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© Le Jour : Assongmo Necdem
- 17 Jun 2016 08:06:18
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CAMEROUN :: Révision du Code pénal : Comment L. Esso a préparé sa loi :: CAMEROON
Devant le Parlement, le ministre de la Justice va défendre un projet de texte pour lequel il n’a associé ni les corps professionnels, ni les chambres consulaires, ni les groupements d’affaires, ni la société civile…
Voici lancée la polémique sur le projet de loi portant modification du Code pénal au Cameroun. L’existence du texte n’a été révélée qu’après son dépôt à l’Assemblée nationale le 13 juin 2016. Même les corps professionnels de la justice n’étaient pas dans la confidence, du moins de manière formelle. C’est le cas par exemple des huissiers de justice réunis au sein d’une Chambre nationale. Ils sont ceux-là même dont une partie du travail consiste à faire exécuter les décisions de justice. Les avocats aussi n’ont guère été associés.
Leur bâtonnier, Me Jackson Ngnié Kamga, l’a affirmé pour le déplorer : « l’Ordre des avocats au barreau du Cameroun n’a pas été consulté en tant qu’institution. » Les corps professionnels de la justice ne sont pas les seuls ainsi ignorés. Les organisations consulaires aussi. Et le Cameroun en compte plusieurs dont les plus connues sont la Chambre de Commerce, d’Industrie, des Mines et de l’Artisanat (Ccima) ainsi que la Chambre d’Agriculture, d’Elevage et des Forêts du Cameroun (Caefc). Même traitement pour les groupements d’affaires comme le Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) ou le Syndicat des industriels du Cameroun (Syndustricam).
Egalement oubliées, les organisations de la société civile. Idem pour la branche camerounaise de Transparency International, organisation célèbre pour ses études sur la corruption, ce fléau social dont une répression adaptée reste attendue au Cameroun. Aucune consultation même auprès des organismes gouvernementaux comme la Commission nationale anti-corruption ou la Commission nationale des droits de l’Homme et des libertés (Cndhl). « A aucun moment, nous n’avons été approché pour une révision du Code pénal », soutient le journaliste Christophe Bobiokono, membre de ladite Commission, lui qui est rapporteur de la souscommission des droits civils et politique.
Pas de parti politique consulté. Le vice-président du Sdf, Joshua Osih, n’a officiellement entendu parler du projet de loi qu’à l’Assemblée nationale où il siège. De même, plusieurs universitaires, spécialistes du droit, contactés disent qu’ils n’ont jamais été approchés pour délivrer une quelconque expertise. Le bâtonnier des avocats considère l’attitude du gouvernement comme « un mépris à l’égard du barreau ». Me Ngnié Kamga refuse que l’on puisse s’en tenir aux canaux informels par lesquels certains de ses confrères et lui-même ont obtenu le projet de loi après le dépôt de celui-ci à l’Assemblée nationale. « Lorsque les députés ont reçu le texte, certains nous ont approchés pour éclairage. C’est à ce titre que j’ai pris connaissance du texte », précise-t-il.
Voilà, selon lui, la démarche qui aurait dû être cette du gouvernement dès la préparation du texte. « Le bâtonnier a aussi pour rôle de conseiller et d’aider le gouvernement à élaborer les textes de la République », soutient l’avocat. A propos des chambres consulaires, il est connu qu’elles « assument des missions d’intérêt professionnel et des missions de service public » ; en plus « peuvent exercer des missions de consultation ». Ce sont là les termes de la loi n°2001/016 du 23 juillet 2001 fixant leur statut.
Présidence de la République
Rien de tout cela n’a été pris en compte. Le projet de loi portant révision du Code pénal a été préparé au ministère de la Justice. Mieux encore, « c’était une affaire entre la direction de la législation et le ministre (Laurent Esso) », confie une source à la Chancellerie. « J’ai découvert le contenu de ce texte dans les médias, au même que les autres Camerounais », ajoute ce cadre. Dans le circuit d’élaboration des projets de loi au Cameroun, ceux-ci passent forcément par la présidence de la République qui est une étape obligatoire et cruciale.
Il est difficile de dire si le ministre de Justice, Laurent Esso, a préalablement envoyé son texte dans les services du Premier ministre. C’est en tout cas un des niveaux de validation également, selon la description faite par l’ex-secrétaire général de la présidence de la République, Jean- Marie Atangana Mebara, dans livre intitulé Le secrétaire général de la présidence de la République au Cameroun. Entre mythes, textes et réalités.
Le texte de loi a donc été préparé par quelques personnes au ministère de la Justice et à la Présidence. On est loin du schéma des consultations qui ont prévalu dans le passé, lors de la préparation de certains textes au Cameroun. Notamment la loi de 2006 portant création, organisation et fonctionnement d’Elecam, organe en charge des élections. Il en est de même de la loi de 2012 portant Code électoral. Certes cette façon de faire n’a guère prévalu cette fois-ci, mais il n’y a pas de quoi fouetter un chat, pense un magistrat, chargé d’études, qui a travaillé sur le dossier au sein de direction de la législation.
Il défend naturellement la ligne de conduite du ministère de la Justice : « Les avocats et les autres corps professionnels peuvent se plaindre de n’avoir pas été consultés. Les 20 millions de Camerounais peuvent d’ailleurs se plaindre aussi. Peu importe qu’on ait consulté ou pas, le plus important c’est ce qui a été proposé et qui va changer la vie de la population. »
Débat dans le fond
Parlant justement de contenu, le bâtonnier des avocats regrettent que le projet de loi présente des lacunes. Celles-ci auraient pu être évitées si des consultations avaient été menées, croit savoir Me Ngnie Kamga. « Le texte ne prend pas suffisamment en compte les engagements internationaux du Cameroun. La définition de la corruption n’a rien à voir avec celle qui est donnée par la Charte africaine contre la corruption. A propos des chèques sans provision, il y a un règlement de la Cemac, vieux de plus de 10 ans, qui indique les sanctions.
Or des dispositions antérieures demeurent en vigueur au Cameroun. Par ailleurs, le pays n’a toujours pas transposé dans le droit interne plusieurs traités et conventions internationaux dûment ratifiés ». Ces observations sont corroborées par Me Sylvain Souop, autre avocat lui-aussi au barreau du Cameroun. Pour lui, il faut revoir l’immunité des membres du gouvernement, la condamnation à vie pour un détournement de 500 000 F.Cfa.
Cette dernière disposition, vielle de 51 ans, paraît plus que jamais anachronique. Il reste encore à indiquer clairement les infractions à la loi sur le terrorisme. Par ailleurs, si le projet de révision est adapté en l’état, le Code pénal violera désormais la constitution, car on ne saurait fixer de nouvelles peines par voie de décret. Il y a tant à redire sur le texte que Lauren Esso a déjà commencé à défendre. Le bâtonnier des avocats annonce d’ores et déjà que le barreau va utiliser tous « les moyens possibles » pour éclairer la lanterne des députés et des sénateurs.
L’Ordre des avocats tient un conseil extraordinaire ce 15 juin 2016. Sa position sera officiellement donnée. Un comité d’experts sera mis sur pied pour faire des propositions plus profondes. « Si le gouvernement ne nous a pas invités au débat, nous allons nous inviter nous-mêmes », prévient Me Ngnié Kamga.
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