Manassé Aboya Endong : « Nous sommes au cœr d'une manipulation politique »
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Professeur,  une  certaine  ONG,  l’OCCRP pour ne pas la nommer, vient de commettre un « rapport » sur les voyages du président de  la  République  à  l’étranger. Celui-ci a été repris de manière concomitante  par  certains  médias  qui  en  font  une  sorte  de tirs  groupés.  Que  peut  cacher un tel déploiement ?
Comme de nombreux observateurs camerounais, j’ai pris connaissance du rapport de cette ONG dénommée «  Organized Crime  and Corruption Reporting Project » (OCCRP) qui a fait  un  focus  tapageur  sur  les voyages  du président  de la  République à l’étranger, insinuant par la même  occasion  l’idée  d’une  criminalisation de son règne sur le dos du contribuable camerounais. En effet,  la  référence  à  ses  35  ans  de pouvoir consacrés aux voyages onéreux est assez révélatrice de ce que nous sommes au cœur d’une manipulation politique  destinée  à  déstructurer le lien entre un chef d’Etat et  son  peuple. 

Chaque  fois  qu’un leader de cette envergure est visé par la mafia internationale, on assiste toujours à ce type de suggestions téléguidées, notamment par le biais des informations  surréalistes, dramatisées à dessein pour conditionner les opinions publiques à se révolter contre ce dirigeant. En clair, on est en présence du déroulé d’un agenda de  déstabilisation  programmé,  qui cible davantage les pays comme le Cameroun, où les opinions publiques sont  déstructurées,  faibles  et  extraverties.  Pire,  ces  opinions  publiques sont mal encadrées par un tissu  médiatique  poreux,  sans  capacité  de  filtrage  ou  de  discernement, et qui relaye ces informations dans un suivisme moutonnier.

On remarque néanmoins que de telles publications interviennent très souvent à la veille d’importantes échéances électorales au Cameroun. Pourquoi ?
La surenchère informationnelle atteint généralement son paroxysme au  cours  des  années  électorales. L’année 2018 étant une année électorale par excellence au Cameroun, c’est tout naturellement que la communication par embuscade dévoile ses  facettes  les plus  inattendues, l’objectif étant d’affaiblir un adversaire redouté par tous les moyens, qu’ils soient conventionnels ou non conventionnels. Malheureusement, parce  que  tirée  par  les  cheveux, cette communication par embuscade laisse  également  transparaître  le jeu d’alliances entre certains entrepreneurs  étrangers,  espérant  les gains post-présidentiels, et leurs relais ou complices locaux.

En effet, depuis  la  présidentielle  de  2004, et plus précisément celle de 2011, la diversification de la coopération internationale en faveur de la Chine a permis au chef de l’Etat camerounais  d’avancer  de  manière  significative dans le financement des projets structurants. Cette option à elle seule  est  explicative  de  cette  offensive haineuse contre la gouvernance actuelle, perçue par  les  entrepreneurs étrangers comme susceptible  de  perdurer  en faveur de ce  soutien  inespéré  vers  l’émergence.

En tant qu’universitaire, quelle  appréciation faites-vous de la méthodologie utilisée par cette ONG  pour  aboutir  à  un  tel  « rapport » ?
La  méthodologie  déclinée  par  les enquêteurs  de  cette  ONG  laisse transparaître des anomalies effroyables de par son atypisme, dès lors qu’elle  s’inscrit  abusivement  dans la seule référence au quotidien gouvernemental camerounais, qui n’est en rien un support de comptabilité des  dépenses  liées  aux  voyages présidentiels. À vrai dire, cette méthodologie  apparaît  davantage comme un fétiche justifiant les résultats préalablement commandés. Et pourtant, dans un contexte d’infobésité,  c’est-à-dire  de  surabondance d'informations, les processus de  validation  de  l'information  requièrent la mise en application d'une méthodologie efficace.

En effet, la finalité d'une bonne méthodologie de recherche est de faciliter la production d'un travail d’enquête alliant la  richesse  documentaire  et  la  rigueur  scientifique.  Elle  s'articule généralement  autour  des  aspects tels que : la préparation de l’enquête, la sélection des sources d'information, la localisation des documents, l’évaluation  de  la  qualité  et  de  la pertinence des  sources et la  mise en place d’une veille documentaire. Ce minimum requis est absent dans la méthodologie convoquée par cette ONG…

A  votre  avis,  quelle  peut  être la pertinence d’une enquête sur les déplacements d’un seul chef d’Etat ?
La  pertinence  d’une  enquête  sur les  déplacements  d’un  chef d’Etat n’édifie personne si elle se borne à faire des devinettes sur les sommes dépensées dans la restauration ou les  frais  d’hôtel,  etc.  Elle  pourrait être plus pertinente, si elle permet- tait  la  lisibilité  des  déplacements présidentiels  par  rapport  aux  performances diplomatiques, politiques ou  économiques.  Ainsi  perçus,  ils mobilisent un protocole conséquent et une organisation complexe et relativement coûteuse. On pourrait à première vue juger qu’ils sont une perte de temps, d’argent et d’énergie.

Cette critique est d’ailleurs mise en évidence dans tous les pays démocratiques. Mais en réalité, cette critique est désincarnée, car les rapports  interpersonnels  entre  chefs d’Etat et l’enjeu symbolique des déplacements sont porteurs d’un poids politique non négligeable, en termes de résolution des conflits, de négociation de  la paix  ou d’affirmation d’une amitié bilatérale. Malheureusement,  l’enquête  de  l’OCCRP  ne s’inscrit nullement dans une trajectoire  informative,  mais  davantage apocalyptique 

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