Cameroun - Répression : Lutte contre le terrorisme, bon prétexte
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nom de la lutte contre l’insécurité aux frontières, une loi anti-terrorisme a été votée et promulguée. La polémique ne s’est pas estompée.

Dans sa guerre sur les fronts Nord et Est, le gouvernement camerounais fait feu de tout bois. C’est l’inculpation par un juge d’instruction militaire de deux journalistes, Félix Ebole Bola et Rodrigue Tongue et Baba Wame, enseignant et par ailleurs ancien journaliste qui a tiré la sonnette d’alarme. Les trois personnes citées sont poursuivies pour une histoire sulfureuse de « non dénonciation des faits susceptibles d’atteinte à la sûreté de l’Etat ». Un motif en négation de la liberté d’expression ainsi que de la protection des sources d’information.

Quelques semaines plus tard, l’inculpation des journalistes a vite viré à un ballon d’essai, lorsque les députés à l’Assemblée nationale ont reçu un projet de loi anti-terroriste. Pour les uns, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une loi visant à protéger le pouvoir en place contre toute insurrection populaire, et à museler toute opposition ; le syndrome du Burkina Faso faisant tache d’huile. Pour les autres, il s’agit plutôt d’une loi réprimant les infractions criminelles telles que les activités irrédentistes aux frontières Nord, Est et maritimes.

L’exposé des motifs de la loi en question qui a finalement été adoptée puis promulguée, indique qu’elle «vise en particulier à réprimer les actes de terrorisme », et consacre la peine de mort, « pour quiconque à titre personnel, en complicité ou en coaction, commet un acte terroriste (article 2). Il réprime également les activités de financement, de recrutement, de blanchiment des produits terrorisme, de soutien ou d'apologie des activités de terrorisme (article 3 à 9) ». Les rédacteurs de cette loi ont vite précisé que le texte était inspiré, entre autres, par la Convention du 14 juillet 1999 de l'Organisation de l’unité africaine sur la prévention et la lutte contre le terrorisme et son protocole du 08 juillet 2004.

C’est l’article 2 de la loi en question qui prête à équivoque et à interprétations contradictoires.

«(1) Est puni de la peine de mort, celui qui, à titre personnel, en complicité ou en coaction, commet tout acte ou menace susceptible de causer la mort, de mettre en danger l'intégrité physique, d'occasionner des dommages corporels ou matériels, des dommages de ressources naturelles, à l'environnement ou au patrimoine culturel dans l'intention :

  • a) d'intimider la population, de provoquer une situation de terreur ou de contraindre la victime, le gouvernement et/ou une organisation nationale ou internationale, à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, à adopter ou à renoncer à une position particulière ou à agir selon certains principes ;
  • b) de perturber le  normal des services publics, la prestation de services essentiels aux populations ou de créer une situation de crise au sein des populations;
  • c) de créer une insurrection générale dans le pays.

(2) Est puni de la peine de mort, celui qui, pour atteindre les mêmes objectifs que ceux précisés à l'alinéa 1 ci-dessus :

  • a) fournit et/ou utilise des armes et matériels de guerre,
  • b) fournit et/ou utilise des micro-organismes ou tous autres agents biologiques, notamment des virus, des bactéries, des champignons ou des toxines ;
  • c) fournit et/ou utilise des agents chimiques, psychologiques, radioactifs ou hypnotisants;
  • d) procède à une prise d'otage.

(3) La peine est l'emprisonnement à vie lorsque les conséquences prévisibles des actes visés aux alinéas 1 et 2 ci-dessus sont la maladie d'animaux ou la destruction de plantes.
(4) Les infractions visées aux alinéas 1, 2 et 3 ci-dessus sont caractérisées même en cas de guerre officiellement déclarée ». Malgré toutes les protestations, le texte est passé comme une lettre à la poste, à l’Assemblée nationale et au Sénat.

© Le Jour : Denis Nkwebo

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