Lauréat de la Fondation Prince Claus, le cinéaste camerounais parle des enjeux du prix qui sera décerné le 2 décembre prochain.

Vous faites partie des lauréats 2015 de la Fondation Prince Claus d’après un communiqué publié le 3 septembre dernier à Amsterdam (Pays-Bas). Que peut-on retenir de cette récompense ?
Ce que je retiens est qu’en opérant un retour au Cameroun après avoir vécu auxUSA, en France, etc. j'acceptais l'idée de quitter tous les systèmes qui peuvent aider un cinéaste dans sa carrière. Pire encore, je n'ai pas fait comme mes collègues qui sont tous devenus des porte-paroles de régimes respectifs parfois pas fréquentables; oubliant qu'ils ont un métier noble qui nous exige de n'être que dans un seul camp, celui du vrai et du beau. Donc, je n'attendais rien comme récompense, car dans le cinéma, par exemple, pour être produit, il faut être dans le système. Pour aller àCannes, il faut être dans le système, pour recevoir un prix, là encore il faut être dans le système; car le système n'est pas là pour améliorer le monde dans lequel on vit, le système n'est pas là pour résoudre nos problèmes d'Africains; bien au contraire! Il en est très souvent la cause. Voilà pourquoi je n'en attendais rien. Mais à mon grand étonnement, il y en a qui justement comme le Prince Claus, a créé un espace de reconnaissance pour cela.

C’est quoi le Prix Prince Claus?
Quand onm'a fait savoir que j'allais recevoir le Prince Claus Awards, que je connaissais déjà comme un prix prestigieux de l'ordre du prix Nobel dans les arts, je suis allé sur internet pour en savoir plus.Ils disent que Les Prix Prince Claus sont décernés à des artistes et des intellectuels en reconnaissance de l’excellence de leur travail et de l’impact de leurs activités culturelles sur le développement de la société. La qualité du travail est une condition sine qua non pour recevoir un Prix Prince Claus. Cette qualité est évaluée dans le contexte professionnel et personnel des lauréats, et en fonction des répercussions positives de leur travail dans les domaines culturels et sociaux. Les Prix Prince Claus récompensent des qualités artistiques et intellectuelles, la recherche et l’innovation, l’audace et la ténacité. Ils visent à apporter un encouragement aux leaderships qui sont une source d’inspiration et à accroître les effets positifs de l’expression culturelle sur la société.

Le Prix Prince Claus 2015 sera décerné le 2 décembre 2015 au palais royal àAmsterdam, en présence de membres de la famille royale des Pays-Bas. Serez à ce rendez du septième art ?
Ce n'est pas un rendez-vous du 7eme art, comme ils le disent si bien. Les Prince ClausAwards sont des prix pour la culture définis de  manière large, car ils sont ouverts à toutes les disciplines intellectuelles et artistiques et restent en relation avec le développement. C'est donc un rendez-vous de toutes ces choses à la fois. Bien sûr que j'y serai, d'abord pour représentermon pays le Cameroun,mais aussi pour recevoir ce prix que je dois bien ramener ici... comme les Lions faisaient à l'époque où ils gagnaient encore...Mais nous dans le cinéma, on sait que personne ne nous donnera les milliards du football pour donner nous aussi la fierté au Cameroun.

Quel est l’enjeu visé par les films de Jean-Pierre Bekolo qui bouleversent totalement les conventions cinématographiques ?
Le cinéma que nous faisons jusqu'ici n'est pas notre cinéma. Notre cinéma doit encore trouver sa forme, son contenu et son langage. Il ne nous parle pas encore vraiment, mieux, il ne nousmontre rien. Si lesmilliers de films nigérians produits chaque année n'ont pas pu nous montrer Boko Haram, qu'estce qu'un cinéma qui ne montre pas? Un cinéma qui ne nous permet pas de voir? Il reste à définir et c'est cela le véritable enjeu. Et on le définit en cherchant sa forme et son contenu.