Après le G11, Brutus, voici «Cameroun nouveau». Il est présenté comme étant un cercle à l’assaut du sommet de l’Etat constitué de proches collaborateurs, actuels ou passés de Paul Biya. Il dispose en outre à ce jour des moyens conséquents. Vers une âpre guerre des réseaux pour la succession de Paul Biya. Une organisation regrouperait plusieurs personnalités du pays autour d’une détermination politique labellisée « Cameroun nouveau ». Selon une correspondance à l’origine de cette indiscrétion, la trésorerie de cette nébuleuse aux desseins politiques avoués aurait déjà engrangé plus de 4 milliards de F Cfa au cours de la seule année 2008. C’est la date à laquelle, Catherine Abena, la présumée rédactrice aujourd’hui disparue, de cette note confidentielle non datée, l’avait soumise à la très haute attention du chef de l’Etat. Paul Biya l’a-telle reçue ?

L’alors Secrétaire d’Etat auprès du ministère des Enseignements secondaires, aurait été courtisée pour faire partie, à son corps et son coeur défendants, de ce cercle pour lequel son refus d’adhésion lui aura coûté son poste, sa liberté, sa déchéance, sa santé et avec à la clé, la mort dans de lamentables conditions.

A en croire ce document,un mouvement clandestin à visée insurrectionnelle sous la coupe réglée de certains caciques du régime aurait étémis sur pied pour succéder à Paul Biya. Si cela était avéré, cette entreprise constituerait assurément une félonie contre l’actuel garant des institutions républicaines. Cette correspondance est-elle parvenue à son destinataire ? La conquête du pouvoir suprême serait l’objectif de ces acteurs de l’ombre, mais cependant bien connus du public, dont la distribution ne manque pas d’intérêt.

Il s’agit d’Ephraïm Inoni, alors Premier ministre chef du gouvernement, de l’alors vice Premier ministre, ministre de la Justice Garde des Sceaux, Amadou Ali, Marafa Hamidou Yaya ancien ministre d’Etat en charge de l’Administration territoriale et de la Décentralisation,Jules Doret Ndongo,ancien Secrétaire général des Services du Premier ministre, Luc Magloire Mbarga Atangana, ministre du Commerce(en poste), Ama Tutu Muna,ancienne Secrétaire d’Etat auprès du ministre du Commerce, Pierre Titti, ancien directeur du Budget, Mounouna Foutsou… Tout cet important gratin était réuni, à en croire cette note de renseignement, le 17 mai 2008 à 21 heures et 40 minutes à l’Hôtel Djeuga Palace de Yaoundé.

Il ne s’agissait pas de la première rencontre du genre, mais de la dixième, et partant, celle à laquelle aurait participé, pour la première fois, à son plus grand étonnement, Mme Catherine Abena décédée le 29 septembre 2013. Lui doivent-il sa mort ? Lors de la précédente, 165 millions de F Cfa avaient été cotisés, pour des fonds déjà mobilisés de 3 milliards 418 millions de F Cfa. L’offre de la cotisation de solidarité proposée à la néophyte s’élevait en espèces et en chèque à 9.600.000 F Cfa.La cagnotte du jour pesait environ 93. 600.000 F Cfa, pour une comptabilité globale de 4 milliards 676. 600.000 F Cfa.

Manoeuvres
En outre, pour l’infléchir, une proposition aurait été faite par ces personnalités qui jouissaient de leur position privilégiée et qui avaient une influence autour du chef de l’Etat, à la Secrétaire d’Etat aux Enseignements secondaires de la faire nommer, en cas de réaménagement du gouvernement,à la tête du ministère des Affaires sociales, «avec une rotation à durée indéterminée dans d’autres ministères ».Comment davantage renflouer les caisses de «Cameroun nouveau» ? La correspondance est édifiante à ce sujet. De par son autorité au ministère des Finances,Pierre Titti, directeur du Budget, aurait reçu «instruction d’user de ses mécanismes de ruses pour renforcer des lignes budgétaires et de les rendre fluides, afin que des prestataires éventuellement recommandés, rendent les cotisations mensuelles actives et abondantes».

Davantage,un plan de missions permanentes à l’étranger aurait été mis  sur pied par Ephraïm Inoni et par Marafa Hamidou Yaya. L’objectif poursuivi étant d’engager sous divers motifs des négociations avec des partenaires s’adossant sur des leitmotivs soutenus, entre autres, sur le plan social, de «la lutte contre la vie chère», ou, pour le volet politique, la révision permanente ou la refonte des listes électorales,la création d’une nouvelle dynamique avec des partis d’opposition devant bientôt être portés sur les fonts baptismaux pour la conquête des régions du Centre, de l’Ouest et  de la zone anglophone, et l’orientation électorale du Sénat alors en vue et du Conseil Constitutionnel.Sur le plan économique, il fallait engager des négociations sur le pétrole, et contrôler le marché d’attribution des agréments aux promoteurs des stations services, l’exclusivité des transports des stations ciblées par Transimex.

Tête brûlée
Devant l’absence du caractère orthodoxe de tout ce qui précède, forte de la haute idée qu’elle avait d’ellemême, tout en s’appuyant sur son patriotisme et face à ces incongruités,Mme Catherine Abena qui avait décidé de mettre de la distance entre ces ambitieux et elle, a commencé à souffrir mille tourments. De fait, dira-telle, en raison de son absence à ces messes déloyales envers Paul Biya pour qui les membres de «Cameroun nouveau» devraient une reconnaissance éternelle de les avoir choisis comme collaborateurs ou comme hauts commis de l’Etat, de leur avoir octroyé une place au soleil, son clavaire avait débuté. Ses bourreaux avaient su sur quelle corde tirer pour la faire tomber.

«En raison de mon abnégation, mon militantisme à la base est controversé. Des manipulations de quelques frères et aînés proches sont farouchement animées dans le but de me disgracier», écrira-t-elle. Dans cette même déferlante d’acrimonie vis-à-vis de la Secrétaire d’Etat, elle affirmera que même ses relations personnelles avaient été sabordées. En témoigne la désaffection de ses rapports avec dame Rosette Mboutchouang, dont un certain Aloys, présenté comme étant l’intendant principal de l’illustre belle-mère du chef de l’Etat, avait été manipulé contre elle.

Et sans fioritures, elle désigne Jules Doret Ndongo, alors Secrétaire général des Services du Premier ministre, qui lui a fait écran pour accéder à Paul Biya via une audience auprès du Premier ministre, selon les usages, la voie idéale qu’elle avait toujours envisagée pour tenter de rencontrer le chef de l’Etat.

Prémonitions
Plus pathétique, sera la conclusion de cette note d’information qui recèle un caractère prémonitoire. Dame Catherine Abena envisageait-elle déjà la probabilité, sous la pression qu’elle subissait tous azimuts, de quitter prématurément ce bas-monde ? A l’adresse du destinataire de cette note de renseignement, elle écrira :

«A moins que la mort ne me surprenne avant que vous ayez pris connaissance de la présente et le cas échéant, je vous aurais tout de même mis au courant d’une manière ou d’une autre des intentions que nourrit un cercle qui semble se réunir régulièrement sous le label « Cameroun nouveau». Et reconnaissante, quoique déjà à cette époque fragilisée, mais encore en poste avant l’estocade finale que lui porteront ses adversaires et qui la fera passer par la case prison pour «détournement de deniers publics» à la faveur de l’opération d’assainissement de la fortune publique connue sous le vocable non officiel d’ «Opération épervier»,elle remerciera du fond de son coeur, le président de la République «pour tous ces honneurs républicains « qu’elle a reçus grâce à lui.

De plus, elle disait alors invoquer « la Divinité suprême de l’«inonder d’abondance de grâces pour une longévité à la tête de l’Etat et de protéger le Cameroun notre très cher et beau pays». Ecrite il ya 7 ans, cette correspondance «pour l’amour de la patrie», reste encore d’actualité au regard des préoccupations sécuritaires auxquelles le pays fait face contre Boko Haram, et des prochains enjeux politiques majeurs qui se profilent à l’horizon.