C’est la somme mise en jeu pour avoir des informations permettant de mettre la main sur le bétail.

A l’instar de nombreux autres villages situés le long de la frontière avec le République centrafricaine, Tapawa Mbale, petite bourgade du département du Mbéré, région de l’Adamaoua, fait de plus en plus face aux incursions de groupes armés. Le dernier exploit de ces malfrats date du 28 décembre 2014 quand ils ont emporté 135 boeufs. Dans les détails, il s’agit de 50 têtes de race Goudali ayant la marque «IAK» ; 40 têtes de race Bodedji et Goudali avec la marque «Djelgol» au niveau des oreilles ; 45 têtes de race Danedji et Baledji.

Au cours de ces attaques, six bergers ont été blessés. Ils sont hospitalisés à Meiganga. «Le bétail nous a été arraché par des hommes armés, en pleine nuit», relate Alhadji Idrissa Adamou, l’un des trois propriétaires à avoir subi le coup de vol. «Dès qu’ils ont arraché les boeufs, ils ont immédiatement pris la direction de la Centrafrique», poursuit-il. Comme lui, les deux autres éleveurs ayant vu leur bétail volé, attendent encore une intervention des forces de l’ordre. «Nous savons tous que les troupeaux ont franchi la frontière la même nuit. Les autorités nous disent qu’ils vont agir, mais rien n’a encore été fait à ce jour», déplore l’un d’entre eux.

A la préfecture du Mbéré, les autorités assurent que tout est fait pour que ces boeufs soient retrouvés. «Le préfet a tenu une réunion à ce sujet le 2 janvier, avec les forces de l’ordre et des représentants de la communauté Mbororo», assure un proche du dossier. Sauf que chez les éleveurs, les assurances seules ne suffisent pas. Ils veulent voir les autorités mener les démarches en territoire centrafricain. En attendant, ils ont mis sur la table une récompense d’un million de Fcfa pour toute information pouvant permettre de mettre la main sur les 135 têtes de boeuf.

RÉCURRENCE

En attendant, les attaques répétées ciblant le bétail des éleveurs centrafricains et camerounais installés le long de la frontière avec la RCA, suscitent beaucoup d’inquiétudes au sein de la population. «Le bétail est l’objet de la convoitise des miliciens anti-balaka et de l’ex-Seleka. Nous sommes des éleveurs et des gardiens de bétail dont nous ne sommes souvent pas les propriétaires. Depuis plusieurs années, du fait de l’instabilité politique en Centrafrique, nous sommes victimes de vols et agressions», explique Musa Baoro, représentant de l’Association pour le développement social et culturel des Mbororo (Mboscuda) dans le Djérem.

L’on se souvient que le 17 septembre 2014, Alhadji Nana Yerima Alim, un éleveur camerounais installé à Ngaoui dans l’Adamaoua, a été abattu en territoire centrafricain alors qu’il revenait du marché du bétail. «Nos sources affirment qu’il avait refusé de s’arrêter à un barrage des anti-balakas cette nuit-là», avait indiqué le maire de Ngaoui, Abdouramane Labi. Selon de nombreux éleveurs interrogés, la faction de la milice venue de Centrafrique est dirigée par un certain général Ndalè qui exige régulièrement des éleveurs Mbororos le payement d’une taxe.

«Ils ont des arguments : des armes. Et les groupes sont nombreux et se revendiquent, sans que l’on puisse en être sûr, de la Séléka ou des Antibalaka. Ils ont réussi en quelques mois à peine à voler au moins un millier de têtes de boeufs», détaille Aladji Ousmanou Alihou, un représentant de l’Association pour l’intégration et le développement social des peuhls - MBororo de Centrafrique (Aidspc), réfugié au Cameroun.

Le bétail ainsi arraché se retrouve souvent très rapidement en territoire centrafricain, rendant difficile des interventions des autorités camerounaises. Ces boeufs sont abattus et se retrouvent dans les «kete gara» (petits marchés), lesquels sont inondés de viande de boeufs fumée vendue à des prix dérisoires. Une viande de boeuf qui a même été baptisée «balaka».