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© L’Oeil du Sahel : DOUWORÉ OUSMANE
- 17 Jan 2015 10:34:24
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CAMEROUN :: BOKO HARAM : L’adjoint au maire de Fotokol recouvre libéré :: CAMEROON
Détenu à Yaoundé depuis trois mois, il était accusé par la police de ravitailler Boko Haram en vivres.
Abba Kaltoumi Hassana, deuxième adjoint au maire de la commune rurale de Fotokol dans le Logone et Chari, a recouvré la liberté le 9 janvier 2015. Il était détenu depuis octobre 2014 à Yaoundé, dans le cadre d’une enquête ouverte contre lui pour collusion avec la secte islamiste Boko Haram. Sans avoir droit à un procès. Les charges contre lui, dans cette affaire, il le faut le dire, étaient presque nulles. Abba Kaltoumi Hassana s’est retrouvé pris dans la psychose générale qui gagne généralement l’opinion publique et les forces de sécurité en période de conflit.
Tout commence après la prise par Boko Haram de la ville nigériane de Gambarou, frontalière de Fotokol en août 2014. Séparées seulement par le fleuve El Beid, des milliers de Nigérians trouvent alors refuge à Fotokol où, très rapidement, les vivres viennent à manquer. Parallèlement, un maillage serré de la frontière réduit considérablement les échanges commerciaux entre Fotokol et le reste du pays, les forces de sécurité craignant que la secte ne profite de la porosité de la frontière pour se ravitailler en vivres. La conséquence immédiate est que les réfugiés, les populations, les autorités administratives et les forces de défense et de sécurité manquent bientôt de tout. Il faut urgemment des approvisionnements.
Mais qui doit le faire? Le sous-préfet de Fotokol, Hayatou Oumarou, inquiet de cette situation, alerte sa hiérarchie, notamment le préfet du Logone et Chari. Celui-ci décide d’accorder une autorisation spéciale d’approvisionnement à Abba Kaltoumi, commerçant connu dans la ville et par ailleurs adjoint au maire de la municipalité, afin qu’il puisse acquérir des vivres et ainsi soulager la demande locale. «Il n’était pas bien de résoudre un problème en créant un autre. Si les populations ne sont pas ravitaillées, que voulez-vous qu’elles deviennent ? Qu’elles meurent de famine au prétexte qu’il faut empêcher tout ravitaillement de Boko Haram ? Non, ce n’était pas possible d’agir ainsi. Le préfet avait pris une bonne décision», explique un élu du Logone et Chari.
DESCENTE AUX ENFERS
Le 06 octobre 2014, le camion immatriculé AW260MAG charge à Kousseri une cargaison de 700 sacs de riz à destination de Fotokol. C’est la commande d’Abba Kaltoumi. A Riguil-Fotokol, le véhicule est cependant stoppé net à un contrôle des forces de l’ordre, malgré que le chauffeur ait brandi l’autorisation du préfet. Un branle-bas s’en suit. Voici la République alertée en ces temps où le sensationnalisme est l’arme favorite de certains responsables des forces de défense et de sécurité.
Le camion est reconduit à Kousseri où il est minutieusement fouillé. Sa cargaison aussi. Rien. Pas la trace d’une seule arme ni de minutions. Juste des graines de riz. Entre temps, le chauffeur du camion a donné le nom du propriétaire de la cargaison. Abba Kaltoumi est cueilli à Fotokol et escorté à Maroua où il passera une semaine dans les locaux du Groupement mobil d’intervention (GMI), cuisiné par une commission d’enquête mixte de la police mise sur pied par le délégué régional de la Sûreté de l’Extrême-Nord. C’est de cette unité de la police que l’infortuné sera transféré à Yaoundé pour une série de nouveaux interrogatoires.
Toujours rien. Pour autant, il n’est pas remis en liberté. «Il fallait du courage pour ordonner sa libération car aucun fait ne pouvait être retenu contre lui. Et en cela, le délégué général à la police a fait preuve de courage, puisque l’opinion l’avait déjà condamné et que son nom était abondamment cité tous les jours dans les médias quand il fallait donner vie à la thèse de la rébellion du Grand Nord véhiculée par de petites gens. La tentation, de la part des dirigeants, est souvent grande de garder de telle personne en prison», explique Ousmanou Malloum, un habitant de Fotokol. Beaucoup ici n’ont pas encore compris comment un commerçant, muni d’une autorisation du préfet territorialement compétent, connu pour ses services et son engagement aux côtés de l’administration locale, s’est retrouvé dans une telle situation. «Que les marchandises soient contrôlées n’a rien d’anormal. C’est la règle, car la circulation des marchandises peut couvrir la circulation des armes. Maintenant, que l’on vous accuse de collusion avec Boko Haram parce que vous faites votre travail en tant qu’honnête commerçant, est terrible.
Pourquoi n’a-t-on donc pas inquiété le préfet dans ces conditions ? Pour rester cohérent, il fallait impliquer le préfet car c’est lui qui a autorisé cette cargaison, or tous ces gens savent que ce préfet est un homme de bon sens, qui a le sens de l’Etat, qui pour résoudre un problème n’en crée pas d’autres», explique Abakar, un habitant de Fotokol. En décembre 2014, le délégué général à la Sûreté nationale ordonne une énième enquête sur cette affaire. Ses fins limiers descendent à nouveau sur le terrain et le verdict est toujours implacable : dossier vide. D’ailleurs, entre temps, devant les risques de famine à Fotokol, le préfet du Logone et Chari Albert Mekondane Obonou a été instruit par sa hiérarchie d’accorder de nouvelles autorisations aux commerçants. «Il a fallu rassurer les uns et les autres parce que personne n’en voulait. Personne ne voulait terminer au gnouf comme l’adjoint au maire. Dans ces conditions, qu’aurions nous fait ? Les gens seraient morts de faim», explique une source à la sous-préfecture de Fotokol.
Ne sachant plus que faire de ce prisonnier encombrant, Martin Mbarga Nguelé, le patron de la police, le relaxera tout simplement. Après trois mois d’incertitudes et de tourments, il ne reste plus à Abba Kaltoumi qu’à retrouver son honneur suffisamment terni par cet épisode. Et surtout l’intégralité de sa cargaison toujours entre les mains de la police au GMI de Maroua. Le reste passera sur la rubrique «pertes de la guerre contre Boko Haram».
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