Cameroun:Pr VINCENT SOSTHENE FOUDA" Les pouvoirs publics dans notre pays ont trop tardé à  penser la décentralisation, ils n'ont jamais su ce qu'est la déconcentration"
CAMEROUN :: POLITIQUE

Cameroun:pr Vincent Sosthene Fouda" Les Pouvoirs Publics Dans Notre Pays Ont Trop Tardé À  Penser La Décentralisation, Ils N'ont Jamais Su Ce Qu'est La Déconcentration" :: Cameroon

Le Prof. Vincent-Sosthène FOUDA, Président national du Mouvement Camerounais Pour la Social-Démocratie [M.C.P.S.D], commente l'actualité brûlante de l'heure au Cameroun.Lisez plutôt

Quelle lecture de la crise anglophone aujourd’hui?

Au-delà de toutes les analyses qui seront faites, il est primordial de reconnaître qu’il y a crise. Cette crise au-delà de ce que vous nommez crise anglophone est une crise du vivre-ensemble dans notre pays, conséquence de la mal-gouvernance dans laquelle nous sommes plongés depuis des décennies.

Vivre ensemble… La formule a été à ce point rebattue et rabâchée que son sens a fini par s’évaporer dans un air du temps qui n'en retient plus qu'une idée apaisante certes, mais simpliste et naïve surtout dans un pays comme le nôtre où il n’existe pas de concept, mais des alignements de mots que l’on se passe à longueur de journée, d’abord par la radio, ensuite dans les réseaux sociaux pendant que 62 % de la population reste en marge de tout. Une idée, en vertu de laquelle, il suffirait d’ouvrir grands les bras et les cœurs pour s’accepter tous et bien s’entendre. La diversité des cultures, des croyances, des convictions, d’histoire politique ne soulevant de questions, ne provoquant de crispations, ne suscitant la méfiance que parmi les esprits frileux, étroits, sectaires, voire sécessionnistes… Ce lieu commun, quand bien même il a l'apparence de la générosité et des accents de sincérité n'en conduit pas moins à une illusion dangereuse. Car on ne peut se contenter de proclamer, sur le mode incantatoire, que la diversité est une chance pour qu'ipso facto, comme par enchantement, elle le devienne comme veut nous le faire croire et accepter au prix de la baïonnette le nouveau ministre de l’Administration Territoriale. A faire comme si ce vivre-ensemble ensemble allait de soi et à trop se payer de mots, on fait le lit de l'intolérance et du rejet.

Quelles sont pour vous les voies du dialogue et de sortie de crise?

La diversité ethnique, l’histoire de la colonisation, de la décolonisation, l’indépendance de notre pays ne sont et ne seront une richesse qu’à la condition d’être comprises, partagées, respectées en même temps que tenues dans certaines limites. Yaoundé est la capitale du Cameroun – et cela fait notre fierté – et de tout temps, a su agréger des individus aux croyances et aux origines diverses, 256 tribus du Cameroun, deux traditions, française et britannique. Sens de l'hospitalité et traditions des populations autochtones aidant, nombreux sont ceux qui ont trouvé leur place dans cette ville et parfois dans les villages. Une place, souvent, il est vrai, très discrète, trop peut-être… Le Camerounais qui n’est pas originaire de Yaoundé ou celui à la Foi différente (les populations autochtones ici étant majoritairement chrétiennes) s'appliquant le plus souvent à la retenue typique de l'invité qui ne veut pas déranger son hôte, mais faisant tout de même sa place.

Mais Yaoundé, capitale, n’est pas le nombril du Cameroun. Il suffit de regarder autour de nous pour nous en rendre compte. Dès que vous avez parcouru 50 km en direction du Nord, vous êtes dans le département de la Lékié, les populations sont déjà différentes avec des besoins différents. Voilà pourquoi notre pays a besoin de décentralisation. Contrairement à d’autres leaders politiques et autres universitaires, je pense que nous pouvons discuter valablement de la forme de l’État du Cameroun. Notre Loi Fondamentale n’est pas coulée sur du béton.

Le Cameroun peut-il envisager une autre forme de l’État que l’État unitaire décentralisé sa forme actuelle?

J’entends des voix s’exprimer, des pistes sont proposées tous les jours, c’est la preuve qu’aujourd'hui, les temps ont changé et l'on voit naître des revendications émanant d'individus, de collectifs qui, jusque-là, s'imposaient un profil bas, une sorte de devoir de réserve afin d’aller tous vers l’Unité Nationale qui elle-même découlait de la volonté des pères de la décolonisation de l’Afrique. Ils ont demandé une indépendance globale sans contestation des frontières héritées de la colonisation, c’est un long débat qui a eu lieu au moment de la création de l’Organisation de l’Unité Africaine le 25 mai 1963 à Addis-Abeba en Éthiopie. Ceux qui hier ont accepté ce package d’indépendance et de l’État-Unitaire qui voulait dire État Unifié avec un drapeau sans couture sans tâche avec des couleurs de vie - d’ailleurs les mêmes pour tous les pays d’Afrique noire — maintenant, souhaitent voir leurs propres points de vue considérés, dans une échelle locale et non plus nationale. Ils veulent faire entendre leurs arguments à la société. Et c'est là que se situe le changement réel : le corps social, nos institutions, sont désormais appelés à accorder leur attention à la particularité, à la singularité, à la différence sans forcément vouloir séparer. Sans être dupes des manœuvres de ceux qui avancent avec le masque sécessionniste qui est aussi dans l’air du temps pour défier les valeurs républicaines, nous devons, en tant que leaders politiques, mais aussi intellectuels réfléchir aux moyens de ne plus ignorer ces particularités et donc imaginer de nouveaux outils de gouvernance, d'autres instances de concertation c’est ce à quoi je consacre les travaux depuis 18 ans déjà et le MCPSD que je préside est aussi heureusement dans cette dynamique.

Pour vous en tant que socio-politologue, quelle peut être la vraie solution ou mieux la meilleure forme de l’État possible au regard du contexte politique actuelle?

Le Cameroun est un jeune État dont le processus de mise en place des institutions devant le régir n’est pas achevé. Au sortir de la colonisation, en mettant ensemble le Cameroun Britannique et le Cameroun Francophone eux-mêmes issus de la dislocation du Cameroun germanique, nous avons essayé l’État Fédéral avec deux États fédérés sur l’unique base linguistique. Cette expérience a échoué, en me basant sur les travaux de Lekene Donfack Etienne aujourd’hui membre du Conseil Constitutionnel. Nous avons abandonné cette expérience en 1972, mais la République dans sa forme unitaire actuelle interroge plus d’un à cause d’une centralisation « excessive », « Bien que la question anglophone soit à la base des menaces d'implosion de l'État, la revendication fédéraliste est transculturelle et trans partisane. Il existe cependant parmi les partisans du fédéralisme un désaccord sur son contenu que tous recherchent par ailleurs. Face à cette expression diversifiée de la revendication fédérale, l'attitude du pouvoir, de ses alliés et de certaines associations ethnico-culturelles reste constante : ils rejettent le fédéralisme. Le régionalisme conçu dans les projets proposés par chacune des instances mises en place par l'État dans le cadre du processus de réforme constitutionnelle en cours depuis novembre 1991, loin d'être un régionalisme politique proche de la fédération, ne correspond même pas à une véritable décentralisation, dès lors qu'il ne satisfait pas aux critères généralement admis en matière de décentralisation. » Toujours selon Lekene Donfack, le régionalisme politique adapté aux réalités complexes du Cameroun est pourtant le système le plus apte à préserver l'État aussi bien contre l'irrédentisme que contre la centralisation.

Professeur que proposez-vous?

Je suis pour une déconcentration c’est-à-dire pour un transfert simple de compétences spécialisées à des agents locaux du pouvoir central, à des agents locaux nommés par le pouvoir central et n'ayant d'autre autorité/légitimité politique que celle que leur donne ce pouvoir central. Et pour une réelle décentralisation, c’est-à-dire une remise de capacité, de compétences, au sens juridique du terme, à des autorités librement désignées par ceux-là mêmes qu'elles administrent. Je demande la création de nouvelles municipalités sur la base des chefferies de premier degré actuelle. C’est-à-dire qu’une municipalité devrait correspondre à deux ou trois chefferies de 2ème degré c’est-à-dire entre 5 et 6 villages. Ainsi, le décret de 1977 et la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 seront plus visibles et par conséquent efficients pour le bien des populations et le développement du pays.

Mais encore professeur?

Nous proposons un État unifié déconcentré et décentralisé avec des autorités locales qui ont une réalité politique propre. Qui a une capacité d'orientation et de choix, qui peuvent être différents de ceux du pouvoir central représenté par les préfets et les gouverneurs de région qui doivent veiller à l’unité du pays.

Je veux dire que les compétences exercées localement sont données par l'Etat central qui peut éventuellement les modifier, soit en en donnant moins, soit en en donnant plus (c'est la tendance contemporaine). Pour moi qui suis républicain, qui connais la réalité anglo-saxonne, il est bon de rappeler que c'est un acte du pouvoir central qui doit déterminer les collectivités et leur donner leur capacité d’agir.

Pensez-vous que les efforts que vous déployez en tant que leader politique pour la stabilité et la paix concourent à cet idéal?

C’est au peuple et au gouvernement de la République de répondre à cette question. Je suis un ouvrier de la Nation et de la République. La Nation étant entendue comme une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. Dans le passé, un héritage de gloire et de regrets à partager, dans l’avenir un même programme à réaliser; avoir souffert, joui, espéré ensemble, voilà ce qui vaut mieux que des douanes communes et des frontières conformes aux idées stratégiques; voilà ce que l’on comprend malgré les diversités de race et de langue. Je disais tout à l’heure : « avoir souffert ensemble »; oui, la souffrance en commun unit plus que la joie. En fait de souvenirs nationaux, les deuils valent mieux que les triomphes, car ils imposent des devoirs, ils commandent l’effort en commun. La République c’est tout autre chose, le mot lui-même dans son origine étymologique paraît assez neutre : « res publica », la chose publique. C’est un héritage de la colonisation dont nous nous sommes emparés dès 1958 quand André-Marie Mbida forme le premier gouvernement camerounais. La République ce sont les Institutions, les frontières, les hommes et les femmes qui incarnent ces institutions et surtout un régime sans souverain héréditaire.

Les pouvoirs publics ont-ils selon vous, fait tout ce qu’il y avait à faire pour dialogue avec les Camerounais originaires de 02 régions dites anglophones?

Les pouvoirs publics dans notre pays ont trop tardé à penser la décentralisation, ils n’ont jamais su ce qu’est la déconcentration. Aux revendications légitimes, ils ont opposé soit le silence, soit la violence ce qui a radicalisé les uns et les autres.

On ne vous pas encore vu à Buéa et à Bamenda…

J’échange beaucoup avec nos frères du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Les déplacements sont extrêmement difficiles pour les leaders politiques de l’opposition dans notre pays. Pour assister nos frères dans l’Extrême Nord, il a fallu multiplier les démarches auprès des autorités administratives. Voilà les activités que nous menons et qui ne sont pas couvertes par vous. Autrement dit, vous n’êtes pas où nous sommes et vous nous cherchez où nous ne sommes pas. Les activités d’un parti ne sont pas dictées par le quotidien, mais par une programmation à long terme.

Quel est le message que vous pouvez adresser aux populations du Sud-Ouest et du Nord-Ouest dans le cadre de la préservation de la paix?

Je suis solidaire des souffrances des populations du Nord-Ouest comme de celle des populations du Sud-Ouest. Nous devons privilégier le dialogue face à toute autre possibilité. C’est avec vous et avec vous seuls que nous devons dessiner les nouveaux contours de la République, c’est-à-dire donner un sens au corps des valeurs dans lesquelles doit se reconnaître notre pays, je veux dire la République du Cameroun. Cette République s’est construite au fil de l'histoire, héritée de notre rencontre première avec les missionnaires Jamaïcains et Anglais, la colonisation allemande qui a lui donné une forme, les frontières à notre pays, la lutte pour l’indépendance, la réunification qui est un élément essentiel de cette République, c’est le pilier de notre pays et de notre vie collective. Rien n’est parfait dans ce pays, mais pour construire nous n’avons pas besoin de tout détruire! Il n’y a pas que les pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire, le nouveau Conseil constitutionnel pour invoquer les « principes fondamentaux de la République » : le suffrage universel et la démocratie effective en font partie, l'égalité des droits entre tous les citoyens, l'obligation scolaire, le respect des libertés fondamentales dont le droit à la libre expression, la laïcité - fondée sur la séparation de l'église et de l'État - (je n’y crois pas sociologiquement parlant)... Ces principes sont en construction dans notre pays et menacés par leurs propres gardiens : la démocratie par la confiscation du suffrage universel comme nous pouvons le voir en ce moment avec l’élection des sénateurs, la laïcité par les ingérences de la religion dans la vie publique, des prêtres notamment catholiques qui vont célébrer des messes dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale. Le refus de la déconcentration et de la décentralisation de La République, au sens des droits fondamentaux, se présente aujourd'hui comme un refuge, une protection dans la tempête et c'est pourquoi j’invite tous les Camerounais, pas seulement ceux du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, dans leur quasi-unanimité, à lutter pour préserver ce patrimoine commun, qui est notre boussole dans la tourmente du monde actuel.

Le paysage politique est animé par l’ambiance des élections au Sénat. Quel est le bilan que vous faites du comportement politique du Sénat sortant?

Notre pays n’a pas besoin de Sénat, ensuite le corps électoral de cette élection ne rime à rien. Cette structure dans sa mise en place, son fonctionnement est une hérésie pour la démocratie. Voilà pourquoi nous ne prenons pas part à cette élection aujourd’hui comme dans le futur.

Serez-vous encore candidat à la présidentielle de 2018?

L’élection présidentielle est une rencontre entre un homme et son peuple et 2018 est une rencontre importante pour tout homme politique. Le Mouvement Camerounais Pour la Social-Démocratie que j’ai la responsabilité de présider travaille pour cette élection. Le moment venu vous serez tenus informés de ce que nous allons faire. Depuis 10 ans déjà, avec une équipe de personnes aux expertises diverses, nous travaillons à une offre politique qui colle aux réalités, besoins et aspirations des peuples du Cameroun. Une offre politique différente qui met l’homme au centre de ses préoccupations et de son action : « Le Peuple d’abord, le Cameroun toujours! » Le temps nous le dira. Pour le moment, je travaille à recoller les morceaux de ce pays en lambeau. Je ne crois pas qu’il y aura des élections présidentielles en 2018 alors, laissez-nous travailler encore pour que le moment venu nous puissions entrer en dialogue avec l’ensemble de nos concitoyens.

En tant que arbitre, il y a une guerre inter générationnelle qui s’ouvre dans notre pays. Votre avis?

Non il n’y pas de guerre intergénérationnelle dans notre pays. Qui voulez-vous opposer? Les parents aux enfants? Les grands-parents aux petits-enfants? Tout cela est insensé. La politique d’abord est une affaire d’idées.

Si on vous dit Me Muna. En deux mots

Fédéraliste?

Si on vous dit Cabral Libii

Je ne sais pas

Si on vous dit Kah Walla.

Aucune idée

Si on vous dit Joshua Osi et John Fru Ndi.

Le candidat investi par le SDF à la prochaine présidentielle

Si on vous dit Paul Biya

Président de la République du Cameroun depuis 1982.

Lire aussi dans la rubrique POLITIQUE

Les + récents

partenaire

canal de vie

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo