Conflit : La guerre est déclarée entre Ndong Soumhet et Eyébé Ayissi
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On savait que Benoit Ndong Soumhet et Eyébé Ayissi ne s’appréciaient que très peu. La bagarre jusque-là feutrée entre le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education de Base et le ministre délégué à la présidence de la République chargé du Contrôle supérieur de l’Etat vient de connaître une escalade. Les deux hommes ont pourtant en commun d’être militants du Rdpc, membres du gouvernement et fils du même département : la Lékié. Dans un brulot adressé à son « frère », Benoît Ndong Soumhet dénonce les attitudes autocratiques d’Eyébé Ayissi dans la Lékié. Dans sa missive, dont ampliation a été faite, entre autres au président national du Rdpc, au Sg du parti et au préfet de la Lékié, Benoît Ndong Soumhet soutient qu’en date du 19 août 2014, il avait déjà attiré l’attention du ministre Eyébé Ayissi sur ses méthodes de travail qui tendent « à ravaler les autres responsables, notables et élites politiques de la Lékié au rang de simples exécutants des stratégies et actions dont [il est] le seul concepteur ».

Il exigeait alors du ministre Eyébé une plus grande concertation avec les autres militants et élites du parti. Selon Benoît Ndong Soumhet, son interlocuteur va reconnaître ce grief qui lui avait été fait tout en promettant d’en tenir compte. « Las ! écrit-il. A l’observation, il n’en est rien. Vous persistez dans votre option autocratique, ce qui ne va pas, il faut le dire, sans maladresse : revendication de responsabilités politiques non fondée ; dérives extrémistes dans la formulation de ce qui est censé être la position politique de la Lékié sur certains sujets ; « causeries républicaines » avec les jeunes organisées à Monatélé le 6 novembre 2014 en violation de la circulaire du secrétaire général du Comité central qui prescrivait que la célébration de l’Homme du Renouveau se fasse aux chefs-lieux des sections ; « efforts de guerre patriotique et volontaire de la Lékié contre Boko Haram » convoqué à la hussarde à Monatélé, le 1er février 2015, sans concertation préalable avec qui que ce soit, mettant toute l’élite dans l’embarras et accouchant, dans cette impréparation, de huit misérables petits millions dont une bonne partie sous forme de promesse, alors qu’une Lékié concertée, unie et rassemblée pour une cause aussi noble, peut faire 10 fois plus (nous l’avons fait par le passé). »

Faire-valoir

Ndong Soumhet pense que toutes les actions d’Eyébé Ayissi participent d’une simple « agitation », doublée de « narcissisme ». Il accuse également le ministre chargé du Contrôle supérieur de l’Etat de grossir artificiellement les rangs de ceux qui participent à ces appels grâce à des charters d’étudiants que l’on convoie en masse à partir de Yaoundé pour donner l’impression d’une grande mobilisation populaire. « Alors qu’en réalité, l’élite ne se sent plus concernée », tranche-t-il.

« Votre refus de collaborer, poursuit-il, votre obstination forcenée à vouloir décider de tout, tout seul, non seulement ne sont pas conformes à la philosophie d’action et de fonctionnement du Rdpc, mais aussi et surtout mettent à mal le consensus historique patiemment construit dans la Lékié autour de l’Homme du Renouveau par ceux-là, c’est-àdire nous autres ainsi que les générations précédentes, qui avons, à travers des actions marquantes, maintenu la flamme allumée durant la quinzaine d’années pendant laquelle vous vous êtes volontairement placé hors-jeu et hors action politique après votre première sortie du gouvernement.»

Pour Benoît Ndong Soumhet donc, Eyébé Ayissi n’est qu’un opportuniste politique dont le « militantisme débordant » dans les rangs du Rdpc coïncide avec son retour aux « affaires ». Ne voulant plus servir de faire-valoir aux « entreprises personnelles » du ministre chargé du Contrôle supérieur de l’Etat, Ndong Soumhet annonce qu’il ne prendra désormais part dans la Lékié qu’aux actions initiées par la hiérarchie du parti.

André Tsala Messi

Dans l’entourage d’Eyébé Ayissi ainsi pris à parti, le pamphlet de Ndong Soumhet passe mal. « Le ministre ne réagira jamais aux attaques de Monsieur Ndong Soumhet, confie une source proche du mis en cause. Inutile d’insister, il ne faut pas rêver. Il ne réagira pas. Le ministre est là pour servir le chef de l’Etat et le Cameroun et non pour répondre aux querelles de clocher lancées par un homme qui fait des pieds et des mains pour devenir ministre plein. » Sur le fonds des accusations portées contre le ministre Eyébé Ayissi taxé d’autocrate narcissique et opportuniste politique, notre interlocuteur les rejette en bloc. « Monsieur Ndong Soumhet a participé à tout ce qui a été fait dans la Lékié, assure-t-il.

Que ce soit le premier appel qui avait été fait à Obala et qui a suscité une inutile polémique ou la toute dernière mobilisation à Monatélé contre Boko Haram. Il a signé tous ces appels. Il a d’ailleurs promis le 1er février 2015, devant tout le monde à Monatélé, une contribution de 500 000 FCfa pour l’effort de guerre contre Boko Haram. Je ne comprends donc pas qu’on fasse tout cela et vienne par la suite prétendre n’y avoir pas été associé. »

Joint au téléphone hier soir, Benoît Ndong Soumhet maintient ses écrits et tente de préciser sa pensée. « Dans cette lettre, dit-il, j’ai fait un effort d’écarter tout ce qui peut donner lieu à polémique. Tout ce qui y est contenu est vrai et les témoins ne manquent pas. » Il confirme que tout ce qu’il reproche à Eyébé Ayissi c’est le manque de concertation avec les autres élites de la Lékié. « Il nous appelle toujours la veille quand il a déjà décidé de tout pour nous dicter les décisions. Prenons l’exemple de la dernière réunion du 1er février à Monatélé. On m’appelé la veille pour m’inviter à une réunion où on parlerait de Boko Haram et c’est seulement sur place que j’ai appris qu’il y aurait une collecte de fonds pour l’effort de guerre. Reconnaissez que c’est embarrassant, cette façon de faire », regrette-t-il.

Pour sa part, André Tsala Messi le maire de Monatélé essaie de calmer le jeu. Il confesse n’avoir pas lu le brulot de Ndong Soumhet, mais reconnait en avoir entendu parler. Il s’inscrit en faux contre ce qui est qualifié de querelle de leadership entre Eyébé et Ndong. « Nous ne sommes pas à la recherche d’un leader. Nous avons un seul leader au Rdpc : c’est le président Paul Biya », dit-il.

« Le peuple éton, manguissa et batchenga, poursuit-il, a décidé le 1er février dernier de la mort de Boko Haram. C’était un engagement derrière le chef de l’Etat et derrière nos enfants qui sont au front. On a fait un geste pour l’effort de guerre, chacun selon ses moyens. C’est un événement historique. Il faut le dire, l’initiateur de cette rencontre c’était Eyébé Ayissi. Nous devons éviter de nous laisser distraire : le seul vrai combat à l’heure actuelle c’est celui contre Boko Haram. Il faudra ensuite mener le combat contre la pauvreté et pour le développement du Cameroun. » Il ajoute qu’il n’y a pas plus de querelles politiques dans la Lékié qu’ailleurs.

« Peut-être est-ce parce que nous avons le sang chaud ici ? », rigole-t-il.

© Le Jour : Jean-Bruno Tagne

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