Marafa Hamidou Yaya, «Le Grand-Nord souffre d’un sous-investissement chronique»
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Les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher ont plongé la France dans le quotidien du Nigéria et du Cameroun. Mais le terrorisme islamiste ne mettra pas la France à genoux. Car elle a les moyens de déjouer la plupart des projets d’attentat et de neutraliser les responsables des attaques commises. Ses institutions, son économie, son unité sont par ailleurs bien trop solides pour être perturbées durablement. Le Nigeria et le Cameroun sont dans une situation autrement plus critique. Par l’ampleur des violences tout d’abord. Le tribut en vies civiles et militaires est inouï.

Début janvier, Boko Haram a massacré des milliers de civils à Baga, des dizaines à Waza et à Mozogo. Le 8 janvier, une fillette de 10 ans a été utilisée comme bombe humaine dans le marché de Maiduguri. Puis, parce que l’Etat n’exerce plus qu’un contrôle incertain sur les territoires où agissent les terroristes. Ceux-ci franchissent librement la frontière entre les deux pays pour échapper aux armées nationales. A cela, il faut ajouter la destruction du tissu économique et social.

SOUS-INVESTISSEMENT CHRONIQUE

Au Nigeria, à Baga, Boko Haram a détruit plus de 600 bâtiments, dont des cliniques, des écoles et des commerces. Au Cameroun, le nord souffrait déjà depuis trente ans d’un sous-investissement chronique. Désormais, le chaos décourage les investisseurs et la lutte contre le terrorisme est financée avec des crédits destinés à des projets d’infrastructures. Sodecoton, le principal employeur de la région, est au bord de la faillite. Or, il fait vivre près de 2 millions de personnes. Avec l’afflux de réfugiés, l’ONU parle de crise humanitaire majeure, qui va s’aggraver dès le mois de mars avec l’arrivée de la saison sèche et des épidémies. Le reste du pays regarde avec méfiance ces provinces, de l’extrêmenord à l’Adamaoua, où, sans perspectives, des jeunes se laissent happer par l’extrémisme.

L’isolement de ces populations, s’il n’est pas inversé, met en péril l’unité nationale. Sans doute moins au Nigeria. Dans une certaine mesure, Boko Haram y est un nouvel avatar du sécessionnisme, le pays a donc acquis une longue expérience de la gestion des poussées sécessionnistes. Il a su surmonter sans éclatement les plus graves d’entre elles, comme la guerre du Biafra. Mais, si son degré de magnitude n’est pas le même en France, au Nigeria et au Cameroun, c’est bien d’une menace commune qu’il s’agit. Pleurons ensemble nos morts, et combattons ensemble nos ennemis.

AUCUN CHEF D’ETAT ÉTRANGER À ABUJA OU À YAOUNDÉ

Renforçons dès aujourd’hui la coopération internationale contre l’extrémisme islamiste, quel que soit le nom qu’il se donne, Al-Qaida, Etat islamique, Boko Haram. Le dimanche 11 janvier, les 4 millions de Français qui ont défilé ont été rejoints par des amis venus du monde entier, dont plus de 50 dirigeants internationaux. Cette unanimité est son meilleur rempart contre le terrorisme. Les populations du Nord- Est du Nigeria et du Nord du Cameroun vivent, elles, comme livrées à elles-mêmes. Un jour elles sont sous le feu des terroristes, le lendemain sous celui de la riposte des armées nationales. Le reste du pays ne descend pas dans les rues pour leur dire son soutien. Aucun chef d’Etat étranger ne défile pour elles à Abuja ou à Yaoundé.

Il faut que dans les mois qui viennent, des marches soient organisées sur les lieux des massacres de Boko Haram. Que Nigérians, Camerounais et les représentants de leurs amis en Europe, en Afrique et ailleurs montrent un front uni. Qu’ils disent, après «Je suis Charlie» : «je suis Baga», «je suis Maiduguri», «je suis Waza», «je suis Kolofata».

Marafa Hamidou Yaya (ministre de l’intérieur du Cameroun de 2002 à 2011).
Condamné à vingt-cinq ans de prison pour «détournement intellectuel de deniers publics» en septembre 2012, M. Marafa Hamidou Yaya est actuellement incarcéré au Secrétariat d’État à la Défense (SED) du Cameroun. Il est reconnu comme prisonnier politique par la communauté internationale.

© Source : L’Oeil du Sahel

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