Il s'agit ici du Câble diplomatique de l’ambassade des Etats-Unis à Yaoundé (Sources : WikiLeaks) créé le 06 octobre 2008 à 16 : 56, déclassifié le 30 août 2011 à 01 : 44.L'intégralité:

Dans un rapport confidentiel datant de 2008, les Etats-Unis par le truchement de Mme Janet Garvey, alors ambassadrice américaine au Cameroun, accusent le régime du président Paul Biya d’être responsable des périls dont souffre le Grand Nord Cameroun.

OBJET : PROVINCES DU NORD – CAMEROUN : L’ÉQUIPE DE L’AMBASSADE SE DÉPLOIE.

Résumé : Au cours d’un voyage qui a eu lieu du 21 au 27 septembre dans les provinces de l’Extrême-Nord, le Nord et l’Adamaoua, l’ambassadeur a lancé un poste de présence virtuelle (VPP) pour la région et a fait un large travail social de proximité.

Les provinces du Nord sont pauvres et dans leur majorité agricoles, souffrant de la baisse de production du coton et de faibles infrastructures. Le développement de la région a été retardé par une connectivité aérienne limitée. 

Les défis sécuritaires inclus le grand banditisme, les conflits de chefferie et les réfugiés tchadiens qui sont devenus violents ces derniers mois. Fin de résumé.

Du  21 au 27 septembre l’ambassadeur a conduit une équipe de l’ambassade lors d’un périple au Nord Cameroun, région donton dit être la plus peuplée du pays avec un pourcentage important de musulmans. Ce voyage d’une semaine incluait la présentation de l’équipe de l’ambassade à 50 contacts à Garoua, des prestations de musique folk américaine par le staff de l’ambassade dans toutes les capitales provinciales, des présentations des élections américaines à venir, la préparation du Ramadan avec les femmes musulmanes, des
réunions avec les chambres de commerce dans chacune des provinces pour discuter des opportunités d’affaires avec les Etats Unis, visite des projets d’autoprise en charge, réunions avec les stagiaires du Corps de la paix , une vaste gamme de réunions avec des officiels, affaires, la société civile et autres contacts.

L’ambassadeur a aussi effectué une visite au Centre d'Instruction des forces armées nationale (Cifan) de Ngaoundéré. Le Cifan servira à former 800 personnes pour le maintien de la paix ; les programmes de formation vont commencer en décembre.

Le soutien économique des trois provinces du nord est l'agriculture de subsistance, complétée par un peu de production commerciale de coton, le sorgho, les arachides, des noix de karité et autres cultures. La production agricole a été bonne cette année, malgré la pauvreté du sol, de maigres lopins de terre et le manque d' eau sont des problèmes chroniques. 

Les responsables de la Sodecoton, la plus grande entreprise camerounaise (partiellement détenue par l’Etat) productrice de coton présente l’image d’une entreprise moribonde dans le secteur du coton qui emploie plus de 300 000 personnels dans les trois régions septentrionales. Ils attribuent la chute de la production cotonnière de 75% depuis 2005 à la chute des cours mondiaux et un bond important des prix de fertilisants.

Les dirigeants de la Sodecoton attendent beaucoup des subventions du gouvernement du Cameroun et la diversification des plants.

Il y a une petite industrie dans les provinces du Nord. Nos réunions de travail de proximité social d'affaires ont drainé beaucoup plus de petits commerçants comme dans le secteur des travaux d' artisanat. Alors que le Nord a un potentiel touristique, peu de contacts ont vu ce secteur émerger. 

Le gouverneur de l’Extrême-Nord Ahamadou Tidjani a dit à l’ambassadeur que le développement du potentiel touristique est limité à cause du manque d’infrastructures et l’abandon des parcs de Waza et de la Bénoué. Par exemple, l’accès à Rumsiki, l’une des principales destinations touristiques de la région, est un chemin de terre battue enclavé où l’on ne peut accéder qu’avec une voiture 4X4. Il n’y a pas eu de vols en direction du Nord ces quatre derniers mois et maintenant que Elysian et Air Toumai (la compagnie aérienne tchadienne) desservent cette ligne plusieurs fois par semaine en direction de Garoua et Maroua, les vols coûtent chers et ils ne sont pas réguliers.

Des vols directs sont généralement en provenance de Paris pour Garoua (remplis de chasseurs américains) mais ils n’ont pas repris depuis l’an dernier.

Des sources se sont plaintes du niveau de vie élevé dans le Nord.

Des Tchadiens à la recherche d’une zone de sécurité se sont mis à acheter des biens dans les principales villes du Nord Cameroun provoquant ainsi une flambée dans le secteur de l’immobilier.

Les transports à Douala et ailleurs sont onéreux. La corruption a gangrené tous les secteurs de la vie avec des fonctionnaires qui demandent des pots-de-vin à tout va. Beaucoup d’enfants n’ont pas accès à l’école et le niveau d’instruction est très bas.

QUESTIONS DE SÉCURITÉ

Le représentant du HCR à Garoua, Kantemanke, a dit à l’ambassadeur qu’il y a 4000 réfugiés tchadiens au camp de Langui situé hors de la ville. Il a reconnu que quelques réfugiés pourraient être de véritables cas sociaux. Il a pensé que la majorité restait dans l’espoir d'aller aux États-Unis ou au Canada.

Kantemanke a espoir qu’il y aura bientôt un accord entre le HCR, le gouvernement du Cameroun et le Tchad pour faciliter le retour des réfugiés. Il a fait des commentaires sur la nature agressive de ces réfugiés, qui avaient détruit des véhicules et d'autres biens dans le camp pendant des émeutes en juin protestant contre l’indisponibilité et la qualité de la nourriture, les vêtements, etc. 

Le gouvernement du Cameroun a assuré la sécurité dans le camp de Langui mais Kantemanke est convaincu qu’il y a toujours des armes en circulation dans ledit camp et il était frustré que le gouvernement du Cameroun a dû encore nommer un directeur de camp.

Le Nord a un problème récurrent de « coupeurs de routes » qui attaquent aussi des véhicules que des villageois, kidnappent régulièrement des enfants, volent du bétail et autres biens. Alors que la frontière avec le Nigéria est régulièrement calme, les autorités locales expriment leur inquiétude face aux incursions de bandes armées en provenance du Tchad. Il y a aussi de façon récurrente des conflits de chefferies traditionnelles. Un prêtre catholique de la région a décrit une culture perverse de la peur : « les gens ont peur de tout, superstitions, du gouvernement, de tout ».

OPPORTUNITÉS COMMERCIALES

L’ambassadeur et le staff de l’ambassade ont organisé trois séminaires où ont pris part 50 participants à chaque fois à Garoua, Maroua et Ngaoundéré. Les participants ont souligné le besoin de plus de renforcement des capacités pour profiter de l'AGOA, particulièrement dans le secteur de travaux d'artisanat.

Ils désiraient avoir des informations sur EXIM, OPIC et d'autres services commerciaux du gouvernement américain et plusieurs d’entre eux ont montré de l'intérêt dans des futurs salons professionnels commerciaux américains. Le personnel de l'ambassade a aussi identifié des domaines de coopération avec le Corps de la paix et les chambres locales de commerce afin de nouer des liens commerciaux forts avec le Nord.

TRAVAIL SOCIAL DE PROXIMITÉ SUR L’ISLAM

Durant ce voyage, le staff de l’ambassade a eu un dîner à Garoua avec comme invités spécifiques des femmes musulmanes de premier plan, des maires, membres du parlement, les chefs d’associations religieuses, hauts fonctionnaires et journalistes. Durant le dîner, les invités ont relevé les défis de l’islam en général et des femmes en particulier, y compris le rôle que les coutumes jouent pour embrigader les femmes. Celles-ci se doivent de prendre part dans la vie politique et on note le problème de la sous-scolarisation chez les filles à cause des travaux champêtres et les mariages précoces. 

La délégation a aussi accepté un dîner offert par Bakary Bouba, l’influent lamido de Garoua, dans son palais. Il a discuté de la situation religieuse au sein de sa communauté et a briefé l’ambassadeur sur son récent programme international sur la tolérance religieuse et le dialogue interreligieux. Le lamido était extrêmement élogieux sur ces deux programmes et de son expérience aux États-Unis et a décrit en détail ses échanges positifs avec des chrétiens, des Juifs et d'autres musulmans pendant la visite. Il a particulièrement aimé ses échanges avec des Américains ordinaires pendant ses visites à domicile et a dit qu'il a été frappé par la nature accueillante, la piété et l'opportunisme des américains.

POSTE DE PRÉSENCE VIRTUELLE

L’ambassadeur a annoncé la création d’un poste de présence virtuelle pour la région septentrionale et la délégation a saisi l'occasion d'informer des contacts et la presse de son lancement durant le voyage. Malgré la grande population, le Septentrion est souvent difficile d’accès par le personnel d'ambassade en raison du manque d'infrastructures,
le coût et la rareté des vols. Le VPP démontre l'importance que l’ambassade accorde au septentrion et servira de dispositif pour informer la population des activités et des opportunités dans la région.

COMMENTAIRE

L’Extrême-Nord et les provinces septentrionales semblent en grande partie en retard, avec un faible développement et des infrastructures croulantes. Les habitants du Grand Nord se sentent coupés du reste du pays et à un certain degré négligés pour des raisons politiques (le Nord est la région d’origine de l’ancien président Amadou Ahidjo et est le bastion du parti d’opposition l’Undp). Ceci explique en partie l’accueil très chaleureux que l’ambassadeur et sa délégation ont reçu partout où nous sommes allés. Le voyage a reçu une large couverture médiatique positive. Nos contacts musulmans et les hommes d'affaires invités à nos événements de travail social de proximité et commerciaux étaient particulièrement enclins à plus d'interaction avec l'ambassade. Nous planifions de continuer notre engagement plus actif par l’installation du nouveau poste de présence
virtuelle et avec des voyages réguliers dans la région.

Garvey