France par des représentants des victimes de la catastrophe ferroviaire du 21 octobre 2016 près de la gare d'Eseka, à 200 kilomètres au sud de Yaoundé, la capitale du Cameroun. L'accident avait fait 79 morts et au moins 550 blessés. Le train appartenait à la Camrail, une filiale camerounaise du groupe Bolloré, à hauteur de 77,4%.

Après ce drame, le Syndicat professionnel des conducteurs de train du Cameroun et le Comité de libération des prisonniers politiques (organisation d'opposition camerounaise basée en France) vont déposer, cette semaine, des plaintes contre X, notamment pour des "faits d'homicides volontaires et de mise en danger de la vie d'autrui", a indiqué à "l'Obs" l'avocat des plaignants, Maître Stéphane Bobé Enguéléguélé.

Le précédent du naufrage de l'Erika

Ces plaintes vont être déposées auprès du tribunaux de Nice, d'où est originaire une des victimes françaises tuée dans l'accident de train, ainsi que du tribunal de Saint-Nazaire, où vivait la victime française blessée dans la catastrophe, nous précise Me Bobé Enguéléguélé. Même si la plainte est déposée contre "X", c'est bien la Camrail, le groupe Bolloré et "les actionnaires capables d'infléchir sa politique de sécurité", c'est-à-dire l'Etat du Cameroun (13,5% de la Camrail), qui sont clairement visés.

En effet, les plaignants mettent en cause "la gouvernance du secteur du transport ferroviaire par l'Etat du Cameroun", ils s'interrogent sur "les conditions" dans lesquelles la Régie nationale des chemins de fer camerounais a été "privatisée",  sur la concession "renouvelée" ainsi que sur "certaines obligations à la charge du concessionnaire" (la Camrail) qui ont été "manifestement méconnues". S'appuyant sur la jurisprudence du naufrage du pétrolier "Erika", où la maison-mère avait été jugée responsable des agissements de sa filiale, les plaignants estiment que les actionnaires de la Camrail,  le groupe Bolloré,  doivent répondre de leur filiale, la Camrail, et donc de l'accident.

Des plaintes pour "homicides involontaires" avaient été déposées début février au tribunal de Nanterre, juridiction du groupe Bolloré dont le siège est à Puteaux (Hauts-de-Seine). Mais le parquet de Nanterre s'était dit incompétent car les victimes françaises de l'accident ne dépendaient pas de sa juridiction. Une nouvelle plainte visant la Camrail et le groupe Bolloré sera déposée à Nanterre "sur le volet financier" du drame, indique Me Enguéléguélé. Le train, qui assurait la liaison entre Yaoundé et la capitale économique Douala, était bondé lorsqu'il a déraillé. Il circulait à une vitesse "anormalement élevée", avait noté un haut responsable de l'entreprise Bolloré.

Défaillances techniques

Ces plaintes interviennent alors que la presse a publié un des quatre rapports d'experts réalisé dans le cadre d’une enquête officielle commandée par le président camerounais Paul Biya. Selon ce rapport, authentifié par l'auteur, l’opérateur ferroviaire Camrail est "totalement et pleinement responsable" de la catastrophe ferroviaire meurtrière d’Eseka.

"L'expert qui a rédigé ce rapport est en conflit avec la Camrail qui l'a licencié", contre-attaque Michel Calzaroni, chargé de la communication du groupe Bolloré. "Ses conclusions ne seront pas nécessairement reprises par le rapport définitif que nous attendons", assure-t-il.

Le document publié fait état d’une série de défaillances techniques et administratives par Camrail qui auraient contribué à l’accident. La filiale de Bolloré n’aurait pas respecté les limites en termes de capacité et de poids devant l’augmentation exceptionnelle du nombre de passagers ce jour-là.

"Il n’y avait pas de situation de force majeure, et nous n’avons pas noté non plus de cause externe. La catastrophe est en conséquence totalement imputable à Camrail et à ses dirigeants au plus haut niveau", est-il écrit dans le rapport de l'expert, Benoit Essiga.
"La survitesse du train n’est que la conséquence des défaillances techniques connues de longue date, des erreurs graves et des décisions inconséquentes qui ont été prises lors de la formation du train et de son départ de la gare de Yaoundé, alors que son système de freinage était gravement défaillant", poursuit le document.

Le train n’avait pas fait l’objet d’une inspection avant le trajet et 13 de ses 17 wagons étaient équipées de systèmes de freinage inadéquats, selon le rapport, qui ajoute que les responsables de Camrail ont ignoré les mises en garde du personnel sur ces défaillances techniques.

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