Pour le salut de l’Université Ivoirienne: appel au sursaut de l’Intelligence et du Coeur
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Ivoiriennes, Ivoiriens,Professeurs et Etudiants de Côte d’Ivoire, Chers amis de la Côte d’Ivoire,Ceci est un appel au sursaut de l’Intelligence et du Coeur, pour sauver l’université ivoirienne du Chaos qui sans cesse menace de la faire sombrer dans les annales de l’Histoire académique africaine et mondiale. Le Cerveau est la racine de l’Homme, car c’est du Ciel de l’Esprit que lui proviennent ses énergies les plus subtiles. L’Intelligence émane du Cerveau. Fille donc de la  Sagesse cosmique. Ceci est l’appel de l’Intelligence, ai-je dit, car on ne peut prendre le risque de sacrifier l’avenir d’une génération de jeunes ivoiriens sans prendre le risque de sacrifier l’avenir même de la nation ivoirienne, qui ne pourra se développer, progresser, s’épanouir, qu’en s’appuyant sur des cadres de qualité et une jeunesse rompue aux réalités d’un monde en mutations rapides et en instabilité permanente. 

Le Coeur allie l’intelligence de l’Esprit à celle du Corps. Il est le siège de l’Ame. La vibration de la Vie, qui unit matière et esprit. Ceci est donc un Appel du Coeur aussi car, par-delà les instrumentalisations politiciennes dont le milieu universitaire en général peut être l’objet, quel que soit le pays considéré, ce qui est en cause aujourd’hui, c’est la possibilité même qu’une génération d’étudiants ivoiriens vive jamais de ses qualifications et diplômes. C’est la vie du pays qui est menacée derrière la paralysie de l’Université, lieu où la pensée de l’Universel devrait descendre pour illuminer la cité ivoirienne toute entière. 

Que se passe-t-il donc dans l’Université Ivoirienne? Je voudrais proposer en quelques lignes, mon diagnostic, avant de me risquer à suggérer des solutions aux étudiants, aux enseignants, aux autorités administratives universitaires et politiques, et plus amplement, à l’ensemble de la communauté nationale ivoirienne.

A mon sens, l’Université Ivoirienne souffre de problèmes objectifs et de problèmes subjectifs. J’entends par problèmes objectifs, des difficultés tangibles et indiscutables, que l’observation empirique la plus sincère ne saurait nier. J’entends par problèmes subjectifs, des difficultés liées à la différence des perceptions de l’Université qui s’affrontent dans le champ de l’Université, et plus largement, de la société ivoirienne globale elle-même. 

Problèmes objectifs

Un retard infrastructurel flagrant de l’Université ivoirienne face à la massification démographique accumulées au fil des années chaotiques du passé: malgré les efforts accomplis par le gouvernement Ouattara depuis 2011, il est clair que l’écart entre les besoins des étudiants et enseignants d’une part, et l’offre infrastructurelle de l’Enseignement Supérieur en Côte d’Ivoire est encore trop important. 

Une transition toujours très insatisfaisante entre les diplômes de l’Université Ivoirienne et l’emploi des jeunes en Côte d’Ivoire se traduit par le phénomène massif du chômage endémique des jeunes diplômés ivoiriens, notamment en raison d’une inadéquation persistante entre certaines de leurs formations et le marché du travail.

La persistance d’un syndicalisme et d’un corporatisme violents, irrespectueux du pluralisme des opinions, au coeur de l’Université Ivoirienne, empêche la naissance d’une tradition réelle de négociation et de consensus, entre les syndicats étudiants, les syndicats enseignants et les autorités politico-administratives 

Problèmes subjectifs

Le gouvernement Ouattara estime avec preuves qu’il a fait davantage en quatre ans pour l’Université Ivoirienne que n’importe quel autre gouvernement après le décès du président Félix Houphouët-Boigny, alors que les syndicats étudiants et enseignants estiment, en pointant leurs conditions dégradées de travail, que leurs attentes sont encore largement insatisfaites. La gestion de l’Université fait dès lors l’objet d’avis contradictoires, en fonction des camps retranchés.

Le gouvernement Ouattara se bat comme un beau diable pour affiner le passage de la qualification universitaire à l’emploi, mais les jeunes diplômés ivoiriens et leurs parents, las d’attendre les retombées microéconomiques concrètes de la politique macroéconomique réussie du gouvernement, n’en peuvent plus. La baisse réelle du chômage des jeunes diplômés est donc loin de faire l’unanimité des observateurs du système socioéconomique ivoirien.

Les syndicats étudiants ou enseignants violents et intransigeants, estiment sans doute que rien ne pourra changer en mieux dans l’Université Ivoirienne sans un rapport de forces bien ténu, de nature à entraîner au besoin, un changement de rapport de forces politiques dans le pays tout entier; alors que les syndicats modérés, étudiants et enseignants, croient que des réformes et les négociations bien menées devraient suffire à dégonfler l’abcès universitaire ivoirien, sans nécessaire changement du rapport de forces politiques qui structure actuellement la Côte d’Ivoire.

Devant ces problèmes objectifs et subjectifs, que proposé-je donc? 

Solutions aux problèmes objectifs de l’Université Ivoirienne

Un nouveau plan Alassane Ouattara de redressement définitif de l’Université Ivoirienne, mobilisant les expertises nationale et internationale conjointes, dans le cadre d’une commission mixte ivoire-internationale et de cabinets de gestion mondialement réputés. Le financement de ce plan devra combiner des apports locaux et internationaux, et pourquoi pas, un appel national à contributions exceptionnelles pour le redressement de l’Université. L’e-learning devrait aider à faire rapidement face à la massification étudiante et à déconcentrer massivement les campus d’Abidjan vers l’intérieur. Une taxe sur la formation professionnelle universitaire devrait par exemple être prélevée auprès des grandes entreprises susceptibles de bénéficier des ressources humaines de qualité que l’Université Ivoirienne leur apporterait. Oui, Excellence M. Le Président de la République, cher Doyen Alassane Ouattara, vous avez beaucoup fait, mais il reste encore beaucoup à faire! Le tournant social de votre second mandat se jouera en réalité à l’Université!

Une diversification toujours plus accrue du vivier des compétences professionnelles acquises par les formations, comme l’entreprend actuellement le très hardi ministre chargé de l’emploi des jeunes, Sidi Tiemoko Touré, dont la proactivité et la volonté politiques sont absolument remarquables. L’Université Ivoirienne doit pouvoir dire aux étudiants, dès leur entrée dans ses facultés, vers quels emplois les formations dispensées les destinent. De la même façon, l’Etat et les particuliers employeurs de Côte d’Ivoire doivent continuer de  travailler à mieux anticiper sur les points de chute de la diversité des formés d’une génération ivoirienne. Car le taux de perdition des diplômés pour l’emploi est encore effarant.

Contre la moindre prospérité de l’impunité, la justice et le droit doivent exemplairement disposer des fauteurs de violences sur les campus ivoiriens, avec des peines suffisamment fermes pour décourager la persistance de certains syndicats étudiants et enseignants à faire usage de la violence contre leurs concurrents ou contre ceux qui affirment des convictions différentes des leurs. L’université ivoirienne doit bénéficier des techniques de vidéosurveillance et de forces de sécurité idéalement formées au maintien de l’ordre en pareil contexte, afin d’éviter toute dérive répressive qui invaliderait l’autorité morale de l’Etat dans les campus. Dès lors, la présence de la police sur les campus ivoiriens ensanglantés, incendiés, détruits,  n’est pas un luxe, mais une nécessité, afin que le monopole de la Terreur  ne soit pas échu à un quelconque groupuscule social, qui en profiterait pour terroriser à nouveau la société ivoirienne tout entière.

Solutions aux problèmes subjectifs de l’Université Ivoirienne

La gestion des universités doit devenir de toute urgence un modèle de la transparence requise dans les affaires publiques du pays. Non seulement il est clair que les efforts louables du gouvernement sont réels, mais il est aussi évident qu’ils n’ont pas suffisamment amélioré le sort de la communauté universitaire ivoirienne. Dès lors, ne serait-il pas de bon aloi qu’une communication publique de qualité soit donnée de façon régulière, sur les budgets alloués à chaque université, l’usage qui en a été fait, et les conclusions impartiales des audits de gestion de ces institutions? La transparence de la gestion universitaire ivoirienne peut et doit servir de modèle à celle de toutes les institutions publiques du pays. Ceci réduira  considérablement, à moins de le combler, le fossé de perceptions entre les camps concurrents de l’Université Ivoirienne. Publions les actes de gestion de ces universités et soumettons-les à la critique citoyenne comme à celle des experts! Les soupçons de corruption qui pèsent ici ne relèvent pas tous de l’imagination déplacée des opposants politiques. 

La lutte contre le chômage des jeunes diplômés ivoiriens n’est pas possible sans une mise en ordre du fouillis parfois inextricable que certaines institutions privées suspectes, tout comme les universités publiques délabrées, mettent dans le domaine des diplômes en Côte d’Ivoire. Trop de jeunes gens en Côte d’Ivoire se prétendent malheureusement détenteurs de titres qui ne correspondent pas aux compétences qu’ils suggèrent. La clarification objective des prétentions à la qualification sera l’une des conditions d’une réelle adéquation emploi/formation, en plus de la mobilisation de l’ensemble des acteurs macro et micro économiques pour l’emploi intégral d’une génération ivoirienne avide de succès et de réalisations légitimes.

Les syndicats étudiants et enseignants ivoiriens, doivent tous être amenés, par cette mobilisation nationale de sauvetage,  à prendre conscience que le changement politique, dans un pays démocratique, se fait par les urnes électorales, et non par des mobilisations anarchiques de forces destructrices de la société. Dans un système non-démocratique, comme le fut la Côte d’Ivoire monolithique d’antan, l’Université dut assumer cette fonction de fer de lance du changement politique national. Ces temps sont révolus. Le pluralisme et la démocratie, bien que toujours imparfaits, sont des réalités en Côte d’Ivoire. Ce n’est plus tant aujourd’hui,  à l’Université de changer la république de Côte d’Ivoire qu’à la Côte d’Ivoire républicaine de changer son Université. Pour ce faire, les initiatives syndicales estudiantines et enseignantes qui aboutiraient à enfermer l’université dans la spirale de la violence devront faire l’objet d’un traitement disciplinaire et judiciaire exemplaire. La Charte Universitaire Ivoirienne de la Non-Violence, dans cet esprit, devrait devenir un texte dont la signature obligatoire, tout comme celle des Statuts et Règlements Intérieurs des Universités Ivoiriennes, devraient constituer des bases pour qualifier de manquement au serment et de parjure, tous les actes violents que perpétreraient leurs signataires. Force, dans l’Université, comme dans le pays, doit demeurer à la Loi Juste.

Ivoiriennes, Ivoiriens,

Professeurs, Etudiants de Côte d’Ivoire,

Chers amis de la Côte d’Ivoire,

Telle est ma modeste contribution, devant la déchéance nationale qui hante et détruit chaque jour davantage l’espoir que l’Université Ivoirienne prépare sereinement ceux qui assumeront la Côte d’Ivoire de ce siècle. Si les Idées ici agitées ne vous conviennent pas, proposez-en de meilleures. Si en âme et conscience, elles-vous conviennent, défendons-les ensemble auprès des étudiants, des professeurs, des décideurs politico-administratifs et de la nation ivoirienne entière. Nous aurons contribué ainsi à donner à d’autres générations, la chance que l’Université Ivoirienne a offert à la mienne, car je suis aussi ce que je suis aujourd’hui, grâce à l’Université Ivoirienne, comme des milliers d’autres cadres ivoiriens et africains avant moi. Sauvons l’Université Ivoirienne pour sauver sa Tradition. Et toute véritable tradition n’est rien d’autre que transmission du Sens et de l’Espérance, du passé au présent, vers un brillant avenir. Lecteur, lectrice, pardonnez-moi et imputez à moi et à moi seul, tout excès ou défaut dont ce texte, oeuvre humaine et trop humaine,  serait porteur. Errare humanum est, sed perseverare diabolicum. Et comme le disait la maxime de mon université d’avant mon exil ivoirien, celle du Cameroun:  Sapientia Collativa Cognitio .

Rouen, France, ce 21 juillet 2016

Par Franklin Nyamsi

Professeur agrégé de philosophie
Docteur de l’Université de Lille 3
Ancien Etudiant de l’Université Ivoirienne
Ancien Enseignant de Côte d’Ivoire
Auteur de la Charte Alassane Salif N’diaye pour la non-violence universitaire en Côte d’Ivoire

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