Afrique : Y a-t-il un problème anglophone au Cameroun?
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Comme pour tous les sujets, il y a plusieurs réactions et approches que l’on peut avoir; éventuellement des (pistes de) solutions envisageables. Pour autant, toute réflexion sur ces questions doit procéder à la fois des faits et des ressentis, mais aussi des motivations et du sens philosophique que l’on veut imputer aux analyses y afférentes. La triste et révoltante situation des régions anglophones du Cameroun, depuis quatre mois déjà, doit pouvoir nous interpeller.

Pour rappel, on a assisté depuis fin Novembre 2016, à des mouvements d’humeur lancés par des Avocats, puis par des enseignants, prétextés par des revendications liées à leur anglophonie. Pour les premiers, la traduction des documents juridiques et pour les seconds, la marginalisation de leur sous-système éducatif.

Sur le fond, la revendication porte sur une réminiscence : celle du fédéralisme. Aussi lointain que le référendum de 1961 où le territoire national a été amputé suite à un choix de certains de rejoindre le Nigeria plutôt que le Cameroun. Des élites anglophones, politiques, économiques estiment que les anglophones sont structurellement et institutionnellement marginalisés et ce, dans plusieurs domaines du pays (économie, finance, enseignements, justice, administration, etc.)

Dans cette nation d’Afrique centrale, les anglophones constituent une minorité, environ 20 pour cent des 20 millions d'habitants du pays, et la plupart vivent dans les deux régions anglophones du pays, les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest.

Les anglophones ont été nommés essentiellement à des postes subalternes pour assister les francophones, même là où ces derniers ont été moins qualifiés ou incompétents. Tel est le dilemme des anglophones au Cameroun. 

En juin 1990, John Ngu Foncha, le principal architecte de l'Etat fédéral, a démissionné du gouvernement, affirmant que "les dispositions constitutionnelles qui protégeaient la minorité anglophone ont été supprimées, ses voix noyées..." 

Economiquement, les anglophones se sentent également exploités. "Le pétrole du Cameroun vient de la région du Sud-Ouest. Comment se fait-il que le réseau routier dans la région ait été abandonné?", a demandé John Fru Ndi, le leader de l'opposition anglophone du 'Social Democratic Front' (Front social démocrate - SDF), lors d'un rassemblement à Buea (sud-ouest), dans la période précédant l'élection présidentielle d’octobre 2011 au Cameroun. 

Il a également critiqué violemment les administrations francophones successives d’avoir tué la dynamique de l’économie du Cameroun britannique. "Des petites et moyennes entreprises dans la région, telles que l'Agence de développement de l’ouest du Cameroun, 'Power Cam', et 'West Cameroun Marketing Board', ont été détruites", a-t-il indiqué à ses partisans lors du rassemblement. 

Les anglophones ne sont pas non plus d’accord avec ce qu'ils perçoivent comme pratiques discriminatoires à propos des recrutements dans la fonction publique. Des années plus tard, rien n'a vraiment changé. Les statistiques du ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative indiquent que sur les 25.000 jeunes détenteurs de certificat recrutés dans la fonction publique en 2011, moins de 1500 étaient anglophones. Cela, soulignent les auteurs, a créé chez les anglophones "le sentiment d'être recolonisés et marginalisés dans toutes les sphères de la vie publique et donc d'être des citoyens de seconde classe dans leur propre pays". 

Pourtant, le gouvernement nie qu'il existe un problème anglophone au Cameroun. Par contre, sa stratégie a été d'utiliser la violence d'Etat contre les groupes sécessionnistes. Et certains de l'élite anglophone ont été cooptés dans le gouvernement (jouant les second rôles) pour minimiser l'existence d'un problème. 

La question anglophone est une véritable épine dans le système politique camerounais. Si le malaise commence à s’exprimer réellement dans la première moitié des années 80, il remonte aux premières heures de l’indépendance.

Lorsque le Cameroun devient indépendant le 1er janvier 1960, la situation de la partie anglophone (sud-ouest et nord-ouest du pays), autrefois sous la tutelle de la Grande-Bretagne, n’est pas réglée. D’où la réunification du 1er octobre 1961, qui voit la création de la République fédérale du Cameroun, avec deux Etats fédérés, le Cameroun occidental (anglophone) et le Cameroun oriental (francophone).

11 ans plus tard, le président de l’époque, Ahmadou Ahidjo, dans l’objectif de centraliser davantage l’Etat, et donc de renforcer son pouvoir, propose un référendum pour créer un Etat unitaire. C’est la naissance, le 20 mai 1972, de la République unie du Cameroun; et ce jour devient la fête nationale du pays.

Dès lors, le processus de centralisation du pouvoir qui a vu les deux Etats fédérés du Cameroun oriental et du Cameroun occidental se fondre en République unie, en 1972, est finalement apparu aux anglophones comme une politique d’assimilation culturelle à leur encontre par la majorité francophone.

Les revendications seront d’abord d’ordre culturel. Le Cameroun est un pays bilingue, mais les anglophones s’insurgent contre l’obligation qui leur est faite de parler le français, même dans leur région, alors que l’inverse ne s’applique pas aux francophones. Puis, tout cela se déplace sur un terrain politique: ils s’estiment sous-représentés dans les différentes sphères de l’Etat.

Lorsque devenu président en 1982, Paul Biya décide, deux ans plus tard, de modifier la Constitution, et de supprimer l’adjectif «unie» et de revenir à l’appellation République du Cameroun (le nom du Cameroun francophone avant la réunification), c’est la bronca chez les «anglo», comme on les appelle dans le pays. Plusieurs mouvements se forment pour revendiquer la partition.

En décembre 1999, le SCNC ( Southern Cameroon National Council), mouvement indépendantiste, a même fait sensation, en déclarant symboliquement l’indépendance de la partie anglophone du pays. Il a hissé un drapeau dans la petite ville portuaire de Limbé, dans le sud-ouest.

Là, aussi, le choix de cette ville ne devait rien au hasard. Car, les enjeux ne sont pas seulement politiques et culturels. Ils sont aussi économiques. Les anglophones estiment qu’ils sont assis sur des richesses, exploitées à leur détriment par les francophones. En plus de ses ressources halieutiques, la ville de Limbé est une région minière et pétrolifère qui abrite le siège de la Sonara (la Société nationale de raffinage). Autant dire, une mine d’or.

Pendant ce temps, comment l'Etat camerounais gère t-il ce conflit?

Quant au gouvernement, il a manifesté son mélange habituel de mauvaise foi et d’actions sporadiques.

Si les étudiants de Buea obtiennent gain de cause au sujet de leurs plaintes (paiements des frais, sans frais additionnels), si le ministre Esso finalise des travaux entamés depuis 1997 sur la traduction des actes uniformes OHADA et les remet en grande pompe au bâtonnier, précisant que cela fait suite aux «revendications des confrères», si désormais les communications officielles de la Présidence, remises aux journalistes en anglais, arrivent en même temps que celles en français, on devrait saluer ces attitudes, mais, elles sont insuffisantes, surtout quand on sait qu'une véritable chasse à l'homme est engagée dans les régions anglophones du pays par le pouvoir de Yaoundé pour martyriser les leaders anglophones et les populations.Qu’avons-nous fait des jeunes assassinés par la soldatesque de Monsieur Biya dans les régions anglophones du Cameroun ? Les rassemblements publics interdits par les administrations publiques ne sont pas applicables au RDPC, parti-Etat. Les réseaux Internet demeurent coupés dans les régions anglophones du pays. Une manière de cacher aux yeux du monde l’horreur vécue par les populations locales.

Il existe des personnages comme particulièrement Issa Tchiroma, le porte-parole du gouvernement et son légendaire talent «entubatoire». M. Issa Tchiroma, c’est l’homme qui vous fait croire que vous êtes riche alors que vous êtes endetté. Le digne successeur du professeur Kontchou Kouomegni, pour qui notre respiration serait presque due à la bonne volonté du Président de la République, nous a donc expliqué que les accusations sur les violations sur les droits de l’homme émises par les Etats-Unis, certaines ONG ou simplement par des témoignages Camerounais, n’étaient pas fondées. Et pour cause, «les autorités administratives et les forces de maintien de l’ordre ont fait preuve de retenue et de professionnalisme»… Sacré Issa. Comme disait l’autre, «tu nous manquerons» quand tu ne seras plus en poste. En attendant, faut juste regarder les vidéos postées par des citoyens et autres blogueurs pour réaliser qu’il n’en pas été le cas.

Somme toute, on peut dire que les populations dites «anglophones» expriment pour la énième fois les ressentiments de l’ensemble des populations camerounaises à qui le régime impose une élite corrompue en lieu et place des actions de développement. La sortie durable de crise est la création de mécanismes d’inclusion politique et économique des différentes populations.

Au Cameroun, il y a un problème d’accès aux ressources, de confiscation de pouvoir, de part de gâteau pour parler trivialement, de la majorité des camerounais, où qu’ils soient, quels qu’ils soient. Mais, dans la régions anglophones du Cameroun, il faudra y faire un tour pour comprendre l'autre réalité de la facette des problèmes du Cameroun. 

Face à la kyrielle de questions, y a-t-il un problème anglophone  au Cameroun? Telle est la question de la semaine

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