CAMEROUN :: Vaincre la politique de l’inimitié pour remporter les présidentielles de 2025 :: CAMEROON
© Correspondance : Par Louis-Marie Kakdeu | 12 Feb 2025 07:08:05 | 605Dans son ouvrage intitulé « Politique de l’inimitié », Achille Mbembe analyse la politique contemporaine orientée vers la globalisation de la relation d’inimitié, la militarisation des conflits et la multiplication des frontières. Ces frontières sont des clivages. La politique est devenue trop clivante. Il s’agit du populisme qui se manifeste principalement par l’accentuation des antagonismes sociaux et la catégorisation hégémonique. La volonté d’écraser les autres et non la volonté de rassembler. Le discours politique se limite de nos jours à donner de bons points à NOUS et de mauvais points à EUX. C’est le NOUS contre le EUX. Le EUX représente une menace pour le NOUS. La politique contemporaine consiste à vouloir neutraliser le EUX. Le postulat est que la communauté du NOUS sera en paix et en harmonie après l’exclusion du EUX. Or, c’est une illusion. La politique contemporaine se fait sur l’axe Amour-Haine : l’Amour pour NOUS et la Haine pour EUX. Je me propose de prendre quelques faits saillants dans la politique camerounaise pour illustrer cette dérive démocratique et tirer une perspective logique pour les élections présidentielles de 2025 au Cameroun.
« Ce sont des collabos »
Quelques fois, je me demande si je me porterai candidat moi-même à une élection au Cameroun. J’ai peur de devoir abandonner ma science pour m’accoutumer du populisme. J’ai peur de devoir dire essentiellement ce que les gens veulent entendre. J’ai peur de devoir corrompre les consciences pour que l’on m’accorde de l’attention. J’ai peur de devoir m’accoutumer de l’inversion des valeurs. Jusqu’ici, la politique a consisté à entretenir une relation d’inimitié entre l’opposition et le pouvoir. On parle de « collabos » au Cameroun en référence à l’opposant qui entretiendrait une « relation incestueuse » avec le pouvoir. Qu’est-ce qu’une relation incestueuse au Cameroun ? Il s’agit simplement de la collaboration avec les autorités publiques dans le cadre d’un projet.
Pour mieux comprendre, introduisons un autre terme, « proposants », qui permet de désigner péjorativement ceux des partis politiques qui portent un projet alternatif pour le pays. Sur l’axe Amour-Haine, il n’y a pas de « propositions » à faire ; il faut « s’opposer », full stop. C’est quoi « s’opposer » ? Il faut montrer que l’on est celui ou celle qui déteste le plus les autorités en place. S’opposer à la camerounaise signifie dévaloriser l’adversaire politique et se valoriser soi-même. Les mécanismes sont : dénoncer en permanence, se défouler, injurier, calomnier, se victimiser, etc. Il faut en fait « aboyer ». Question : Depuis les années 1990 que l’on aboie, est-ce que la caravane s’est arrêtée de passer ? Cela a-t-il suffit à faire tomber le Président Paul Biya ? La réponse est NON. Pourquoi ? Parce que Paul Biya se la joue parfaitement bien.
Des cabinets noirs sont aujourd’hui à l’œuvre pour instiguer la division et renforcer les clivages. Le niveau de clivage est telle qu’une seule fraction ne peut prendre le pouvoir à elle-seule. Le but de la communication des adversaires du changement est d’œuvrer pour que les fractions ne s’entendent jamais. Les Camerounais vivent des cloisons qui sont en fait des horizons fermés que l’on leur assigne. Rares sont ceux qui savent qu’il existe une vie au-delà de l’horizon. Le régime fabrique des micro-revendications communautaires, qui permettent en fait à un citoyen cloisonné de manger sa part en regardant ce qu’il y a dans le plat de l’autre. Et comme on ne partage pas équitablement les ressources du pays, alors ça jacasse !
Au Cameroun, le régime a réussi à confiner les leaders et partis politiques dans des cloisons communautaires : on parle de partis des bamilékés, des anglophones, des nordistes, des bassas, etc. On parle de façon plus générale de « partis du village ». Dans cette configuration, seul le parti au pouvoir, le RDPC, est national et mérite par conséquent de conserver le pouvoir. Si vous réussissez à vous élever au-dessus des clivages, alors on vous colle l’image de « collabos » pour vous empêcher à parler à tout le monde. Dans cette logique, les gens ne doivent pas se parler au-delà de leur cercle identitaire et les gens ne doivent pas aller n’importe où et surtout pas au-delà de l’horizon défini qui leur a été attribué. Pour faire simple, il s’agit de l’intolérance politique qu’il faut vaincre pour remporter les élections présidentielles à venir.
La politique est une affaire d’opinion
Contrairement à l’acception populaire, la politique n’est pas une relation d’inimitié. La politique consacre l’expression des opinions divergentes. Comme dans chaque famille, la divergence d’opinion entre les enfants ne devrait pas engendrer l’inimitié. Les gens qui partagent des opinions différentes peuvent bel et bien « prendre un pot » ensemble sans que cela ne soit synonyme de compromission ou de trahison. Lorsque j’explique à certains que les panélistes se saluent après un débat télévisé ou qu’ils finissent par prendre un pot avant de se séparer, ils n’en reviennent pas. J’étais à Mbanga hier dimanche 9 février 2025 pour accompagner mon camarade l’Honorable Djeumeni Bénilde qui offrait son 17ème forage aux populations de sa circonscription et en profitait pour faire son rapport parlementaire. Je l’ai vu couler les larmes plusieurs fois. La première fois, c’est lorsque ses détracteurs avaient choisi cet instant pour diffuser massivement ce qu’ils considéraient comme étant une preuve de sa « collaboration » avec le Ministre des finances. Parlons-en !
Nous avons trois catégories d’acteurs dans cette affaire : premièrement, nous avons des gens qui n’ont jamais été élus et qui ne savent pas ce que c’est que le travail parlementaire et municipal. En 2020, ils avaient d’abord appelé à boycotter les élections locales, parce qu’ils estimaient que la seule participation aux élections législatives et municipales était signe de « collaboration ». Chemin faisant, ils ont compris que le parlement était important sauf qu’ils n’ont pas encore compris comment ça fonctionne. Ils insultent le travail parlementaire des élus, estimant selon eux qu’un député ne devrait « collaborer » avec personne à l’Assemblée. Or, c’est simplement impossible de faire son travail de député ou de maire sans collaborer avec les autorités publiques. Ils s’en rendront compte plus tard, lorsqu’ils auront aussi la chance d’être élus comme on peut les voir se préparer. Par le passé, c’est lorsqu’on les avait attrapés à la Présidence de la République qu’ils avaient subitement réalisé que c’était un service public. Allons-y seulement ! La deuxième catégorie de personnes est faite des élus et anciens élus qui n’ont pas de bilan à présenter à leurs populations.
Beaucoup sont élus depuis 20 ans et n’ont jamais rendu compte. Ce sont des entrepreneurs qui avaient fait de la politique un business privé. Pendant la période électorale, ils savent corrompre les consciences ou diffuser la Haine de l’autre pour se maintenir. Ils font des revendications identitaires leur credo politique. Ils demandent la part du NOUS sauf qu’ils ne montrent jamais ce qu’ils ont déjà fait pour le NOUS depuis des décennies qu’ils sont en poste. Une nouvelle génération d’élus brise ce code identitaire et mercantile. Et comme on dit au Cameroun, ces nouveaux élus jettent le sable dans le tapioca du business. Ils font découvrir aux populations l’immensité des possibilités que dispose un élu. Il s’agit de quoi ? Il s’agit de faire son travail de porte-voix des populations en détresse. Il s’agit d’aller frapper toutes les portes possibles pour obtenir quelque chose en faveur de ses populations. Dans le langage technique, il s’agit d’être capable de monter des projets maturés et de chercher le financement pour la réalisation dans sa localité. Contrairement à ce que pensent les Haineux, la première source de financement en République est le budget public.
L’élu qui arrive à obtenir le plus de ressources publiques possibles pour sa circonscription est un bon élu. Vous comprenez que le choix des populations était simple : on ne peut pas confier notre mandat à celui qui ne peut rien obtenir pour nous sous prétexte qu’il est dans une relation d’inimitié avec les autorités publiques. C’est ainsi que l’opposition traditionnelle ne gagnait plus les élections. Sur l’axe Amour-Haine, les Haineux avaient conduit les populations au pogrom ou en prison. Vous avez des élus ou des leaders dont leurs bilans ne se comptent pas en termes de développement ou d’amélioration des conditions de vie ; ils achètent des gerbes de fleur pour aller au cimetière ou des sacs de riz et autres palettes d’eau pour aller visiter « les martyrs » en prison.
Question : Pourquoi les populations vous avaient-elles élus ? Pour se voir transformées en chairs à canon ou pour vous voir vous mouiller pour elles ? Lorsque vous êtes l’élu des gens qui ont des problèmes élémentaires d’eau, d’électricité, d’alimentation, de santé, d’éducation, d’habitat, etc., quel devrait être votre priorité : Redoubler de superlatifs pour insulter Paul Biya et sa famille ou alors vous grouiller pour trouver l’eau pour vos populations ? L’opposition Camerounaise s’était énormément trompée d’objectif et je crois fermement que la campagne pour l’élection présidentielle se jouera sur cet aspect. Les populations locales ne se voyaient pas représentées par les élus. Par conséquent, l’abstention de près de 60% était la sanction de l’ensemble de la classe politique. Les gens ne savaient pas à quoi servait la politique sinon à l’enrichissement personnel d’une certaine élite du pouvoir comme de l’opposition. Je suis du SDF et je suis mieux placé pour en parler au regard des comportements prédateurs que nous avons eu à l’interne de la part de certains de nos anciens élus.
Je me suis félicité hier de la capacité du l’Honorable Djeumeni à lever les fonds pour le développement de sa circonscription électorale. Dans son rapport parlementaire imprimé pour la circonstance en 3000 exemplaires et rendus disponibles, l’on pouvait voir qu’il avait sollicité plusieurs sources de financement dans les administrations publiques, les chancelleries, les organisations internationales, etc. : « Vous m’avez envoyé à la chasse et j’ai attrapé déjà quelques gibiers », a-t-il dit à sa population. Et d’ajouter : « ce que j’ai déjà attrapé là est petit ; je dois encore aller chercher beaucoup plus de gibiers pour vous ». C’est la troisième catégorie d’élus qu’il faut à la République. Ce sont eux que nous cherchons.
Vaincre l’intolérance pour gagner les élections présidentielles
Le vainqueur des élections présidentielles de 2025 au Cameroun ne sera pas un Haineux c’est-à-dire quelqu’un qui s’est laissé confiné dans un horizon identitaire. L’unité du NOUS est une illusion. Et même dans le meilleur scénario identitaire de l’unité du NOUS, il faudrait se rendre à l’évidence qu’une seule fraction ne peut pas prendre le pouvoir au Cameroun. Il va falloir avoir la capacité de coller les morceaux. C’est malheureusement ce qu’on appelle en réalité « collaboration ». J’ai quelque fois du mal à croire que je serai amené à laisser ma science pour faire le contraire pour des raisons populistes. Je ne peux pas enseigner dans le cadre des masters classes en management des projets qu’il faut collaborer avec toutes les parties prenantes et venir en politique dire qu’il faut la haine entre les parties prenantes. Il faut se désillusionner dès à présent : personne ne prendra le pouvoir au Cameroun sans la collaboration avec les autres parties prenantes, le monde de la finance, de la justice, de l’armée, etc. Lorsque je vois certains leaders politiques monter des attaques contre d’autres et contre ces institutions du pouvoir, je me dis que cela relève de l’immaturité politique. Le SDF a déjà gagné les élections au Cameroun et n’a pas pu prendre le pouvoir : nous savons de quoi nous parlons et il faut nous prendre au sérieux ! Nous savons où toucher ; nous savons comment ça marche.
Dans tous les cas, chacun récoltera ce qu’il aura semé.
Louis-Marie KAKDEU, MPA, PhD & HDR
Deuxième Vice-Président National SDF
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