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© Le Jour : Jules Romuald Nkonlak
- 22 Jan 2015 08:28:35
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Boko Haram : où est l’effort de guerre des Camerounais ? :: CAMEROON
Insouciance, inconscience ou ignorance ? Plusieurs camerounais semblent ne pas se rendre compte du danger qu’ils côtoient désormais au quotidien.
Décembre 2014. Plusieurs personnes se bousculent à l’entrée du Palais des congrès de Yaoundé où se tient le salon Promote. Pour accéder au site de l’événement, il faut se faire fouiller et faire vérifier, à l’aide de détecteurs à métaux, le contenu de son sac, le cas échéant. « Il faut aller au Nord, c’est là-bas qu’il y a Boko Haram », lance, tout sourire, quelqu’un dans la foule. Quelques éclats de rire lui répondent. Tout juste.
Sursauts brusques
Fort significatif de l’inconscience du danger qui habite certains Yaoundéens, cet épisode tranche totalement avec l’attitude de personnes venues parfois de bien loin. Quelques semaines après Promote, c’est la crainte d’un Camerounais vivant en Europe et de passage au pays nous confirme l’espèce d’insouciance dans laquelle on vit au quotidien dans la capitale du Cameroun, malgré les menaces proférées par le leader de la secte Boko Haram. Notre vacancier, arrivé quelques jours à peine après les attentats islamistes de Paris, est resté marqué par la psychose en Europe, dans un Cameroun qui est désormais la cible des terroristes. Sous le regard presque amusé d’habitants ordinaires de Yaoundé.
Dans la diaspora, à Yaoundé et dans d’autres villes du Cameroun, une vague de réactions déchaînées a suivi le soutien apporté à l’hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo après la tuerie du 7 janvier dernier. Reprochant à ceux qui y participaient de n’avoir rien fait pour dénoncer les actions de la secte Boko Haram au Cameroun, les sorties du genre « Je suis armée camerounaise », « Je suis Fotokol » ou encore « Je suis Kolofata » révélaient dans le même temps le fait que leurs auteurs semblaient se rendre compte à ce moment-là seulement que Boko Haram était une menace réelle. Et encore, ils continuent à la cantonner à une zone précise du Cameroun.
Dans aucun de ces brusques sursauts, Boko Haram n’a été présenté comme une menace concernant l’ensemble du Cameroun. Pourtant, les zones qui ont subi les attaques de la secte islamiste ne sont pas aussi lointaines de la capitale qu’elles semblent. Et désormais, il est possible, par la route de rallier Yaoundé en partant de Kousseri en moins de deux jours. Et si Paul Biya a déclaré : « Il faut que l’on sache que la distance qui peut séparer un pays des zones de combat n’est pas une assurance tous risques ». Alors, à plus forte raison dans le même pays !
L’on sent bien qu’au niveau des autorités, l’on craint quelque chose. A l’aéroport international de Yaoundé et dans d’autres édifices, des mesures spéciales ont été prises. Il y a quelques jours, une alerte annonçant des attentats dans la ville de Yaoundé a été lancée. « La menace est déjà prise au sérieux dans les grandes villes du pays. Le week-end dernier, j'étais dans un snack de la ville de Douala où tous les sacs de femmes étaient fouillés à l'entrée. Et même dans certaines boites de nuit, à l'entrée vous passez au détecteur de métaux. Dans la ville de Yaoundé, en début d'année, je suis entré dans une boite de nuit où tout le monde est passé au détecteur de métaux. Ne dit on pas que prévenir vaut mieux que guérir? », témoigne Ernest Pekeuho, le président national du Bloc pour la reconstruction et l’indépendance du Cameroun (Bric).
Paradoxe
Pourtant, malgré ces mesures visibles, on ne ressent pas au quotidien de la crainte dans les habitudes des populations. On lance du « Boko Haram » dans le discours, presque pour s’amuser et désigner des personnes particulières. Le mot a rejoint de nombreux autres dans le dynamique lexique des jeunes urbains et peut désigner une personne dont on ne pense pas que du bien. Il y a bien quelques personnes qui, approchées, ne cachent pas leurs inquiétudes. « A coté du front de guerre qui est au nord, Boko Haram peut décider de changer de stratégie en commettant des attentats ciblés dans les différentes régions du Cameroun », pense Patrick Fomen, qui se souvient surtout de la jeune fille qui s’est fait exploser dans un marché au Nigeria.
Il pense surtout que « chacun est déjà psychologiquement préparé pour une longue guerre ». Certains, toutefois, semblent prendre conscience lorsque la question leur est posée. « A vrai dire, je n’y pense pas vraiment, mais si on s'en tient à ce qui se passe et ce qu’on dit partout, peutêtre c'est une menace », répond un commerçant, qui résume bien le paradoxe de ce Boko Haram si présent dans les discours du Camerounais ordinaire et pourtant si absent de ses actions ou préoccupations quotidiennes. Le paradoxe de ces dancings à l’entrée desquels on est fouillé au détecteur à métaux et où, une fois la porte franchie, l’on s’amuse jusqu’au petit matin. En toute insouciance.
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