CAMEROUN :: LES BAMILÉKÉS : UNE TRAGÉDIE SILENCIEUSE ET UN HÉRITAGE DE SANG :: CAMEROON
© Correspondance : Guy Samuel Nyoumsi | 25 Feb 2025 09:38:07 | 2258L'histoire du Cameroun est marquée par une blessure profonde et persistante : les persécutions subies par le peuple Bamiléké. De la colonisation allemande à la tutelle française, en passant par la répression post-indépendance, les Bamilékés ont été la cible de systèmes oppressifs successifs, souvent au prix de massacres impunis et d'une stigmatisation institutionnalisée.
Un Peuple en Quête d'Indépendance, une Répression Sanglante
Dès la période coloniale allemande, les Bamilékés étaient perçus comme un groupe résistant. Les autorités coloniales les considéraient comme un "caillou dans la chaussure", une expression reprise plus tard par le colonel français Jean Lamberton en 1960, soulignant ainsi leur rôle central dans les mouvements de contestation.
Dans les années 1950, alors que l'Afrique aspirait à la décolonisation, le Cameroun fut le théâtre d'une lutte intense entre les forces nationalistes et les colons français. L'Union des Populations du Cameroun (UPC), principal mouvement indépendantiste, comptait de nombreux Bamilékés en son sein. Cette affiliation renforça la perception des Bamilékés comme le cœur battant de la résistance, les exposant à une répression féroce.
De 1955 à 1971, une guerre d'extermination fut menée contre eux sous prétexte de lutter contre la rébellion. Des villages entiers furent incendiés, des populations civiles massacrées par l'armée française et, plus tard, par le régime néocolonial instauré après l'indépendance. Des bombardements au napalm furent même utilisés sur les bastions nationalistes de l'Ouest, une horreur que peu d'Africains ont connue avec une telle intensité.
L'Héritage du Soupçon et de la Marginalisation
Après l'indépendance du Cameroun en 1960, le régime d'Ahmadou Ahidjo, soutenu par la France, poursuivit cette répression. Les Bamilékés, considérés comme des ennemis potentiels du régime, furent l'objet d'une politique d'exclusion politique et économique. Cette stigmatisation ne s'est jamais réellement dissipée.
Aujourd'hui encore, des discours aux relents ethniques persistent, décrivant les Bamilékés comme un groupe "envahissant", "dominateur" ou encore "incontrôlable". Le cliché d'un peuple avide de réussite économique a alimenté jalousies et tensions, renforçant un climat de méfiance et d'hostilité à leur encontre. Dans certaines régions du Cameroun, des appels à la violence contre les Bamilékés ont été lancés sans qu'aucune mesure sérieuse ne soit prise pour y mettre fin.
Un Rapport Historique, des Zones d'Ombre Persistantes
Le 28 janvier 2025, un rapport conjoint intitulé "La France au Cameroun (1945-1971)" a été remis aux présidents Paul Biya et Emmanuel Macron. Ce document de plus de 1 000 pages vise à éclairer le rôle de la France dans la répression des mouvements indépendantistes camerounais, notamment ceux portés par les Bamilékés. Bien que cette initiative marque une avancée vers la reconnaissance des souffrances endurées, le rapport est critiqué pour son manque de clarté et l'absence de détails sur certaines atrocités commises.
Les archives consultées, provenant de diverses institutions en France, Suisse, Royaume-Uni, Nigeria et Cameroun, n'ont pas permis de lever tous les voiles sur cette période sombre. Les auteurs du rapport eux-mêmes reconnaissent que des pans entiers de l'histoire restent à explorer pour une compréhension complète des événements.
Des Discriminations Persistantes au Cameroun
Aujourd’hui, les Bamilékés continuent de faire face à de nombreuses discriminations. Dans le sud du Cameroun, des incidents récents, comme ceux survenus à Sangmélima, ont mis en lumière une hostilité croissante à leur égard. Des commerçants bamilékés et bamouns ont dénoncé des attaques ciblées, parfois meurtrières, sans que l’État ne condamne fermement ces actes ni ne prenne de mesures concrètes pour y remédier.
Récemment encore, des violences ont éclaté à Meyos, au cours desquelles certains commerçants ont été assassinés à l’aide de machettes et leurs boutiques saccagées, illustrant ainsi une montée inquiétante de tensions communautaires. L’inaction des autorités face à ces exactions fait peser le risque d’une déflagration qui pourrait embraser l’ensemble du pays.
Cette situation s’inscrit dans une dynamique plus large de Kabbale anti-Bamiléké, où des discours hostiles et des actes de discrimination récurrents continuent d’alimenter les divisions au sein de la société camerounaise. Sans une réponse ferme et un engagement sincère en faveur de la cohésion nationale, le Cameroun pourrait être confronté à des tensions de plus en plus graves.
L'Appel à la Mémoire et à la Justice
Malgré des décennies de persécutions et d'injustices, le peuple Bamiléké s'est relevé. Mais les blessures du passé demeurent béantes. L'État camerounais n'a jamais reconnu officiellement les massacres perpétrés contre eux. Aucune justice n'a été rendue aux milliers de victimes de cette guerre oubliée.
Il est impératif que la communauté nationale et internationale se penche sur cette tragédie. La mémoire des victimes ne peut pas être effacée par le silence. La réconciliation et l'unité du Cameroun ne peuvent exister sans la reconnaissance des souffrances subies par les Bamilékés et les Bassa.
Un Héritage de Résistance
Si l'histoire des Bamilékés est marquée par le sang et la douleur, elle est aussi celle d'un peuple résilient, entreprenant et profondément attaché à son identité. Leur combat pour la justice et la reconnaissance historique est une lutte pour toute l'Afrique, une lutte contre l'oubli et l'impunité.
Le silence sur cette tragédie est une complicité. Il est temps d'ouvrir les archives, de nommer les coupables, et surtout, de garantir qu'aucune autre communauté ne subisse un sort similaire au Cameroun. Car un pays qui refuse d'affronter son passé est condamné à le revivre.
Président de Solidarité Africaine de France
Auteur de "La tragédie muette de l’esclavage en Mauritanie"
Contact : gsnyoumsi@gmail.com
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