Bonaventure Ndikung, un Camerounais passeur d’art au cœur de l’Europe
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Bonaventure Ndikung, un Camerounais passeur d’art au cœur de l’Europe :: CAMEROON

La carte de visite de Bonaventure Soh Bejeng Ndikung indique deux adresses : l’une en Allemagne, à Cassel, l’autre en Grèce, à Athènes.

Pourtant, ce n’est dans aucune de ces deux villes que le commissaire d’exposition indépendant fixe ses rendez-vous en ce début juin. Mais à Berlin. Et dans un lieu improbable. Direction le nord de la ville, à l’ancien crématorium reconverti en espace de création artistique. Peut-être le seul au monde sur la porte duquel il est demandé aux visiteurs de ne pas faire de bruit après 22 heures pour ne pas déranger les voisins !

C’est que l’élégant Camerounais, 40 ans l’année prochaine, reçoit beaucoup. Le 3 juin, plus d’un millier de Berlinois ont participé au vernissage du nouvel événement culturel qui, durant plus d’une semaine, mêle exposition, performances artistiques et débats sur le thème « Divinités, supra-réalités et exorcisme de la sorcellerie », auquel collaborent près d’une quarantaine d’artistes et d’intellectuels.

Associer des personnalités issues d’univers géographiques et culturels différents est la marque de fabrique de ce fils d’anthropologue qui, avant de se consacrer à l’art, avait obtenu un doctorat en biotechnologie médicale.

Installé à Berlin depuis 1997, « parce que l’Allemagne était moins chère que la France et que ma famille, anglophone, n’était pas très francophile », Bonaventure Ndikung y a ouvert en 2009 Savvy, un « laboratoire d’idées » permettant notamment de confronter l’art occidental et aux arts venus d’ailleurs. « Jusque-là, en Allemagne, l’art contemporain était quasi exclusivement occidental. Nous, nous montrons systématiquement des œuvres occidentales, africaines et asiatiques », explique-t-il.

« Politique et poétique »

Savvy n’est d’ailleurs pas qu’un lieu d’expositions. C’est aussi une bibliothèque qui met à la disposition du public d’anciens numéros de revues africaines consacrées à la politique ou à la culture. De véritables trésors que l’on ne trouve nulle part ailleurs en Allemagne ni même parfois en Afrique. « Le destin de ces livres n’est pas de finir ici. Nous les digitalisons pour les renvoyer sur le continent », ambitionne l’intellectuel qui se définit comme un « fils spirituel » d’Achille Mbembe, penseur du post-colonialisme.

Malgré un soutien plutôt chiche des pouvoirs publics allemands, Savvy est devenu au fil des années une véritable institution, un lieu incontournable des échanges culturels entre l’Allemagne et l’Afrique. Son bilan est suffisamment éloquent pour que, en 2015, le Polonais Adam Szymczyk, directeur artistique de la prochaine Documenta, la grande exposition d’art contemporain qui se tient tous les cinq ans à Cassel (Hesse), ne demande à Bonaventure Ndikung d’en être l’un des commissaires.

A moins d’un an de l’ouverture de la 14e édition, en avril 2017, le curateur, d’habitude prolixe, se fait discret sur le choix en cours des artistes et des œuvres. Tout juste consent-il à dire que la future Documenta sera « politique et poétique ». D’ailleurs, au grand dam des Allemands, la Documenta se déroulera d’abord à Athènes durant cent jours avant de s’installer à Cassel. D’où la carte de visite binationale. Un choix politique audacieux. Pour Adam Szymczyk comme pour son futur bras droit, la « périphérie », en l’occurrence la Grèce, aura un temps d’avance sur le centre de l’Europe.

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