Dr Thierry Amougou "Le Cameroun serait un malade dont la santé dépendrait de son respect des Droits de l’Homme"
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Dr Thierry Amougou "Le Cameroun serait un malade dont la santé dépendrait de son respect des Droits de l’Homme" :: CAMEROON

Fondateur et animateur du CRESPOL, Cercle de Réflexions Economiques, Sociales et Politiques, enseignant à l'université catholique de Louvain-la-Neuve et  formateur en question sécuritaire de l'Union africaine à l'Ecole royale militaire de Belgique, Thierry Amougou revisite le dernier rapport annuel du département d’Etat américain sur la situation des droits de l’Homme dans le monde, et dans lequel le Cameroun  comme d’habitude, est accusé

Quelle lecture faites-vous du dernier rapport sur les Droits de l’Homme au Cameroun publié récemment par les Etats-Unis d'Amérique?

Ce rapport est un document d’une extrême importance car il donne une photographie très récente de l’état des Droits des l’Homme au Cameroun. Vous savez la  photographie est comme un dictionnaire, plus elle est récente, plus elle est riche de données contemporaines et valables car d’actualité. C’est aussi un rapport qui, parce qu’il vient d’une autre voix que celle habituelle des opposants politiques au Renouveau National, crédibilise à la fois tous ceux qui dénoncent les atteintes récurrentes aux Droits de l’Homme au Cameroun et les faits qu’ils dénoncent. C’est un rapport qui démontre que le Cameroun est encore, non seulement sous-développé sur le plan économique, mais aussi sur celui des Droits de l’Homme, de l’Etat de droit et de la démocratie. La mort arbitraire (cas Christiane Soppo Mbango), la persécution des homosexuels, les brutalités des forces de l’ordre et du BIR, les disparitions sans suite d’opposants politiques (cas Guérandi), les vols d’enfants et de bébés, les arrestations arbitraires, les conditions de détention exécrables, la corruption de la justice et son contrôle par le pouvoir exécutif, la manipulation de la presse et de la liberté d’expression, la discrimination des malades du SIDA et bien d’autres choses sont toujours, d’après ce rapport, des réalités inquiétantes au Cameroun. Lorsqu’on lit attentivement ce rapport, le Cameroun serait un malade dont la santé dépendrait de son respect des Droits de l’Homme qu’il serait sous assistance respiratoire avec pronostic vital engagé.

Ce rapport est-il un fidèle miroir de la réalité des droits de l’Homme au Cameroun ?

Le rapport doit tout être sauf un miroir car le miroir déforme les images et fausse la réalité des faits. Cela n’est pas le cas de ce rapport car il lit la réalité camerounaise par rapport aux standards de vie et aux commodités et principes validés comme indicateurs de Droits de l’Hommes respectés ou non. Son miroir, si je dois parler comme vous, est donc un ensemble d’indicateurs de respect des Droits de l’Homme qu’il teste en terre camerounaise. Dans cet exercice-là je trouve le rapport très fouillé, solide et non partisan politiquement. Son parti est justement celui du respect des Droits de l’Homme.  Lorsqu’on lit les travaux d’Alexis de Tocqueville sur l’effet de la démocratie sur les mœurs des Américains, ce rapport est aussi conforme à l’esprit  historique des USA dont le cœur est que les différentes composantes d’un peuple deviennent semblables les unes des autres et se montrent réciproquement  compatissantes au fur et à mesure où les Droits de l’Homme font des citoyens des égaux en droits et devoirs. Le rapport des USA montre que l’Etat de droit  reste encore au Cameroun un objectif très incertain.

D'après vous la publication de ces rapports peut-elle avoir un impact sur l’état des Droits de l’Homme au Cameroun ?

Le rapport, lorsqu’il parle de l’atteinte à la liberté d’association, à la liberté d’expression, à la liberté de la presse et de bien d’autres dérives au Cameroun dit aussi que la Constitution camerounaise interdit ces atteintes aux Droits de l’Homme. Cela est la preuve qu’avoir de bonnes lois ne suffit ni à avoir un Etat de droit, ni à voir les Droits de l’Homme respectés scrupuleusement. Autrement dit, si les dirigeants du pays ne deviennent pas des parangons dans le respect et la défense des Droits de l’Homme, on peut avoir toutes les belles lois au monde et tous les rapports les plus fouillés sans que cela ne suffise à inverser une tendance négative. Donc, même si le rapport a déjà un impact inévitable, celui d’entériner un état de fait, l’autre impact souhaité mais pas certain, c'est-à-dire le renversement de la tendance lourde qu’il met en lumière, dépend de ce que les dirigeants du pays vont en faire : vont-elles bomber le torse et dire « ne respecte pas les droits de l’homme qui veut mais qui peut » ou alors accepter ce verdict sombre pour améliorer la situation. Si je peux donner un conseil aux autorités camerounaises c’est de prendre le rapport comme un document de travail à partir duquel on voit le chemin qui reste à parcourir afin de définir une stratégie d’avenir en trois points : a) un travail d’information massif des populations sur leurs droits afin que les Droits de l’Homme se banalisent dans les réflexes quotidiens des populations ; b) faire du respect des Droits de l’Homme une partie intégrante de toutes les politiques de développement et d’émergence économique ; c) bâtir les institutions qui rendent possibles le respect des Droits de l’Homme. Il est par exemple inutile d’exiger que les enfants aillent à l’école là où ne se trouve aucune école. Dans de tels cas c’est la construction d’une école, d’un centre de santé qui est le préalable au respect du droit d’aller à l’école et de se soigner.

Selon vous, quel est l'objectif de la production et de la publication par le pays de l'oncle Sam de ce rapport sur l’état des droits de l’Homme au Cameroun ?

Les objectifs de ce type de rapports sont multiples, explicites et implicites. Sans prétendre à l’exhaustivité, en voici quelques uns parmi les plus  immédiats :

a) Une fonction d’information du Cameroun, des Camerounais, de l’Afrique et du monde de l’état des lieux d’un pays en matière de Droits de l’Homme :

Je pense  que Maggy de Block qui disait que le Cameroun est un pays très très démocratique doit lire ce rapport ;

b) Une fonction de document de travail pour toutes les associations, partis politiques et acteurs qui travaillent dans le domaine. D’où l’importance de la  solidité des études car elles seront citées comme sources crédibles d’informations ;

c) Une fonction d’introduction de la gouvernance au sein des sociétés camerounaise, africaine et mondiale en rendant celles-ci capables d’avoir des avis et des données sur l’état de leur pays dans le domaine des Droits de l’Homme ;

d) Une fonction de rappel à l’ordre et à un changement de cap que la première puissance du monde que représentent les USA adresse aux dirigeants camerounais, ce qui n’est pas rien ;

e) Une fonction de protection de ceux qui sont en pleine procédure de demande d’un droit d’asile ici et là (car ils peuvent appuyer leurs dossiers), en prison abusivement ou incarcérés dans l’anonymat. La protection qu’un tel rapport peut assurer pour eux est qu’il consiste à dire aux autorités  camerounaises, ce que vous faites est su par les Etats-Unis, cessez de le faire, adoptez les bonnes pratiques en matière de Droits de l’Homme.

© Camer.be : Propos recueillis par Hugues SEUMO

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