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© Le Jour : Irène Fernande Ekouta
- 01 Jan 2015 18:11:37
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Cameroun - Rétrospective 2014 : Le Nigéria s’impose au Cameroun en matière musicale :: CAMEROON
Davido, P-Square et tous les autres sont partout au Cameroun, virtuellement tout moins. Leurs chansons sont de tous les événements et manifestations. De nombreux mélomanes camerounais préfèrent les écouter, plutôt que d’accorder de la place à l’offre locale dans leurs discothèques.
Samedi, 09 août 2014, date d’un concert annoncé géant à Yaoundé. Le stade Omnisports, lieu choisi pour le spectacle est révélateur. 38. 509 places assises à pourvoir. Un risque que les promoteurs de spectacles n’ont pas pris depuis le passage du groupe Kassav il y a une vingtaine d’années. Pourtant, ce samedi après-midi, de nombreux Yaoundéens font la queue. La sécurité est débordée. Jeunes et moins jeunes se montrent impatients. Quelques artistes camerounais sont programmés.
Ce ne sont pas eux qui font courir tout ce monde. Le rappeur américain T-Pain a été annoncé. Une première au Cameroun. Il ne montera pas sur scène. Les jumeaux nigérians Peter et Paul qui forment le groupe P-Square seront donc les seules guest-stars de la soirée. Un lot de consolation sur lequel le public n’a pas craché. Le duo connaît un succès retentissant au Cameroun depuis bientôt dix ans, surtout avec son nouveau tube « Taste the money ». Les jumeaux n’auraient pas eu besoin de T-Pain comme appât pour drainer la foule au stade Omnisports de Yaoundé.
Depuis bientôt une décennie, la musique nigériane connaît un regain de popularité quelque peu évaporée après la disparition des icônes comme Prince Nico Mbarga- et son « sweet mother » - ou encore Fela Kuti et son afrobeat… Fela Kuti, un artiste qui s’est construit une forte image avec son talent, son excentricité et, surtout, son « costume » de scène très dépouillé. A l’époque, le Cameroun n’a rien à envier à son voisin nigérian en matière de musique. Le Makossa et ses ambassadeurs et ils sont nombreux se vendent bien en Afrique et au de là.
Le bikutsi sort peu à peu des cabarets. Sam Fan Thomas est une véritable vedette en Côte d’Ivoire avec son album « Makassi ». Manu Dibango, lui, cartonne aux Amériques et dans le reste du monde grâce à « Soul Makossa », entre autres. En somme, la musique camerounaise s’épanouit pleinement, à mille lieues de la situation cahoteuse d’aujourd’hui.
La percée nigériane
Avec ses fils Femi et Seun, le Nigeria espérait une relève à la hauteur de ce qu’a été Fela pour ce pays. Mais non ! Il faudra attendre le début des années 2000 pour voir la musique nigériane renaître de ses cendres au niveau international. De nouveaux visages insufflent cette nouvelle ère. 2face Idiba en un. Son titre « African queen » fait un carton en Afrique. Au Cameroun, cette chanson est une nouvelle façon de déclamer son amour pour une femme. Les slows américains n’ont désormais plus qu’à bien se tenir ! La romance chantée en pidgin et en argo nigérian devient la marque indélébile de l’africanisation des genres R’nb, slow, hip-hop, etc.
Dès lors, la nouvelle génération d’artistes nigérians explose littéralement. On assiste ainsi à la naissance des P-Square, par exemple, qui volent de succès en succès. Aujourd’hui, la Nigeria est le leader incontesté de la musique, tout au moins en Afrique centrale. Une musique qui s’impose, peut-être beaucoup trop, dans l’environnement camerounais. Les stars de la musique nigériane comme Davido, Flavour, Chindima, Wizkid, Tiwa Savage, entre autres, sont désormais plus écoutées que les artistes camerounais. Un phénomène perceptible à la simple observation empirique.
Petite anecdote pas moins révélatrice racontée par un journaliste : « Lors d’une soirée, j’ai observé que les invités dansaient les chansons nigérianes. Mais, aussitôt que le Disc jockey (Dj) a mis de la musique camerounaise, ils sont spontanément retournés à leurs places. J’ai trouvé cela ahurissant », s’inquiète-t-il. En effet, aujourd’hui, dans toutes les manifestations, lieux d’animation et/ou de loisirs, les Dj consacrent obligatoirement des plages à la musique nigériane. En réalité, ils n’ont pas trop le choix. Etant des baromètres, les Dj savent ce qui plaît au public qui en redemande. En fait, le public opère une sélection spontanée des musiques diffusées çà et là. Et l’offre nigériane s’avère meilleure à leur goût. De quoi s’inquiéter, dans la mesure où, cette préférence révèle que la musique camerounaise n’est pas assez forte pour mener un jeu d’équilibre avec la nouvelle musique nigériane, dont les clips, en l’occurrence, sont d’une qualité technique irréprochable.
La réponse camerounaise Face aux arguments des stars nigérianes, les artistes camerounais jouissant d’une certaine popularité locale ne font pas vraiment le poids sur le plan international. Le Makossa est en perte de vitesse. Le hip-hop et le R’nb de certains jeunes artistes camerounais sont désormais copiés sur le style nigérian. Du coup, en ce moment, des genres musicaux écoutés en majorité au Cameroun, le bikutsi semble être celui qui s’impose le mieux. Seulement, ses stars comme Coco Argentée, Mani Bella et autres ont beau être adulées au Cameroun, mais elles s’exportent difficilement. Lady Ponce, quant à elle, essaie, tant bien que mal, d’adapter sa musique à un marché plus vaste. Mais, ce n’est pas assez. Le public camerounais est visiblement plus exigeant.
A côté des stars du Bikutsi, Charlotte Dipanda, dont le genre est un mélange des musiques d’ici et d’ailleurs, est un bon espoir entre les deux mondes. Le groupe X-Maleya est aussi une belle promesse pour les mélomanes du monde.
Le droit d’auteur, cette épine dans le pied
Ce même public considère élitiste la musique de ses meilleurs ambassadeurs internationaux. Richard Bona, André Manga, Manu Dibango, Etienne Mbappè, Sally Nyolo, Les Nubians, Joëlle Esso, Kaïssa Ndoumbè, etc, rencontrent des difficultés à diffuser leurs albums. La faute à la piraterie, mais surtout au pouvoir d’achat. C’est justement là que se fonde l’expansionnisme de la musique nigériane. En effet, le marché nigérian représente au moins 150 millions de potentiels acheteurs de disques, quand le marché camerounais, quant à lui, atteint à peine 10 millions. La stratégie des artistes et/ou maisons de production nigérians consiste à rendre le plus accessible possible les Cd à moindre coût.
Par ailleurs, l’industrie musicale nigériane investit sur la diffusion. Elle est présente partout parce que la réalisation technique audio et vidéo obéit largement aux standards internationaux, quand les artistes camerounais ont encore des difficultés à se produire. La précarité dans laquelle baignent certains d’entre eux ne leur permet pas d’enregistrer dans des conditions professionnelles et encore moins de tourner des clips avec du matériel adéquat. De la promotion, n’en parlons pas. Du coup, leur talent, quand il en est, n’est pas assez mis en valeur. Ce qui est dommage parce que la musique camerounaise est non seulement d’une grande diversité mais aussi d’un potentiel inouï.
Sur ces détails, la musique nigériane s’est forgé son star system. Et quand, ses stars viennent donner des spectacles au Cameroun, elles peuvent exiger des cachets faramineux à plus de six chiffres parce que le public camerounais en est fan- quand à côté, les artistes locaux les plus cotés débordent difficilement les cinq millions de francs Cfa. L’autre problème de la musique camerounaise, c’est aussi la désunion créée par les crises à répétition dans la gestion du droit d’auteur. Un caillou dans la chaussure dont la musique camerounaise a du mal à se défaire.
Ces problèmes, associés à tant d’autres, font parfois oublié à quel point nos artistes ont du talent. La déferlante nigériane n’est que la conséquence d’un manque...
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