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FRANCE :: Paternité de la Chanson Viviane : Prince Aimé ou Génie Solo. Ce que je crois.

Le monde artistique camerounais est secoué par un litige inédit opposant deux artistes aveugles, Prince Aimé et Génie Solo, qui revendiquent chacun la paternité de la célèbre chanson Viviane. Ce débat, bien que centré sur une œuvre musicale, révèle les complexités du droit d’auteur, les lacunes des protections légales, et les enjeux émotionnels autour de l’authenticité artistique. Retour sur cette affaire qui divise autant qu’elle passionne.

Origines contradictoires de la chanson

La chanson Viviane, devenue chanson africaine de l’année, aurait des origines disputées. Selon Génie Solo et certains témoins, il chantait Viviane dès les années 1995, notamment en langue Medumba, dans des cadres traditionnels comme les boutiques ou les veillées funèbres à Bangangté. D’autres affirment l’avoir entendu interpréter ce titre depuis les années au cours de ces années-là, soulignant une tradition orale ancienne qui aurait nourri l’inspiration. Cependant, Prince Aimé revendique le statut de véritable auteur-compositeur, se présentant comme le premier à avoir officialisé et enregistré l’œuvre. Il soutient que son enregistrement en studio constitue une preuve tangible de son rôle d’initiateur et de diffuseur, une position renforcée par son association à des instances de droit d’auteur.

La controverse légale : auteur officiel ou créateur originel ?

Au cœur de cette controverse se trouve une opposition entre deux notions : l’auteur légal et le créateur originel. Prince Aimé affirme avoir protégé l’œuvre auprès des institutions compétentes, lui conférant un statut légal. De son côté, Génie Solo et ses partisans évoquent un manque d’honnêteté intellectuelle, reprochant à Prince Aimé d’avoir exploité une composition issue de lui Génie Solo, qui fut son ami de chambre alors qu’ils étaient à l’école des aveugles de  Buéa. Un argument récurrent dans le débat est que Génie Solo aurait négligé de légaliser la chanson auprès d’organismes tels que la SONACAM ou la SACEM. Cette omission a laissé la porte ouverte à une appropriation par d’autres, comme cela s’est souvent produit dans l’histoire musicale camerounaise.

Les opinions publiques : une affaire de mémoire collective

Le débat divise profondément l’opinion publique. Certains, ayant grandi avec Génie Solo à Bangangté, reconnaissent en lui l’auteur véritable, même si ses moyens limités ne lui ont pas permis de populariser son œuvre au-delà des cercles traditionnels. Pour d’autres, Prince Aimé incarne l’artiste ayant donné un souffle contemporain et une visibilité nationale à Viviane, notamment grâce à son clip vidéo et ses tournées à travers le monde. L’émotion dans cette affaire est palpable, alimentée par des témoignages personnels. Certains disent avoir entendu Génie Solo revendiquer la chanson dès les années 2003, parlant de vol et d’injustice. D’autres pointent l’absence de preuves tangibles de sa part, ce qui renforce  la crédibilité de Prince Aimé.

Un phénomène récurrent dans l’industrie musicale camerounaise

L’affaire Viviane illustre un problème récurrent au Cameroun : le plagiat et le manque de reconnaissance des auteurs originaux. Plusieurs exemples historiques rappellent ces tensions, comme le litige entre les Zangalewa et Shakira, ou encore des cas où des œuvres anonymes ont été transformées en succès commerciaux sans reconnaissance de leurs origines. Cela souligne un besoin criant de formaliser la propriété intellectuelle et de protéger les créateurs locaux. L’hymne de la coupe du monde 2010 réclamé par les Zangalewa, était chanté par  la garde républicaine  dans les années 70, bien avant que leur  groupe ne  soit formé.

Une bataille de reconnaissance, plus qu’un conflit financier

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Génie Solo ne réclame pas de droits financiers, mais une reconnaissance morale de son rôle dans la création de Viviane. Il souhaite que la vérité soit connue, non pour détruire la carrière de Prince Aimé, mais pour honorer son propre parcours artistique. De son côté, Prince Aimé continue de revendiquer sa légitimité, avouant même que lui et Génie Solo n’ont jamais bossé ensemble, il insiste d’ailleurs  sur le fait qu’il a porté Viviane au grand public, un exploit qu’il estime suffisant pour justifier son statut d’auteur-compositeur officiel.

L’Écho d’une Mélodie Perdue : L’Histoire de Viviane

La première fois que j’ai entendu la chanson Viviane, c’était en 2002. Pourtant, ce n’était pas une nouveauté pour mes oreilles. Une étrange réminiscence me saisit, ramenant à la surface des souvenirs d’un air familier, celui d’un certain Ngako. Cet homme, comédien à Nkongsamba dans les années 1976-77, animait les veillées et les soirées avec un spectacle singulier. Il faisait danser des poupées, de petites statuettes qu’il manipulait avec une maîtrise artistique, accompagnées par les battements envoûtants d’un tam-tam. Ces poupées, souvent en couple, racontaient des histoires tirées du quotidien, mêlant drames sociaux et petites joies.

Parmi ces récits figurait une chanson qui évoquait une femme, Bibiane. Ce nom, devenu aujourd’hui Viviane, avait une origine bien ancrée dans la vie ordinaire. Bibiane, c’était le prénom de la gérante de ce bar populaire appelé « Ewondo Bar » à Nkongsamba. Chaque soir, ce lieu grouillait d’âmes en quête de convivialité, et Ngako, dans son génie improvisateur, chantait pour distraire les clients. Son hommage à la belle Bibiane, incarnée dans ses poupées dansantes, faisait vibrer l’assemblée. Ce n’était pas qu’un spectacle : c’était une ode à une époque, à un lieu, à une femme devenue muse sans le savoir.

 

L’Ombre du Plagiat : Un Mal Silencieux

Si aujourd’hui, la paternité de Viviane est disputée entre deux artistes talentueux, cette controverse n’est pas nouvelle dans le paysage artistique camerounais. L’histoire regorge de cas similaires, où le génie créatif de l’un se voit éclipsé par l’opportunisme de l’autre. Si je n’avais pas peur de blesser un grand artiste camerounais,  auréolé d’un disque d’or dans les années 80, pourtant ce succès,  reposait sur une chanson qu’il avait écouté  chez  un jeune talent, venu naïvement lui présenter son travail pour obtenir des conseils. Quelle ne fut pas la surprise de ce jeune compositeur de reconnaître son refrain, réinterprété et diffusé sans sa permission, sur les ondes radio ! Nous sommes ici dans une  pratique symptomatique.

Au Cameroun, la création souffre d’un mal insidieux : le plagiat. Ce fléau dépasse les frontières de la musique. Il se retrouve dans les écrits, les idées d’entreprise, les initiatives commerciales. Voyez, par exemple, un simple étal de prunes dans un carrefour. Qu’un vendeur rencontre le succès, et soudain, tout le quartier se met à vendre des prunes. L’inspiration laisse place à l’imitation. Et dans les arts, cette tendance atteint son paroxysme : des œuvres de l’esprit, fruits d’efforts sincères, sont récupérées, déformées, revendiquées par d’autres, souvent sans vergogne.

Un Manque de Reconnaissance Intellectuelle

Cette absence d’honnêteté intellectuelle mine la richesse culturelle camerounaise. Viviane en est un exemple frappant, une chanson qui aurait pu unir au lieu de diviser. À travers ses disputes, nous voyons les erreurs de générations d’artistes et de publics incapables de protéger et de valoriser la création. Debordo, en redonnant vie à cette mélodie, lui a insufflé une nouvelle aura, mais son geste n’a pas reçu la dignité qu’il méritait. Quant à Prince Aimé, il a peut-être manqué l’occasion d’embrasser cet héritage avec grâce, pris dans les méandres des querelles et des influences douteuses. Mais en droit, on dit : « en fait de meuble possession vaut titre. »

L’objet appartient à celui qui le tient entre ses mains. Quant à Genie Solo il peut passer à autre chose et composer une autre chanson aussi fulgurante que viviane s’il croit que c’est lui le propriétaire. Il doit prouver son talent par  une autre chanson et laisser comme il le dit son frère tranquille. Dans un monde où l’art devient parfois une arène de disputes, il est nécessaire  de préserver la mémoire et d’honorer les racines. Que Viviane reste une leçon : un appel à la reconnaissance des sources et à la protection des œuvres, non pas pour diviser, mais pour célébrer ensemble la richesse de notre héritage culturel.

Que retenir de cette affaire ?

L’affaire Viviane met en lumière la fragilité de la frontière entre tradition orale et propriété intellectuelle. Si la vérité sur la paternité de la chanson demeure floue, ce litige appelle à une réforme urgente du système de protection des droits d’auteur au Cameroun. Il souligne également l’importance de reconnaître les créateurs originels sans minimiser la contribution de ceux qui popularisent des œuvres. Dans ce duel entre Prince Aimé et Génie Solo, l’histoire de Viviane se révèle être celle de bien plus qu’une chanson : un témoignage des tensions entre tradition, modernité et justice dans l’art camerounais.

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