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© Correspondance de : Ludovic LADO, Jésuite
- 16 Nov 2015 00:00:00
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LA FRANCE PLEURE DES CENTAINES… L’EST DE LA RDC PLEURE DES MILLIONS !
Vous me pardonnerez cette imposture, mais indignation oblige ! Après le choc et l’émotion en France, il faudra bien se poser les vraies questions si le monde veut guérir de la violence. Quelles sont nos vraies valeurs, l’égale dignité de tous les êtres humains ou le dieu de l’argent ? Une vie humaine qui se perd par le fait de la violence d’un autre être humain est de l’ordre de « l’injustifié et de l’injustifiable », pour emprunter une expression de Paul Ricoeur. L’article premier de la déclaration universelle des droits de l’homme, qui tient lieu aujourd’hui de consensus moral de l’humanité, stipule que « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » Fraternité ? Réalité ou utopie ! Un drame comme celui de Paris doit être l’occasion de faire mémoire de toutes les victimes de toutes les formes de terrorisme dans le monde. Et il n’y a pas que le terrorisme djihadiste. Un terrorisme peut en cacher un autre, plus cruel d’ailleurs !
En effet, n’oublions pas que le terrorisme djihadiste n’est que la conséquence du terrorisme structurel qui sévit dans le monde et fait des millions de victimes, parmi les plus faibles et les plus pauvres. Les attaques terroristes comme ceux de Paris sont de l’ordre de la réaction, réaction des victimes du terrorisme structurel mondial dont la frustration a fini par obscurcir l’esprit. Alors, ils répondent à la violence structurelle par la violence meurtrière directe doublée d’une hallucination eschatologique aux allures religieuses. Oui, l’ordre économique et politique mondial est violent, d’une violence structurelle qui broie des vies humaines en douce, loin des caméras et des médias. Cette violence structurelle est un terrorisme qui ne dit pas son nom, un terrorisme de loin plus cruel que celui des djihadistes. Il est cyniquement orchestré par l’hypocrisie de ce qu’on a convenu d’appeler « communauté internationale » mais qui en réalité n’a rien d’une communauté, d’une fraternité. C’est une jungle policée où la loi du plus fort est la meilleure, où les puissants dictent avec formes et manières la conduite à tenir. Les faibles n’ont alors que la violence comme réponse à la violence subie. C’est ce terrorisme structurel qui engendre le terrorisme djihadiste. On peut écraser Daesh, mais d’autres naîtront si l’ordre politique et économique mondial bâti sur l’iniquité, sur la loi du plus puissant et gouverné par le dieu de l’argent ne se remet pas en cause.
Nos médias sont passés maîtres dans l’art de choisir les vies qui comptent. La vie d’un Israélien ne vaut pas celle d’un palestinien, celle d’un congolais ne vaut pas celle d’un américain ou d’un français, etc. dans ces médias à la solde des jeux d’intérêts et de pouvoir. On évalue à près de 6 millions le nombre de congolais qui sont morts dans une autre forme de terrorisme à l’Est de la RDC, le terrorisme politico-économique. Ils ont littéralement été sacrifiés au commerce du coltan, un marché florissant dont le monde devrait avoir honte. Mais que vaut la vie d’un congolais, d’abord aux yeux des congolais eux-mêmes, ensuite aux yeux des Africains en général dont l’irresponsabilité collective est devenue légendaire et enfin aux yeux de la dite « communauté internationale » dont les médias ne parlent pas assez de ce commerce du coltan et d’autres divinités minières auxquelles les compagnies extractives sacrifient des vies humaines pour alimenter l’industrie du téléphone portable, des tablettes et des ordinateurs. Chaque coup de fil que nous faisons est entaché du sang de ces six millions de congolais mort dans l’anonymat. Que de vies perdues ! Que de femmes violées ! Que de survivants traumatisés ! Mais les affaires continuent. D’ailleurs, ce terrorisme est bon pour les affaires ! Ce type de terrorisme est couvert par l’hypocrisie de la « communauté internationale », ou du moins par notre complicité passive, mais surtout par l’irresponsabilité collective des Africains.
C’est cette même hypocrisie de la « communauté internationale » qui facilite la circulation des armes qui échouent aux mains des djihadistes et autres terroristes dits rebelles. Le jour où cette « communauté internationale » mettra sur pied une initiative internationale crédible de transparence dans le commerce des armes, on pourra la prendre au sérieux. C’est un autre marché opaque, justement parce que florissant et juteux, qui se nourrit du sang humain, surtout des faibles et des pauvres. N’oublions pas que La France, par exemple, est en 5ème position, après les États-Unis, la Russie, la Chine et l’Allemagne dans la vente des armes. Et le plus gros client de la France ces derniers temps a été l’Arabie Saoudite connue pour ses soutiens multiformes au terrorisme. Qui arme Daesh, Boko Haram, Shebabs, etc. ? Avec quoi arrivent-ils à dérouter des armées nationales et internationales ? Qui les finance ? Peut-on jouer à la fois au pyromane et au sapeur pompier ? Le désordre en Lybie, en Syrie, en Irak, pour ne citer que les cas les plus dramatiques, qui en est responsable ? Combien de vies innocentes y ont été perdues ? Qui en parle ? Quelle est la part de la course des puissants au pétrole et aux autres ressources naturelles dans ce chaos ? Quelles sont nos vraies valeurs, la dignité humaine ou l’argent ?
Le réchauffement climatique qui sera au cœur des débats à COP21 à Paris, comme le terrorisme djihadiste, est aussi de l’ordre de la réaction, cette fois-ci de notre mère nourricière, la nature, à la même violence structurelle de l’ordre politique et économique mondial. Mais les humains sont-ils prêts à se remettre en cause pour substituer à la folie destructrice du consumérisme actuel une hygiène de vie qui permettra au cosmos de guérir des ses blessures ? Il ne faut pas s’attendre à des miracles dans l’immédiat, car le dieu de l’argent a envahi non seulement les bourses mais aussi les cœurs. L’homme est-il vraiment un être rationnel ? Pourquoi est-il si incohérent ?
La communauté mondiale souffre d’un déficit de leadership éthique, parce que ceux qui dictent les lois sont les premiers à ne pas les respecter. Cette incohérence doublée d’iniquité est une forme de violence qui secrète de la frustration dont le terrorisme n’est qu’une des formes d’expression. En d’autres termes, bien que le terrorisme djihadiste soit « injustifié et injustifiable », il n’est qu’une réaction à l’ordre politique et économique mondial injuste, à ce terrorisme structurel mondial qui broie des vies humaines au quotidien et dans l’anonymat, loin des médias à la solde des empires politico-économiques. La répression ne suffira pas, seule la justice fondée sur l’égale dignité de tous les êtres humains de la planète sera une solution durable au terrorisme, à la violence tout court ! Après le choc et l’émotion, COP21 peut être l’occasion de se poser les vraies questions, car seule la vérité rendra l’humanité entière libre. C’est une responsabilité collective. Nous sommes désormais tous liés, et si nous n’apprenons pas à vivre ensemble dans la justice qui engendre la paix, « nous mourrons tous comme des idiots », pour emprunter une expression de Martin Luther King.
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