Cameroun: Lettre ouverte à Monsieur Paul Biya, président de la République
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Cameroun: Lettre ouverte à Monsieur Paul Biya, président de la République :: CAMEROON

Monsieur le Président,À l’heure où vos marionnettes vous prient de vous porter candidat à la prochaine élection présidentielle, je vous conseille de vous démettre de vos fonctions de chef de l’État sans délai. Par contre, je ne puis vous faire des recommandations concernant le poste de chef de parti que vous occupez depuis 1985.

Si je vous conseille de rendre votre tablier, c’est parce que la politique du Renouveau national dont vous êtes l’artisan a échoué sur toute la ligne. Elle est incapable de se renouveler. Le Cameroun n’a qu’un seul problème, et ce problème, c’est vous-même. Depuis le 6 novembre 1982, date de votre accession à la magistrature suprême, mon pays est plongé dans une obscurité profonde. Vous êtes en effet le Démon, le prince des ténèbres, l’incarnation du mal. Ôtez-vous du soleil du peuple camerounais !

Quand on est resté longtemps dans l’obscurité, on peut finir par s’y complaire. C’est ce qui arrive à ceux qui vous flagornent. Ils sont comparables aux masochistes. C’est vous qui avez perverti ces gens-là. Heureusement, les Camerounais pensent dans leur majorité que l’obscurité est une mauvaise chose. Ce sont leurs cris de douleur qui me dictent ces lignes. Nous avons marre de vous. Il nous tarde de parvenir au côté ensoleillé de la vie, de voir notre pays sortir du gouffre, du sous-développement.

Contrairement à ceux qui souhaitent demeurer dans les ténèbres, nous voulons qu’il y ait très bientôt l’éclairage public dans nos villages, que les poteaux électriques en bois disparaissent des rues, que tous les citadins habitent des immeubles, que des autoroutes relient les chefs-lieux de Régions entre eux, qu’il y ait des chemins de fer souterrains et des tramways dans nos villes, que des trains à grande vitesse fassent des allez et retours réguliers entre Ebolowa et Kousséri ainsi qu’entre Batouri et Bamenda, que tous les citoyens aient accès à l’eau potable, à l’électricité et aux soins de santé de qualité, que chaque ménage ait une machine à laver, un sèche-linge, un lave-vaisselle, un réfrigérateur et une cuisinière, que les chômeurs reçoivent une allocation de l’État, etc.

Vous aimez endormir le peuple avec des promesses mirobolantes. Votre politique des « grandes ambitions » resta sans effet. Il en va de même pour celle des « grandes réalisations » et du point d’achèvement de l’initiative PPTE (Pays Pauvres très Endettés). Le « Plan d’urgence triennal » dont on parle beaucoup aujourd’hui est une autre poudre aux yeux, une autre poudre de perlimpinpin. Comme vous avez appris que la République populaire de Chine est devenue un pays émergent, vous vous échauffez. Déjà avant le début de votre carrière politique, vous aviez choisi le mauvais camp, puis vous y êtes resté ; pendant que l’UPC entretenait des relations privilégiées avec la Chine et l’Union des républiques socialistes soviétiques, André-Marie Mbida, Ahmadou Ahidjo et vous faisiez du lèche-bottes aux puissances capitalistes de l’Occident. Sous le gouvernement Ahidjo, le Cameroun n’obtint qu’une pseudo-indépendance politique. Jusqu’à ce jour, le Cameroun, qui s’unifia en octobre 1961, a la même monnaie qui circulait pendant la période coloniale : le franc CFA (Colonies Françaises d’Afrique) ! Le régime du Renouveau que vous pilotez n’est rien d’autre qu’un instrument du néocolonialisme. La chine et l’URSS soutinrent la lutte dirigée par l’UPC parce que ce mouvement nationaliste voulait que le Cameroun acquît non seulement une indépendance politique véritable, mais aussi l’indépendance économique. Mais Mbida, Ahidjo et vous aidâtes René Coty, Charles de Gaulle et Georges Pompidou à

écraser la rébellion upéciste en Sanaga-Maritime, au pays bamiléké et dans le Mungo. Vous participâtes ainsi au massacre des Bassas et au génocide des Bamilékés. Plusieurs centaines de patriotes furent victimes de ces crimes horribles que vous appeliez impudemment « campagnes de pacification ». Aujourd’hui, vous cherchez à faire croire au peuple camerounais que ces tueries étaient des actes anti-terroristes et de patriotisme. Le 2 août 2014 par exemple, vous fîtes un parallèle entre la lutte que vous menez contre le Boko Haram et l’éradication des maquis entre 1955 et 1971.

Croyez-vous que vos crimes resteront impunis ? Détrompez-vous ! Un jour, vous passerez en jugement non seulement pour votre participation aux crimes commis sous le gouvernement Mbida, sous le gouvernement Ahidjo et pendant la présidence de ce dernier, mais aussi pour ceux que vous avez commis depuis le 6 novembre 1982. Ni la loi ni la ruse ne vous aideront à échapper à la justice.

En août 1984, Israël fit l’essai d’une arme de destruction massive dans le lac Monoun. L’explosion qui s’en suivit provoqua la mort de 37 personnes à Njindoun près de Foumbot. C’est vous qui aviez autorisé l’État hébreu à effectuer l’essai en question. Deux ans plus tard, le lac Nyos explosa pour la même raison. Près de 2000 personnes moururent asphyxiées.

Sous votre règne, vous avez plusieurs fois déployé les troupes pour massacrer des civils sans arme descendus dans la rue. Avant et après les présidentielles de 1992, des milliers de citoyens furent abattus. En l’an 2000, 1000 autres furent victimes du « Commandement opérationnel » par vous créé. Des têtes tombèrent également au cours des « émeutes de la faim » du 23 au 29 février 2008. Plus de 100 émeutiers furent tués.

Il n’y a aucun doute que vous écumâtes intérieurement quand François Hollande admit en votre présence le 3 juillet 2015 qu’il y a eu « des répressions dans la Sanaga-Maritime et au pays bamiléké » de 1955 à 1971. Il oublia le Mungo. En plus, il évita d’utiliser les vocables « massacre » et « génocide » et de laisser entrevoir des réparations. Néanmoins, il faut reconnaître que c’est le premier président français à évoquer le sujet de l’écrasement de la révolte des Bassas et de celle des Bamilékés devant tout le monde. C’est déjà quelque chose ! L’érection des mémoriaux des victimes est un aspect qu’il faut également mettre sur le tapis. C’est vraiment dommage qu’Ahidjo soit mort sans qu’on ne lui ait demandé de comptes au sujet de ces crimes. En vérité, il faudrait vous coffrer !

Vous êtes un fieffé menteur, un dictateur qui joue au démocrate, un loup déguisé en agneau. Le 3 juillet 2015, vous affirmâtes lors de la conférence de presse qu’Hollande et vous tîntes au Palais de l’Unité : « Je ne suis pas à la tête de l’État par la force. Je n’ai pas acquis le pouvoir de manière dictatoriale. J’ai toujours été élu par le peuple. Et en ce moment, je suis en train de terminer un mandat qui m’a été donné par le peuple. Et d’ailleurs, il y avait d’autres candidats à cette élection. Je les ai gagnés [sic] ». Tout n’est que mensonges et affabulations.

Comme vous le savez, Ahidjo vous avait désigné comme dauphin surtout parce que vous aviez l’habitude de lui inspirer des idées diaboliques. À un moment donné, vous fîtes remarquer au président De Gaulle et à lui que Félix-Roland Moumié, l’un des leaders de l’UPC, avait un penchant excessif pour les plaisirs sexuels, et leur suggérâtes de se servir d’une fille canon pour le piéger. Les deux chefs d’État écoutèrent votre conseil. Venant de Pékin via Moscou, Moumié arriva à Genève le 10 octobre 1960. La Suissesse Liliane Friedli lui tourna la tête à l’Hôtel Pacific et il rata la correspondance pour Conakry. Pendant qu’il attendait le prochain vol, la belle prit langue avec l’agent secret français William Bechtel qui se faisait passer pour un journaliste. Le président de l’UPC accepta de lui accorder une interview le 15 octobre. Pendant le dîner-entretien, Bechtel mit du poison dans le verre de l’homme de trente-cinq ans qui le but pour mourir au début du mois suivant.

Un autre exemple : en 1964, vous suggérâtes à Ahidjo d’allouer une prime pour chaque guérillero abattu afin d’encourager les troupes gouvernementales et les forces supplétives. Votre proposition fut retenue immédiatement. Chaque tête coupée de combattant de guérilla était récompensée pour 8000 francs ! En 1964, vous occupiez le poste de chargé de mission à la présidence. Quatre ans plus tard, le tyran Ahidjo vous propulsa au poste de secrétaire général à la présidence. En 1975, il vous nomma Premier ministre. Enfin, vous prîtes sa succession le 6 novembre 1982, après qu’il se fut démis de ses fonctions quatre jours auparavant. Vous devez votre promotion sociale à votre participation aux crimes horribles qui furent commis pendant les 24 ans que le dictateur Ahidjo fut à la tête de l’État. Vous étiez en effet un actif du bureau. Conclusion, la violence et la dictature sont les deux facteurs qui vous ont permis d’accéder au pouvoir.

J’aimerais maintenant démontrer la fausseté de votre affirmation selon laquelle vous avez toujours été élu par le peuple. Aux présidentielles de 1984, vous fûtes l’unique candidat. Vous le fûtes également à celles de 1988. L’UPC avait été dissoute en 1955 au Cameroun oriental, puis en 1957 au Cameroun sous administration britannique. Elle fut ainsi contrainte d’évoluer dans la clandestinité. Au fil des ans, l’UC, qui fut rebaptisée UNC en 1966, phagocyta les autres partis légaux. L’UNC se définissait comme le grand parti national unifié. Donc, longtemps avant votre accession à la magistrature suprême, le Cameroun était un État à parti unique. Le RDPC que vous créâtes en 1985 n’est rien d’autre que l’UNC sous un autre aspect. En 1991, le peuple descendit dans la rue pour revendiquer la restauration du système multipartite. Comme vous êtes un ennemi de la démocratie, vous fîtes appel aux troupes et aux forces de l’ordre qui noyèrent la révolte dans le sang. Malgré tout, le peuple n’abandonna pas la résistance, il paralysa l’activité économique du pays au moyen de la désobéissance civique, des « villes mortes ». Devant sa détermination, vous fûtes obligé d’accepter le principe du multipartisme.

À l’élection présidentielle de 1992, vous affrontâtes pour la première fois d’autres candidats. C’étaient des hommes politiques de l’opposition. John Fru Ndi était l’un d’eux. C’était votre adversaire redouté. Il gagna cette élection haut la main, mais François Mitterrand, alors président de France, lui vola la victoire, car il ne voulait pas qu’un anglophone arrive au pouvoir. Vous fûtes déclaré vainqueur. Le peuple redescendit dans la rue, cette fois-ci pour protester contre l’assassinat de sa volonté. De nouveau, vous déployâtes les troupes, de nouveau, le sang coula abondamment. Depuis 1992, vous êtes un Président illégitime. Depuis lors, vous êtes passé maître dans l’art de truquer des élections. Le 17 mai 1995, la présidence de Mitterrand dont vous étiez selon vos propres paroles le meilleur élève, prit fin. Vous n’aviez plus besoin de lui, car vous étiez devenu maître. C’est au moyen du maquignonnage électoral que vous gagnâtes les présidentielles de 1997, de 2004 et de 2011. C’est un fait incontestable. Chaque fois qu’on proclame le résultat de l’élection présidentielle, on voit des militaires et des policiers lourdement armés dans presque toutes les rues des villes. Vous recourez à cette méthode de dissuasion justement parce que vous êtes un fraudeur. Conclusion, ce n’est pas le peuple qui vous donne des mandats, mais le tripatouillage.

Vous mentez sans vergogne. Vous aimez à vous jeter des fleurs. Le peuple ne saurait accorder un mandat à un candidat qu’il n’a pas vu pendant la période de campagne électorale. Vous vous cachez parce que vous n’avez pas de l’éloquence. Vous usez des procédés déloyaux pour évincer ceux qui désirent vous surpasser. En février 2014, vous accordâtes la grâce à quelques prisonniers, parmi lesquels Titus Edzoa qui a passé 17 ans derrière les

barreaux. Vous l’aviez fait arrêter et écrouer parce qu’il avait annoncé sa candidature à l’élection présidentielle d’octobre 1997. Il trouva le courage d’enfreindre la prescription selon laquelle vous êtes le candidat naturel du RDPC. Il enfreignit cette prescription à juste titre, car elle est un poison pour la démocratie. S’il a été remis en liberté, c’est grâce à François Hollande. Contrairement à ce que j’ai dit au début de la présente, je dois malheureusement vous conseiller de démissionner aussi de vos fonctions de président national du RDPC. Ce parti aurait la possibilité de se doter des statuts répondant aux exigences de la démocratie.

Vous êtes la honte du Cameroun. Vous apparaissez en public toujours avec des cheveux postiches pour masquer que vous êtes un vieillard. C’est peine perdue ! Même les étrangers vous voient comme vous êtes et non comme vous aimeriez être vu. Le 3 juillet 2015 par exemple, un journaliste de France 2 vous dit ce qui suit en face : « Vous êtes au pouvoir depuis 1982, ce qui fait que vous êtes l’un des plus vieux Présidents de la planète. » Vous aviez déjà passé 33 ans au sommet de l’État et aviez 82 ans. Vous répliquâtes : « Ne dure pas au pouvoir qui veut, mais qui peut. » Un Président efficace n’a pas besoin de passer plus de deux décennies au pouvoir. Il met son programme politique en pratique et passe la main. Il sort par la grande porte. Nelson Mandela avait-il cherché à être Président à vie ? Boni Yayi du Bénin avait promis qu’il ne briguera pas un troisième mandat. Il a tenu sa parole.

Quand les médias vous demandent si vous allez vous représenter à une élection présidentielle à venir, vous leur donnez toujours une réponse qui laisse le public dans l’incertitude. Fin octobre 2007, vous fûtes l’invité du Talk de Paris, une émission de France 24. Ulysse Gosset, le présentateur, vous posa cette question. En réponse à cela, vous dîtes que les présidentielles de 2011 étaient certaines, mais lointaines, que la Constitution telle qu’elle était ne vous permettait pas d’envisager un autre mandat, qu’il était prématuré d’évoquer le sujet des élections, que les camerounais feraient mieux de s’atteler aux problèmes urgents comme lutte contre la corruption, le SIDA et la pauvreté. Mais trois mois plus tard, vous annonçâtes dans vos vœux télévisés que vous alliez amender certaines dispositions de la loi fondamentale dont l’article 6, alinéa 2, qui vous empêchait de vous représenter en 2011. Le 14 avril 2008, vous promulguâtes la loi portant révision de la Constitution du 18 janvier 1996, loi dont l’article 6 (2) a supprimé la limitation du nombre de mandats présidentiels. Vous prétendiez que « la majorité de la population » avait souhaité que l’article en question soit modifié, ce qui est faux.

Le 3 juillet 2015, le même journaliste de France 2 qui vous fit remarquer que votre nom figure parmi les plus vieux Présidents du monde vous posa la question suivante : « Est-ce que vous imaginez qu’un nouveau mandat serait le bienvenu ou est-ce que vous comptez plutôt passer la main et considérer qu’une retraite serait plutôt bien méritée ? » Comme déjà sur le plateau du Talk de Paris huit ans auparavant, vous restâtes dans le vague : « Les élections camerounaises de 2018 sont certaines, mais lointaines… Nous avons le temps de réfléchir, et le moment venu, les Camerounais, les amis français et tout le monde, sauront si je suis candidat ou si je prends ma retraite. » Depuis le début de l’année en cours, vos partisans, qui sont du reste minoritaires, multiplient des meetings à l’issu desquels ils vous appellent à être leur candidat aux prochaines présidentielles. Comme je l’ai dit, ces gens sont vos marionnettes. En d’autres termes, c’est vous qui tirez les ficelles. Nous connaissons déjà votre modus operandi.

Si vous aviez au moins élevé le niveau de vie de la population, je pouvais encore peut-être comprendre votre volonté de rester au pouvoir ad vitam aeternam. Le problème, c’est que vous vous y agrippez alors que vous êtes un incapable, un paresseux, un dormeur, une

coquille vide. Lapiro de Mbanga serinait cette vérité au peuple. C’était votre bête noire. Vous avez réussi à l’envoyer ad patres, mais les paroles de ses chansons restent.

Depuis 1982, le Cameroun ne fait que des progrès à l’envers. Vous êtes un individualiste, un narcisse, un vaniteux. Vous devenez de plus en plus riche, tandis que le peuple devient de plus en plus pauvre. Vous avez plus de 80 ans, mais l’espérance de vie de la population camerounaise est de 19 ans. La vérité est que vous n’êtes pas l’homme de la situation. Vous êtes un spécialiste de la navigation à vue, vous ne voyez pas plus loin que le bout de votre nez. La clairvoyance qui caractérisait Ruben Um Nyobé, Félix-Roland Moumié, Ernest Ouandié et Abel Kingué vous font défaut. L’absence de hauteur de vue de votre pensée vous amena à choisir le mauvais camp. Vous étiez mal parti.

Vous avez chargé les membres de votre gouvernement de claironner que le Cameroun deviendra un pays émergent « à l’horizon 2035 ». Voilà encore une vue d’esprit. Pendant que vos ministres racontent votre songe au peuple, vous effectuez quelques « courtes visites privées en Europe ». La Suisse est le pays européen que vous visitez le plus, car la majeure partie de vos biens mal acquis s’y trouve. L’abus de biens sociaux est un autre crime pour lequel vous passerez en jugement. Les pontes du régime que vous avez incarcérés dans le cadre de l’Opération Épervier ont pris l’exemple sur vous. Vous avez volé plus d’argent qu’eux tous réunis. En 2010, le site RichestLifeStyle.com révéla que vous étiez le cinquième chef d’État africain le plus riche, avec une fortune que le magazine américain ForeignPolicy.com a évaluée à près 200.000.000 USD (près de 116.300.000.000 FCFA) ! Quelle position occupez-vous six ans après ? La première peut-être ? Ça ne m’étonnerait pas si c’était le cas. Vous avez souvent été critiqué en raison de votre prodigalité, mais cela ne vous a jamais amené à changer ce comportement.

Jusqu’en classe de seconde, je croyais que vous étiez une personne honorable. J’ignorais que vous étiez un manipulateur, un aigrefin, un faux jeton, un prétentieux, une mauvaise graine, un voleur, un méchant, un grand criminel. Un adage dit qu’il faut savoir quitter les choses avant qu’elles ne vous quittent. Si vous aviez appliqué cette maxime, beaucoup ne connaîtraient jamais votre vraie nature.

Vous êtes un tyran, un homme sans moralité. Votre pouvoir repose sur l’immoralité, la perversité, la cruauté. Même dans votre vie sentimentale, vous avez posé des actes passibles de peine. En juillet 1992, à une période où le peuple revendiquait le multipartisme à cor et à cri, vous éliminâtes votre première épouse Jeanne-Irène. Elle avait désapprouvé la mesure répressive que vous aviez prise et vous avait suggéré de jeter l’éponge. Mais vous étiez déterminé à continuer à verser le sang, à rester au pouvoir. Deux ans plus tard, vous épousâtes Chantal Pulchérie Vigouroux en secondes noces, après que vous eûtes liquidé son concubin du nom de Churchill Che. Je mets également la disparition des parents et de deux sœurs de Che sur votre compte. Bien évidemment, Chantal Biya est complice de ces crimes.

Sous votre règne, le tribalisme, le népotisme, le favoritisme et la corruption se sont généralisés. Ceux qui vous demandent de vous représenter aux présidentielles sont en effet des obscurantistes. Ils n’aiment pas leur patrie. C’est votre gouvernance qui a favorisé la propagation des maux suscités. En d’autres termes, vous en êtes la source, l’agent pathogène. Par conséquent, vous n’avez pas la capacité de les éradiquer. Si vous quittez vos fonctions, ils disparaîtront d’eux-mêmes. Au cas où vous auriez préparé un dauphin, dites-lui que vous vous êtes trompé sur lui, et retirez-vous.

Vous êtes non seulement l’un des plus vieux Présidents du monde, vous êtes aussi l’un des mieux gardés, des mieux protégés. Contrairement à ce que vous croyez, cet excès de protection est une très mauvaise chose. C’est la preuve que vous vous méfiez du peuple. Cette méfiance découle de la conscience d’être un chef d’État illégitime. Vous êtes un habitant de la tour d’ivoire, une personne énigmatique, occultiste. Même ceux qui ont écrit votre biographie n’ont jamais eu la possibilité de vous rencontrer, d’où les titres tels que « Le Code Biya », « Les secrets du pouvoir ». Vous êtes muet comme une carpe. D’ailleurs, il existe des travaux de recherche sur « Les silences présidentiels ». Vous communiquez par le silence, vous êtes invisible comme Dieu, sauf que Dieu n’est pas méchant. Mais vos partisans vous déifient, vous vénèrent, ce qui vous amène à vous rengorger comme un paon. Votre manière de gouverner est indéfendable ; elle opaque, et cette opacité est un terrain favorable aux pillages, aux manigances, aux crimes, à la tricherie.

Vous aimez lire des discours. À vrai dire, vous n’avez jamais fait un discours au pied levé. Vous en êtes incapable. Ce qui caractérise les textes que vous lisez, c’est leur incohérence. Mais c’est une incohérence calculée, elle est destinée à piéger, à berner le public. Prenons par exemple votre discours le plus récent, c’est-à-dire celui que vous avez prononcé à l’occasion de la fête nationale de la jeunesse de cette année. Vous dites que vous allez industrialiser les dix Régions du pays et que le développement de notre agriculture tiendra une place de choix dans cette entreprise. Vous invitez les jeunes à bénéficier de cette mesure. Par ailleurs, vous leur laissez entrevoir un fonds « Spécial Jeunes » doté de plus de 100 milliards FCFA, comme quoi ils peuvent compter sur le gouvernement pour réaliser par exemple leur projet agricole aisément. Mais en même temps, vous soutenez : « La terre ne trahit jamais. N’ayez pas peur de franchir le pas, soyez des entrepreneurs agricoles dont le Cameroun a besoin… Il ne s’agit pas d’attendre de pouvoir rassembler de gros moyens. C’est avant tout une affaire de volonté et d’engagement. Dans l’agriculture, il est souvent possible de faire beaucoup avec peu. » En clair, les jeunes qui désirent se lancer dans l’agriculture vont attendre l’appui du gouvernement jusqu’à la saint-glinglin.

Vous possédez une grande exploitation agricole à Mvomeka’a, votre village natal. Vous l’aviez montrée à Guillaume Soro lors de son séjour au Cameroun en juin 2014. Ce que le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire ne sait pas, c’est que vous aviez mis le couteau sous la gorge de Robert Messi Messi, le directeur de l’ancienne SCB, pour obtenir l’argent nécessaire à la création de votre plantation. Donc, la réalisation d’un projet viable dans ce domaine ne saurait être une simple affaire de volonté. Supposons que les jeunes écoutent votre conseil. Ne seraient-ils pas réduits à pratiquer la culture extensive ? Ils iraient grossir les rangs des millions de personnes moins jeunes qui le font déjà. Ils travailleraient aussi avec des outils archaïques tels que la machette, la houe, la bêche. Pour quels rendements ? Dans les villages du Cameroun, je ne vois que des paysans trahis par la terre. Même là où le sol est fertile, ils habitent dans des galetas, ce qui traduit leurs mauvaises conditions d’existence. En Allemagne, seulement 2% de la population active pratiquent l’agriculture. Ils font essentiellement la culture intensive. Nous voulons que notre agriculture soit mécanisée et que notre production agricole soit diversifiée.

Je vous ai déjà dit que vous manquez de compétence. La seule chose sensée que vous pouvez faire, c’est de quitter vos fonctions sans délai. Démissionnez afin que le Cameroun puisse sortir de la situation moyenâgeuse où il se trouve.

Bamenda, le 19 avril 2016

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