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© Camer.be : Propos recueillis par Flore Honga
- 06 Jan 2015 01:11:28
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Cameroun - Santé : Pierre Abé Noah, "La médecine traditionnelle n'est pas incompatible à la médecine conventionnelle" :: CAMEROON
Face à la recrudescence des pathologies qui étaient hier encore totalement inconnues de la majorité des camerounais, les patients atteints de certaines de certaines maladies graves, au regard du coût élevé des traitements exigés dans les hôpitaux, font de plus en plus recours à la médecine traditionnelle. Entre tradition et modernité, la bataille entre les différents praticiens fait rage. Nous sommes allés à la rencontre de Pierre Abé Noah herboriste installé dans la cité politique depuis plusieurs années. Dans son cabinet qui ne désemplit presque jamais, l’homme reçoit les malades venant d'horizons divers.
Bonjour Mr Pierre Abé Noa, vous êtes herboriste exerçant dans la ville de Yaoundé avec un agrément délivré par une association reconnue par le ministère de la Santé publique, qu'est ce qu'un herboriste?
Un herboriste est un thérapeute qui soigne à base des plantes médicinales ou des plantes alimentaires.
Comment devient-on herboriste?
Il faut avoir une expérience dans la la tradition médicinale, avoir soigné beaucoup de malades et jouir d’une popularité dans la communauté. On acquiert une renommée qui vous amène à être accepté par une association des tradi-praticiens reconnue par le ministère de la Santé Publique. On peut donc jouir du titre d'herboriste, dès lors qu'on a ce certificat d'agrément qui vous permet d’exercer ce métier légalement.
Depuis combien de temps exercez-vous?
J'exerce depuis 1990, quand j'ai rejoint le laboratoire Fournier où j'ai servi en même temps comme chimiste de pharmacie; et par ma formation d’agro-alimentaire, j'ai beaucoup plus été attiré par les plantes, sans oublier les bons souvenirs de la médecine traditionnelle de chez moi que je garde de mes parents, de mes grands parents et de tous ceux qui dans notre environnement ont exercé ce métier.
Parlez-nous de votre parcours académique et professionnel
Je suis titulaire d'un diplôme d'ingénieur en agro-alimentaire. Je suis également titulaire d'un master en chimie-biologique (chimie médicinale). Actuellement je suis en formation Doctorale (PHD) de pharmacologie, option médecine générale, spécialité neuro- psychopharmacologie et chimiothérapie. Je suis cette formation à la faculté des Sciences médicales de base de l'université de Calabar au Nigeria. A côté du métier d'herboriste que j'exerce avec passion, je mène des recherches académiques qui, aujourd'hui me donnent l'occasion de démontrer que la la médecine naturelle est aussi intellectuelle que la médecine dite moderne.
Quelle différence faites-vous entre un herboriste, un naturopathe, un diététicien et un médecin ?
Le naturopathe est supposé soigner avec tous les moyens que la nature offre à tout thérapeute. Il est à la fois herboriste, diététicien, chiropraticien etc... C'est pourquoi la naturopathie est difficile à exercer, car elle requiert une bonne maîtrise de tout ce que j'ai cité plus haut.
Le diététicien est spécialisé dans le suivi de l'alimentation des malades. Il est chargé d' aider, grâce à l'alimentation, à la prévention et la guérison de certaines maladies. Le médecin lui, a appris la biologie humaine, comprend le processus de développement d'une pathologie. Il devrait pouvoir, à l'aide des substances chimiques ou à l'aide des extraits concentrés sous forme de médicaments, soigner le malade. Qui dit donc médecin, dit médecine officielle, dit chimie en pharmacie comme support de traitement, tel que conventionnellement défini. Ce qui renvoie à la notion de dosage des produits que le malade prend. A la notion de pharmacocinétique, c'est à dire, en combien de temps un produit peut agir. Cela renvoie également à la notion d'effets secondaires étudiés dans tous les détails, aux fins d' assurer au malade, un traitement beaucoup plus sécurisé.
Quel type de maladie soignez-vous?
Nous soignons des maladies fonctionnelles (dysfonctionnement cardiovasculaire), des maladies liées au délabrement d’organes ( infections microbiennes, tumeurs). J'ai eu par mon expérience d’herboriste, la chance de découvrir qu'il est possible à l’aide des plantes, d'avoir des produits à effets immédiats sinon, aussi profonds que les produits de chimiothérapie.
Où se situent vos rapports avec l'ordre national des médecins ?
Les rapports entre les herboristes camerounais et l'ordre national des médecins sont quasi inexistants. Du fait du mépris que les derniers affichent envers les premiers. Le médecin se comporte comme s'il n'était pas né d’une tradition médicinale. Lui, qui devait servir de guide à l'herboriste et lui permettre de valoriser ses travaux, plutôt rejette curieusement ce dernier. Dans le même temps, l'herboriste semble ignorer que la médecine officielle reste la seule médecine d'urgence et des traitements aiguës
Nous pensons qu’il y’ a complémentarité entre les deux médecines. L’herboristerie, servant à limiter les toxines induites par les médicaments chimiques, et les médicaments facilitant la guérison rapide du malade. Malheureusement, les acteurs de ces deux domaines s'attaquent et s'affrontent mutuellement au détriment des malades.
Les herboristes ont-ils des compétences particulières si oui lesquelles?
L'herboriste du village n' a pas appris les différents types de pathologie tel qu'enseigné dans les facultés de médecine. Par conséquent, il ne saura pas ce qu'est un cancer ni comment agit un virus dans l'organisme. Il ne peut que s'appuyer sur des symptômes similaires à ceux des maladies qu'il aurait soignées précédemment. Sous ce prisme, nous convenons avec les médecins que les herboristes doivent se rapprocher de la médecine conventionnelle afin de pouvoir établir des diagnostics fiables. Ceci permettra de définir de mieux en mieux la compétence et l'efficacité de certaines potions faites par des herboristes. Par contre, ceux qui ont des connaissances en biologie ou en chimie méritent d'avoir beaucoup plus d'audience. D'où, la nécessité pour notre pays de concevoir des programmes de formations afin que nous ayons des herboristes de relais entre la tradition et la médecine. Ce qui faciliterait la maîtrise des mécanismes d'actions de la majorité des remèdes traditionnels administrés aux malades.
Votre dernier mot.
Nous souhaiterions que le gouvernement conçoive et mette en œuvre des programmes de formation d’herboristes et tradi-praticiens prêts à servir aux côtés des médecins. Pourquoi ne pas en faire une particularité camerounaise?
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