En Namibie, la politique se conjugue au féminin
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En Namibie, la politique se conjugue au féminin :: NAMIBIA

Imaginez un pays où quasiment la moitié des députés sont des femmes. Où les ministres des Affaires étrangères, des Finances, de l’Intérieur et du Travail sont des femmes. Où ce sont, encore, des femmes qui dirigent la capitale, et deux des trois principales régions du pays. Non, ce pays n’est pas le Danemark, ni même en Europe du Nord. Ce pays, c’est la Namibie.

Aux élections du 28 novembre, a été mis en place un système électoral original, baptisé « le système du zèbre ». Zèbre, comme noir et blanc, pour les rayures, sur le pelage de l’équidé. Mais aussi comme pour homme et femme, pour une égalité des sexes dans la politique du pays. C’est simple, une forme de quota.
On l’appelle aussi « fermeture éclair ». Chaque liste présentée au Parlement doit compter autant d’hommes que de femmes. Chaque ministre homme a, pour vice-ministre, une femme (et inversement). Et, dans le même temps, à chaque poste occupé par un homme doit succéder une femme.
Formée au maniement du fusil

Le résultat ne s’est pas fait attendre. Derrière les colonnes blanches et les murs jaune savane de l’Assemblée nationale, ce sont désormais 40 femmes qui siégeront, pour 56 hommes. Leur proportion est passé de 25% à 42%. Avec 26%, la France est loin derrière... La Namibie, 126ème, fait jeu égal avec le Danemark (39 %) ou la Suède (44%).
« Tout le pays est aujourd’hui mobilisé ! », s’enthousiasme Agnès Kafula, maire de Windhoek, la capitale du pays, et fraîchement élue au Parlement. « Beaucoup d’hommes pensent que notre place est en cuisine, mais les Namibiennes veulent aujourd’hui participer, devenir pilote, faire des maths et de la politique », assure d’une voix forte cette vétérane de la lutte pour l’indépendance, formée au maniement du fusil et à la guérilla révolutionnaire.
Le système du zèbre, initié il y a 5 ans, n’a pourtant aucune existence légale. « Il n’a pas été incorporé à la Constitution, ni même à la nouvelle loi électorale, détaille Nangula Shejavali, responsable du projet Election Watch pour la Namibie. Aujourd’hui, personne ne sait si le président va choisir une femme pour le poste de vice-président, ni si la parité va être respectée au gouvernement. » Au niveau local, la situation est d’ailleurs plus contrastée. Seules 12% des régions sont aujourd’hui dirigées par des femmes.
Ravalement de façade

Le système du zèbre est en fait une initiative unilatérale du SWAPO (South West Africa People's Organization), le parti au pouvoir depuis l’indépendance en 1990. L’organisation a inscrit le « système du zèbre » dans ses statuts internes, mais pas dans la loi. Le SWAPO tire sa légitimité du sang versé dans la lutte d’indépendance contre le colonisateur sud-africain. La relative stabilité du pays, allié à un quadrillage minutieux, lui assure des scores soviétiques aux élections, avec une bonne cuvée 2014.
Aux législatives, sa liste a récolté 80% des voix, son candidat à la présidentielle 86%. Le premier parti d’opposition n’enverra que 5 députés au Parlement, contre 77 pour le SWAPO. Calcul intelligent du parti au pouvoir : « Le SWAPO a mis en place le « zèbre » pour attirer des électeurs, insiste Rosa Namises, directrice de Women Solidarity, association engagée pour le droit des femmes en Namibie. La situation économique ne s’améliore pas, avec la pauvreté, le pouvoir et l’argent dans les mains d’une petite élite. »
Le système du zèbre servirait, selon elle, de ravalement de façade pour un parti vieilli, au pouvoir depuis un quart de siècle, dans un pays où un tiers de la population vit avec moins d’un dollar par jour. D’autant que les élues au Parlement sont loin d’être des révolutionnaires. « Les députées sont, soit des novices, soit des anciennes de la guérilla. Malheureusement, les personnes les plus susceptibles de susciter le changement sont des hommes », commente Johnatan Beukes, journaliste à The Namibian, principal quotidien du pays.
« Des moqueries contre moi »

Une des nouvelles élues, Lucia Lipumbu, 38 ans, ancienne cheffe des jeunes du SWAPO, l’admet d’ailleurs sans problème : « Ce n’est pas parce que je suis jeune et que je suis femme que je vais faire des propositions radicales au Parlement. » Zèbre ou pas, la frontière est profonde entre les verts jardins du Parlement et la société réelle.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, un tiers des Namibiennes subissent la violence de leur partenaire. Léa, 41 ans, élève seule son enfant : « C’est très dur pour moi, les salaires ne sont pas égaux. Il y a sans arrêt des regards, des moqueries contre moi dans la rue. Être indépendante et femme, en Namibie, ce n’est pas accepté. 

© Source : Le Monde

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