Gestion des finances publiques : Le Cameroun poussé vers un big bang
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Pour bénéficier des appuis budgétaires dans le cadre de son programme avec le Fonds monétaire international, le pays doit réaliser un certain nombre de réformes. Celles-ci vont modifier le processus d’élaboration, de contrôle et d’exécution du budget.

Le Cameroun se prépare à une révision constitutionnelle. En effet, à en croire le ministre des Finances (Minfi), « les deux avant-projets portant transposition des directives n°6 et n°1 et relatif au Code de transparence et de bonne gouvernance et au régime financier de l’Etat et des autres entités publiques, ont été introduits dans le circuit de validation interne après avis de conformité émis par la Commission de la Cemac [Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale] l’année dernière».

Pour bien comprendre les implications de cette information que Louis Paul Motaze donne le 30 mai dernier lors de la 4ème session de la plateforme de dialogue sur les finances publiques, il faut savoir que cette transposition apporte deux changements majeurs par rapport au droit positif camerounais en matière de gestion des finances publiques. Il instaure les débats d’orientation budgétaire et oblige l’institution de la Cour des comptes en lieu et place de la Chambre des comptes. Et une révision de la constitution est indispensable pour opérer ces deux réformes.

Les débats d’orientation budgétaire sont des discussions qui ont lieu tout au long de la préparation du budget. Elles sont prévues dans la 2e section du Code de transparence et de bonne gouvernance qui traite des attributions et de la responsabilité des institutions. Selon cette disposition, ces échanges se font au parlement sur la base d’un rapport du gouvernement sur ses hypothèses macroéconomiques, ses grandes orientations et priorités budgétaires sur le moyen terme ainsi que ses principaux choix fiscaux et risques budgétaires pour l’année à venir. Rapport qu’il est tenu de rendre public « dans un délai raisonnable précédant le dépôt des projets de loi de finances ».

Il est donc nécessaire de réviser la Constitution pour multiplier le nombre de sessions ordinaires du parlement, limité pour l’instant à trois (mars, juin, novembre). Il faudra aussi pour les mêmes raisons réviser les règlements intérieurs du Sénat et de l’Assemblée nationale. La modification de la Constitution est également nécessaire pour la création de la Cour des comptes. Car elle n’y est pas pour l’instant prévue. Yaoundé lui ayant préféré un Chambre des comptes aux pouvoirs moins élargis.

Révolutions

Comme il s’entrevoit, la transposition de ces deux directives dans le corpus juridique camerounais va induire d’importants changements dans l’élaboration, l’exécution et le contrôle du budget. Désormais, les Camerounais ne découvriront plus par exemple le projet de loi de finances au parlement. Car le Code de transparence et de bonne gouvernance légalise la participation des citoyens à l’élaboration et au contrôle du budget. « La presse, les partenaires sociaux et d’une façon générale tous les acteurs de la société civile sont encouragés à participer à la diffusion des informations ainsi qu’au débat public sur la gouvernance et les gestions des finances publiques », indique le texte dans sa section information au public. Pour cela, « l’ensemble des informations et documents relatifs aux finances publiques sont publiés par les institutions compétentes sur leur site internet dès qu’ils sont disponibles », oblige le code. Ce contrôle démocratique est par ailleurs renforcé par les débats d’orientation budgétaire, qui, bien qu’ayant lieu au parlement, sont publics.

Le contrôle judiciaire se voit aussi renforcé avec l’institution de la Cour des comptes qui devient selon l’article 72 de la directive Cemac relative aux lois de finances, « l’institution supérieur de contrôle de chaque Etat ». Or, jusqu’ici, en vertu de l’article 2 du décret de septembre 2013 fixant les attributions du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe), ce rôle est dévolu à cette structure. C’est donc à ce département ministériel que revient le contrôle des ordonnateurs de dépenses notamment les ministres. La Chambre des comptes, elle, est confinée aux contrôles des comptables publics. Dans ce schéma, c’est en effet l’exécutif qui contrôle l’exécutif. Par conséquent, l’audit et la surveillance externes sont peu efficaces.

« La Chambre des comptes ne bénéficie pas de la faculté de saisir le CDBF (Conseil de discipline budgétaire et financière) pour les fautes de gestion imputables aux ordonnateurs relevées lors de ses contrôles, faculté pourtant reconnue aux tribunaux régionaux des comptes. Ainsi, les fautes conjointes ou communes punies au niveau du comptable demeurent sans conséquence à l’égard de l’ordonnateur ou du gestionnaire », regrette l’institution judiciaire dans son rapport publié l’année dernière. Mais quand est-ce que les projets de loi portant transposition des directives n°6 et n°1 seront envoyés au parlement ?

« Avant la fin d’année », répond le Fonds monétaire international (FMI). « Le processus est en cours et il est envisagé que l’Assemblée nationale examine les textes lors de l’une de ses prochaines sessions », indique Hans-Peter Schadek, l’ambassadeur, chef de délégation de l’Union européenne au sortir de la 4e session de la plateforme de dialogue sur les finances publiques. Bien avant, dans son allocution d’ouverture, Louis Paul Motaze, s’est encore montré moins précis. « Tout est mis en œuvre pour que ces textes soient adoptés dans les meilleurs délais », concède, prudent, le Minfi. Cette prudence traduit en fait l’état d’esprit des autorités camerounaises qui, en réalité, vont à pas forcés vers cette réforme.

Conditionnalités

C’est depuis 2011 que la Commission de la Cemac a adopté le Code de transparence et de bonne gouvernance et les cinq autres directives qui devront permettre son application. Mais le Cameroun ne se hâte que très lentement pour l’internalisation dans son corpus juridique de ces dispositions communautaires. Entre autres raisons évoquées pour justifier cette posture: «la transposition des directives change l’orientation des réformes déjà engagées par le Cameroun notamment avec la mise en œuvre de la loi portant régime financier de l’Etat et donne un sentiment d’instabilité », justifie-t-on au ministère des Finances. Par ailleurs, ajoute notre source, «la transposition des directives entraine une réforme institutionnelle délicate. Or l’agenda politique jusqu’ici n’était pas porté sur l’organisation institutionnelle mais plutôt sur la relance économique avec la mise en œuvre du DSCE [Document de stratégie pour la croissance et l’emploi] et la marche vers l’émergence ».

Mais pour faire face à la crise économique survenue à la suite de la baisse des prix des matières premières notamment du pétrole, les pays de la Cemac souscrivent à des programmes d’ajustement avec le FMI. Les bailleurs de fonds qui doivent les accompagner dans la traversée de cette mauvaise passe conditionnent leur financement à la mise en œuvre de certaines réformes que ces pays tardent depuis plusieurs années à appliquer.

Parmi ces mesures se trouvent non seulement la transposition des directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques de la Cemac, mais également une pléthore d’autres réformes (voir page 11) qui vont également avoir un impact sur la gestion des finances publiques. Après la transposition des directives n°6 et 1, condition pour obtenir les appuis budgétaires 2018 de l’Union européenne et de la Banque africaine de développement, l’internalisation des quatre autres directives est prévue dans le plan de réforme 2019-2021 en préparation.

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