Cameroun: Un forum de la diaspora camerounaise peut en cacher un autre!
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Cameroun: Un forum de la diaspora camerounaise peut en cacher un autre! :: CAMEROON

« Vous connaîtrez la vérité et elle vous rendra libres» (Jn 8, 32). Un forum de la diaspora camerounaise (FODIAS)organisé par le gouvernement camerounais vient de se tenir à Yaoundé le mois dejuin dernier. Faisant partie ces dernières années de la diaspora camerounaise et ayant été impliqué de très près dans l’initiative de cet autre Forum international de la diaspora camerounaise qui n’a finalement pas pu se tenir ni à Ouagadougou ni à Abidjan à cause des interventions liberticides du régime de Yaoundé, une parole de vérité s’impose dans le respect des faits. Le FODIAS devait-il se tenir nécessairement aux dépens de cette autre initiative ? Pourquoi le gouvernement camerounais a œuvré assidûment dans l’ombre pour empêcher cet autre forum de la diaspora ? Quelles leçons en tirer ?

Qu’un Etat, comme le Cameroun, cherche à collaborer avec sa diaspora sur les projets de développement, c’est tout à fait normal. Le Cameroun est même en retard ! En la matière, d’autres pays comme le Sénégal et le Mali semblent bien plus avancés que le Cameroun alors qu’ils n’ont pas nécessairement le même niveau ressources humaines diasporiques que nous. Notre diaspora foisonne de compétences qui ne demandent qu’à être valorisées. 

Mais pourquoi avons-nous estimé nécessaire d’organiser un autre Forum de la diaspora alors que le gouvernement camerounais s’activait à préparer le sien?

Tout simplement parce qu’il nous a semblé que dans les conditions politiques et éthiques actuelles, une telle collaboration effective était vouée à l’échec. Pourquoi rassembler la diaspora pour parler seulement de projets de développement et non de l’environnement politique, du code électoral, des conditions de transparence des prochaines élections au Cameroun, etc.? Revient-il au gouvernement de fixer l’agenda de sa collaboration avec la diaspora camerounaise ? Voilà donc la charrue mise avant les bœufs, et nous sommes bien ici dans la logique de l’enfumage dans laquelle s’inscrivent bien d’autres fora que le régime de Yaoundé a organisés ces dernières années à coût de centaines de millions si pas de milliards.

Il y a une autre raison pour laquelle nous avons pensé et continuons de penser à la tenue d’un autre forum de la diaspora camerounaise, celui d’une diaspora indépendante qui finance elle-même son forum. Elle en a les moyens si elle le veut. Si la diaspora camerounaise veut se positionner comme interlocuteur et collaborateur fiable et respecté du gouvernement camerounais, elle doit d’abord s’organiser elle-même en créant des synergies solides et durables. Ce n’est pas encore le cas et je peux le dire avec certitude après m’être frotté à elle depuis quelque temps. Elle est traversée par les mêmes fragmentations qui fragilisent les synergies politiques et civiques au Cameroun.

Le fait que la diaspora camerounaise soit plurielle n’est pas un problème en soi. Le problème est qu’elle soit encore incapable de créer des synergies fortes pour s’imposer comme interlocuteur incontournable face au régime de Yaoundé.  Ceci dit, cet autre Forum de la diaspora qui n’a pu se tenir ni Ouagadougou ni à Abidjan à cause des pressions de Yaoundé est toujours en préparation mais cette fois-ci pour l’Europe. L’idée est d’aborder les préalables politiques à la contribution structurée de la diaspora camerounaise à la renaissance du Cameroun. Une diaspora non organisée qui va à la rencontre d’un régime comme celui de Yaoundé perd du temps et des ressources, et je regrette que des compatriotes intelligents se soient prêtés à un tel exercice.

Enfin, pourquoi le régime de Yaoundé a tenu à torpiller l’autre forum de la diaspora camerounaise ? Là aussi une parole de vérité s’impose et passe par la restitution de quelques faits. La diaspora camerounaise de l’Occident, malgré sa fragmentation, a déjà eu à organiser quelques fora avec plus ou moins de réussite, et souvent dans des conditions difficiles.

Quand nous avons pensé à organiser cet autre forum au regard des défis sociopolitiques auxquels le Cameroun est aujourd’hui confronté, il fallait choisir un lieu, et des compatriotes de l’Afrique ont proposé plusieurs pays : Ouagadougou, Rwanda et Ethiopie. Le Cameroun était d’office exclu pour des raisons qu’on peut maintenant comprendre, notamment la maigre marge de libertés politiques dont on dispose au Cameroun aujourd’hui quand on est une force sociale indépendante du régime de Yaoundé. Toujours est-il qu’après un vote électronique, Ouagadougou a été retenu pour les dates du 25 au 27 mai 2017. Quelques compatriotes basés en Occident avaient alors attiré l’attention des uns et des autres sur le risque que l’on prenait dans un contexte où la solidarité de gouvernants africains en matière de non-respect des libertés publiques reste une réalité. Le temps leur a donné malheureusement raison et de ce point de vue, l’Afrique, surtout l’Afrique des anciennes colonies françaises, a encore du chemin à faire en matière de démocratie et de libertés politiques.

Ouagadougou ayant donc été retenu, la cellule de préparation basée à Abidjan a saisi les autorités Burkinabé aussi bien à Abidjan qu’à Ouagadougou. Au départ, ils étaient très enthousiastes. Une mission de prospection a été faite sur Ouagadougou par le responsable du comité d’organisation. Lors de celle-ci, ce dernier a même état reçu par le ministre de l’intérieur burkinabé qui lui a donné toutes les assurances qu’un tel forum était le bienvenu. Le responsable du comité d’organisation a aussi entre autres accordé une interview à un quotidien de la place et, au regard de l’environnement favorable, il a procédé à des réservations logistiques à cet effet. Il restait donc à sécuriser un quitus écrit. Entretemps, le régime de Yaoundé, à travers l’ambassade du Cameroun à Abidjan, va dépêcher une mission à Ouagadougou pour diaboliser les organisateurs du forum auprès des autorités Burkinabé. A un mois, de la tenue du Forum nous n’avions pas toujours pas sécurisé une autorisation formelle.

Saisies de nouveau, les autorités Burkinabé se montreront moins enthousiastes et finiront par nous signifier l’intervention défavorable desautorités camerounaises. Elles nous feront aussi part d’une correspondance reçue d’une association de Camerounais au Burkina Faso qui prétendaient ne pas se reconnaitre dans ce forum et présentait les organisateurs comme des imposteurs hostiles au régime de Yaoundé. On a vite compris que les autorités burkinabe ne voulaient pas se mettre à dos le régime de Yaoundé, avec lequel ils avaient entrepris des démarches diplomatiques dont la concrétisation est bien la récente mission, auprès de Mr Biya, de Mr Thierry Hot, cet autre camerounais devenu conseiller du président Kabore.

Voyant donc les autorités burkinabé hésiter, alors que la date du forum approchait, nous avons décidé d’actionner un plan B, celui de le délocaliser à Abidjan où résidait l’équipe d’organisation. Compte tenu des contraintes de temps, nous pensions pouvoir y compter sur quelques acquis et appuis. Là aussi, tout commence bien, et nous parvenons même à obtenir du directeur de la police nationale ivoirienne l’autorisation écrite pour que les participants prennent le visa à l’arrivée. Mais le répit sera de courte durée. Car, à 10 jours de la tenue du forum, nous sommes convoqués à la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) de la Côte d’Ivoire où nous sommes soumis deux jours de suite par un commissaire de police à un interrogatoire d’au moins trois heures chacun. Nous comprenons alors que l’ambassade du Cameroun à Abidjan était revenue à la charge pour nous décrédibiliser.

En effet, nous avions pris la peine d’informer l’ambassadeur du Cameroun à Abidjan de la tenue d’un forum de la diaspora camerounaise, et ce courrier nous l’avons retrouvé entre les mains du commissaire qui nous interrogeait. Au passage, il nous a été rappelé que le Cameroun venait de contribuer une soixantaine de millions pour l’organisation des jeux de la francophonie de ce mois de Juillet en Côte d’Ivoire et que la Côte d’Ivoire ne saurait se transformer en base arrière de déstabilisation du pouvoir de Yaoundé. Des gros mots pour rien ! A une semaine de la tenue du forum nous avons pris donc la résolution de l’annuler pour limiter les dégâts, au grand soulagement du directeur de la DST qui, en nous recevant à la fin du second interrogatoire, a tenu à nous rassurer que la Côte d’Ivoire n’avait rien contre la diaspora camerounaise et l’idée qu’elle se réunisse à Abidjan.

Seulement, l’idéal, selon lui, est qu’on n’aborde pas des sujets politiques, mais plutôt sociaux et économiques. Je me suis demandé comment on pouvait séparer la politique de l’économique et du social. Peut-être ont-ils réussi cette alchimie durant le FODIAS de Yaoundé ces jours-ci, c’est-à-dire dissocier la problématique des projets de développement des conditions politiques de son effectivité. Dommage qu’une section de la diaspora camerounaise se soit livrée à ce jeu de gaspillage du temps et des ressources.

De tout ceci, on retient que la solidarité de certains gouvernements africains en matière de réflexes liberticides reste bel et bien vivante. Il s’agit là de la diplomatie au sens le moins noble du terme. Mais le combat pour la justice et la vérité continue ! Et dans un contexte comme celui du Cameroun où la vérité n’a pas beaucoup d’amis, l’assassinat de Mgr Bala ainsi que le procès intenté contre le clergé catholique et presbytérien à Bamenda sont des signes des temps à interpréter. 

Aucun Camerounais n’est à l’abri ! Les forces des ténèbres seront toujours à l’œuvre, mais pour ceux qui ont une foi active, elles n’auront pas le dessus sur les forces de la lumière. Mais ces dernières doivent s’organiser habilement pour être plus efficaces. Parce que comme le déplorait le Christ, « Les fils de ce monde sont plus habiles que les fils de lumières » (Lc 16, 8). La diaspora camerounaise indépendante se donne rendez-vous dans les mois qui viennent en Europe pour s’organiser. Elle aura sûrement des recommandations pour le gouvernement de Yaoundé.

 

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